Centres de proximité: Akdital réoriente le budget du projet vers l’international

Rebondissement dans le projet de prise de contrôle conjoint de Rochaktalim SA : le groupe Akdital a annoncé le retrait immédiat de son dossier relatif au projet de création de centres médicaux de proximité, déposé auprès du Conseil de la concurrence. Cette décision fait suite aux réactions de plusieurs médecins, « inquiets des effets que pourrait avoir ce projet sur leurs activités ».
Ce retrait remet sur la table une question centrale : quel rôle pour le privé dans les services publics ?
Pour de nombreux praticiens, l’enjeu dépasse Akdital. Il touche à la structuration d’un secteur où coexistent cliniques privées, cabinets libéraux, hôpitaux publics et attentes croissantes des citoyens. La question posée est simple : une concentration accélérée entre les mains d’un acteur majeur — moteur, par ailleurs, d’investissements importants — représente-t-elle un risque systémique ou une opportunité d’industrialiser un secteur historiquement fragmenté ?
De son côté, Akdital fait certes marche arrière mais explique sa vision. Le groupe insiste sur le fait que le projet visait à « élargir davantage l’accès aux soins », notamment dans des zones « insuffisamment dotées en infrastructures médicales ». Il affirme rester convaincu que le projet « ne pouvait en aucun cas impacter négativement » l’activité des médecins, mais admet avoir entendu les « inquiétudes exprimées », ainsi que la circulation « d’informations incorrectes » relayées sur les réseaux sociaux.
Il ajoute que les investissements prévus seront réorientés vers d’autres projets, y compris à l’international, afin d’éviter « tout sujet de discorde » au sein de la profession. Le retrait vise, selon lui, à préserver les relations confraternelles et à maintenir un climat de confiance entre les différents acteurs du secteur.
Le courrier transmis au Conseil de la concurrence par la Coordination Syndicale des Médecins Généralistes du Secteur Privé et le Collectif National des Médecins du Secteur Libéral éclaire le débat sous un autre angle. Les syndicats pointent non seulement la concentration économique, mais aussi une série de risques : « un affaiblissement substantiel de l’offre de santé libérale et indépendante » et un « risque sur l’équilibre du système de soins ».
Ces arguments laissent à penser qu’après l’éducation, la santé pose une question clé : jusqu’où le Maroc peut-il laisser un acteur privé structurer l’offre de soins sans garantir que cette structuration bénéficie équitablement aux patients, aux médecins et au système ?
Le débat n’est pas isolé. Depuis plusieurs années, l’éducation privée est au centre d’un bras de fer autour de la tarification, de la régulation et de la concurrence avec l’école publique. Le Maroc s’est engagé dans une réflexion sur l’encadrement des modèles économiques afin d’éviter une dépendance excessive au privé tout en reconnaissant son rôle indispensable.
La santé semble désormais suivre la même trajectoire. Le pays a besoin d’investissements, de modernisation des plateaux techniques et d’un maillage territorial plus dense. Sur ces points, les groupes privés ont déjà apporté des avancées notables. Mais la question ne porte pas uniquement sur la capacité d’investissement ; elle touche à l’équilibre du système : comment accélérer l’accès aux soins tout en préservant la diversité des acteurs, la qualité, l’indépendance médicale et la concurrence ?
Une équation à laquelle la tutelle devra certainement apporter une réponse dans le sillage de la réforme du secteur.










