Une effervescence qui bouscule les tendances

Longtemps réservée à une élite, les produits parapharmaceutiques s’imposent désormais comme un pilier du quotidien des Marocains. Des rayons de pharmacies aux plateformes en ligne, les produits de soin, de santé et de bien-être connaissent un essor spectaculaire. Porté par la quête de prévention, l’influence du digital et l’émergence de nouvelles marques locales, ce marché en pleine mutation redéfinit les habitudes de consommation et pose les bases d’une véritable culture du «prendre soin de soi».
Prendre soin de soi n’est plus un luxe ni un simple réflexe de confort c’est devenu un mode de vie. Au Maroc, les rayons de la parapharmacie ne désemplissent plus. Dans les pharmacies, les boutiques spécialisées ou les plateformes en ligne, les produits de santé, de soin et de bien-être connaissent un engouement sans précédent.
Cette tendance, longtemps réservée à une clientèle aisée et initiée, s’est largement démocratisée. Désormais, se procurer un complément alimentaire, un soin dermocosmétique ou un produit d’hygiène ciblé fait partie du quotidien de nombreuses familles marocaines, toutes classes confondues.
Le bien-être n’est plus une option
Le marché des produits parapharmaceutiques affiche une croissance soutenue, portée par l’évolution des modes de consommation et une prise de conscience collective autour de la santé préventive. D’ailleurs, l’épisode covid-19 a durablement modifié les comportements entre hygiène, prévention et bien-être. Ces derniers ne sont plus perçus comme des dépenses superflues, mais comme des investissements pour préserver sa santé. Entre-temps, l’essor des jeunes générations, plus connectées, plus attentives à la composition des produits et plus sensibles à l’image des marques, a accéléré cette transformation.
Les consommateurs veulent comprendre ce qu’ils achètent, connaître l’origine des ingrédients, vérifier la transparence des labels et s’assurer de l’efficacité réelle des produits. Tous les composants sont passés au crible. Cette mutation traduit un double mouvement. Il y a, d’une part, une recherche croissante de qualité et de sécurité sanitaire et d’autre part, un besoin de solutions personnalisées, naturelles et durables, à la fois efficaces et accessibles. Compléments alimentaires, soins dermato-cosmétiques, produits d’hygiène et solutions à base d’ingrédients naturels se taillent désormais une place centrale dans le quotidien.
Les professionnels du secteur parlent même d’un changement culturel. Pendre soin de soi n’est plus une option, c’est devenu une nécessité sociale. «Les jeunes générations ne se posent plus la question, l’entretien et le bien-être font désormais partie des besoins essentiels, au même titre que la connexion internet ou le smartphone», constate un pharmacien.
Ce bouleversement pousse les marques à revoir leur approche. Le marché s’est densifié, les gammes se multiplient et la concurrence s’intensifie. Les acteurs historiques doivent composer avec une multitude de nouvelles marques locales ou internationales, soutenues par des stratégies de communication très agiles. L’influence numérique joue un rôle décisif, entre recommandations d’experts, tutoriels d’influenceurs et publicités ciblées, les circuits de prescription se diversifient. Les marques adaptent ainsi leurs messages selon les publics.
«Cela dépend du profil du consommateur et de son niveau socioculturel. Les marques l’ont bien compris et diversifient leurs canaux entre réseaux sociaux et conseil professionnel en officine», explique un expert.
Cette hybridation entre marketing et conseil pose cependant une exigence, celle de la fiabilité. Le succès des ventes en ligne et la montée des e-pharmacies ont ouvert de nouveaux horizons, mais aussi de nouveaux risques.
« Pour un choix de produits adaptés, il faut toujours prendre conseil auprès d’un spécialiste et s’assurer que les références sont bien enregistrées au Maroc pour des raisons de traçabilité, surtout lorsqu’on achète en ligne », prévient Mohamed Lahbabi, président de la Confédération nationale des pharmaciens.
En pharmacie, la sécurité du circuit reste garantie, mais sur Internet, la vigilance s’impose pour éviter les contrefaçons ou les produits non conformes.
Une réglementation toujours pas au point
Sur le plan industriel, le Maroc suit les grandes tendances mondiales, mais dépend encore fortement de l’importation. Les innovations majeures en matière de formulations, de textures ou d’actifs proviennent pour la plupart de groupes internationaux.
«Le Maroc reste un petit marché et s’aligne essentiellement sur les tendances mondiales via l’importation», reconnaît le professionnel.
L’innovation progresse toutefois à grande vitesse, portée par les géants du cosmétique, mais aussi par l’émergence de petites marques locales qui misent sur le naturel, la simplicité et la proximité avec le consommateur. La distribution se réinvente, elle aussi. Les pharmacies demeurent les points de vente privilégiés, mais les parapharmacies spécialisées gagnent du terrain, tandis que l’e-commerce continue de bousculer les habitudes.
Cette nouvelle configuration exige une adaptation continue des professionnels, confrontés à des consommateurs plus avertis et plus exigeants. L’accessibilité devient un enjeu majeur. Démocratiser les produits de santé et de bien-être tout en garantissant leur qualité. Sur le plan réglementaire, le secteur avance à pas prudents. Si les produits parapharmaceutiques sont en libre vente, leur encadrement juridique reste perfectible, selon Mohamed Lahbabi. Les professionnels estiment qu’il faudrait renforcer la réglementation, l’adapter à l’évolution des pratiques et mettre à jour les textes dès que nécessaire.
Encadrer sans freiner l’innovation, tel est le défi d’un marché en plein essor. «Le cadre actuel n’est pas totalement adapté, il faut davantage d’organisation. Comme il s’agit de produits de libre vente, cerner le circuit reste compliqué», estime un acteur de la distribution. La parapharmacie marocaine fait face à une équation complexe, répondre à une demande croissante tout en garantissant qualité, sécurité et éthique.
Le prix reste déterminant, et certains observateurs rappellent que ces produits concernent encore une partie limitée des consommateurs. Mais la demande aussi bien que le marché ne cessent de croître. Ce qui semblait être un effet de mode s’ancre désormais dans les habitudes de vie. Le bien-être, au Maroc comme ailleurs, devient une valeur partagée et une priorité durable, et ce n’est que le début, paraît-il.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO







