Maroc

Vaccin anti-Covid-19: cinq questions au chercheur Tariq Daouda

Par LeSiteinfo avec MAP

Accompagné d’une équipe de développeurs et de chercheurs en intelligence artificielle, bio-informatique et immunologie, l’expert marocain Tariq Daouda, docteur en bio-informatique de l’université de Montréal, et actuellement chercheur post-doctoral à la Harvard Medical School, a lancé une plateforme interactive alimentée par l’Intelligence artificielle (IA) dans le but de faciliter et d’accélérer le développement d’un vaccin anti-coronavirus.

Le chercheur marocain revient, dans un entretien à la MAP, sur le concept et l’objectif de cette démarche innovante ainsi que sur la “science des données”, susceptible de faire révolutionner la médecine dans l’avenir.

Pouvez-vous nous expliquer le concept de votre nouvelle plateforme intelligente?

Le COVID-19 est une pandémie aux conséquences humaines et économiques énormes. Cette pandémie souligne la nécessité de disposer de technologies permettant de concevoir rapidement des vaccins et des thérapies contre les nouveaux agents pathogènes.

Dans ce cadre, nous avons conçu la plateforme interactive “Epitopes.world” grâce à un nouvel algorithme, baptisé CAMAP, qui génère des prédictions pour des cibles vaccinales potentielles.

Les cellules de notre corps présentent à leur surface de petites portions des protéines qu’elles ont fabriquées à l’intérieur. Ces petites séquences sont appelées épitopes et sont utilisées par le système immunitaire pour identifier les cellules devenues cancéreuses ou qui ont été infectées par des virus. Comme ces épitopes sont ce que les cellules immunitaires utilisent pour reconnaître les cellules cancéreuses et infectées par des virus, ils peuvent également être utilisés comme cibles de vaccins.

Toutefois, l’identification de ces épitopes cibles est généralement une tâche très longue et difficile, d’où la complexité de développer un vaccin.

Nous avons mis au point un algorithme d’IA qui peut améliorer significativement la prédiction des épitopes pour les génomes de mammifères. Les premières expériences sur le génome du SRAS-CoV-2 (COVID-19) montrent qu’il pourrait également être appliqué pour améliorer la prédiction des épitopes viraux. Grâce à cette approche, nous pouvons générer une liste d’épitopes cibles candidats en quelques dizaines de minutes. Cette liste pourrait permettre aux chercheurs de développer un vaccin en un temps record.

Quel est l’objectif de votre algorithme?

Notre objectif est de contribuer à accélérer la découverte d’un vaccin COVID-19 en rendant nos résultats accessibles au public. Nous publions des scores de prédictions pour chaque cible possible dans le génome du SRAS-CoV-2, et mettons toutes les informations à la disposition de la communauté des chercheurs par le biais d’un portail web interactif.

Quel rôle pourrait jouer l’IA dans l’avenir en matière d’anticipation, de gestion et de lutte contre les pandémies?

L’IA pourrait jouer plusieurs rôles dans la gestion et la lutte contre les pandémies. Les techniques d’IA peuvent aider à accélérer la découverte de remèdes, mais aussi à prédire l’évolution des pandémies ou à identifier les conditions favorables à leur développement.

Les techniques d’IA deviennent vraiment intéressantes lorsqu’on les utilise pour compléter ce que l’être humain est naturellement capable de faire. Par exemple, je ne suis pas capable à l’oeil nu d’analyser 200.000 séquences d’ADN pour y trouver des patrons qui pourraient ouvrir la voie à de nouvelles thérapies. Mais je pourrai développer une IA qui le peut. Ensuite grâce à des collaborations, il est possible de tester expérimentalement ces résultats et d’affiner successivement la méthode jusqu’à arriver à la thérapie escomptée. Dans cet exemple, l’IA est un outil qui complémente la réfection de la même façon qu’un télescope complémente la vision.

L’outil informatique pourra-t-il contribuer à faire révolutionner la médecine?

Je dirais que c’est déjà le cas. Le big data est aujourd’hui chose courante en biologie et sciences de la santé. Par contre, je dirais que les machines capables de générer ces quantités astronomiques de données ont devancé notre capacité à les analyser. Par conséquent, il nous reste beaucoup à découvrir sur l’analyse de données biologiques. C’est d’ailleurs là que la recherche en IA devient vraiment intéressante. C’est, par ailleurs, un type de recherche dans lequel le Maroc pourrait exceller et devenir un leader mondial. La révolution vient à peine de commencer à mon avis.

Quelles sont vos aspirations futures ?

J’aimerai voir plus de ponts se créer entre les sciences médicales et l’apprentissage des machines. De plus en plus de données sont aujourd’hui générées par les laboratoires de recherche, les hôpitaux et les cliniques. Analyser ces données demande une connaissance très approfondie à la fois en apprentissage machine et en biologie, d’où mon souhait de voir ces domaines arriver à une meilleure compréhension mutuelle. Je pense que ceci pourra avoir un impact majeur en matière de biologie fondamentale et d’élaboration de nouvelles thérapies cliniques. Finalement, j’aimerai voir l’Afrique, et le Maroc particulièrement, se démarquer et devenir une référence pour la recherche en IA et santé.

S.L. (avec MAP)


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