France : suppression de deux jours fériés, le pari périlleux du gouvernement Bayrou

Supprimer deux jours fériés en France ! C’est le pari périlleux dans lequel le Premier ministre François Bayrou veut engager son gouvernement pour boucler le budget 2026. Afin de désendetter le pays (114% du PIB), le chef de l’exécutif français a proposé mi-juillet cette piste dans le cadre d’un plan budgétaire drastique augurant d’ores et déjà d’une rentrée sociale des plus tendues.
L’idée, aussitôt évoquée aussitôt contestée, n’est aujourd’hui que dans le stade de proposition, mais dans un pays où les vacances relèvent du sacré, le simple fait d’y penser suscite des inquiétudes. A en juger par l’ampleur des réactions de désapprobation qu’elle a engendrées aussi bien chez la classe politique, partis de l’opposition et de la majorité compris, qu’auprès des Français, en particulier la classe travailleuse fièrement attachée à ce qu’elle considère comme l’un de ses acquis sociaux les plus chers.
Selon un sondage publié lundi par « Le Parisien », 84 % des Français refusent le sacrifice de deux jours fériés censé rapporter 4,2 milliards d’euros par an, d’après les calculs du Premier ministre.
Pour huit Français sur dix, la proposition de François Bayrou est perçue comme un « impôt déguisé », quand 66% « ne voient pas le rapport entre le fait de travailler plus et l’amélioration de la dette et des déficits de la France ».
« Les Français n’en veulent pas. Ils tiennent à leur équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle et cette mesure est vécue comme une violence et un préjudice », explique Gaël Sliman, président d’Odoxa qui a réalisé ce sondage pour « Le Parisien ».
Conscient de la sensibilité de cette question, comme d’ailleurs tout l’effort budgétaire qu’il demande aux Français, le Premier ministre, sous la pression de l’opposition comme de la majorité, accentuée par les menaces de censure tandis que des voix appellent à « tout bloquer le 10 septembre », mise sur sa capacité de persuasion pour préparer cette rentrée à haut risque, alternant démarche pédagogique et discours alarmiste.
Après avoir passé l’été à faire de la pédagogie autour de son plan visant 43,8 milliards d’euros d’économies pour le budget 2026 via des podcasts au public, le chef de l’exécutif a de nouveau pris les Français à témoin sur la gravité de la situation budgétaire du pays pour les convaincre de nouvelles concessions, lors d’une conférence de presse lundi.
Dans une tentative de « clarification », il a assuré que l’ensemble de ses propositions pour redresser les finances publiques, y compris celle du retrait des deux jours fériés, sont « discutables et amendables ».
Sans pour autant céder sur le principe de « l’effort collectif », « inéluctable » à ses yeux pour sortir le pays du « piège mortel du déficit et de la dette », il a annoncé qu’il engagera le 8 septembre la responsabilité de son gouvernement, lors d’une déclaration de politique générale qui sera suivie d’un vote de confiance des députés.
« Cette déclaration de politique générale aura pour objet de poser la question centrale : savoir s’il y a bien gravité du danger pour la nation et choisir la route qui permettra d’échapper à cette malédiction », a expliqué le chef de l’exécutif qui prend ainsi le risque de voir son gouvernement renversé s’il n’obtient pas la confiance sollicitée de l’Assemblée nationale.
Face à la fusion des critiques, M. Bayrou insiste sur l’impératif de centrer le débat autour de « la nécessité vitale de dépenser moins et de produire plus, pour placer le pays dans la trajectoire nécessaire pour retrouver l’équilibre de la dette d’ici à 2029″.
Sa proposition de retirer deux jours fériés, sans compensation salariale, s’inscrit dans cette perspective.
« Il faut travailler plus. Je propose donc que deux jours fériés soient supprimés pour le pays », avait déclaré le chef de l’exécutif français, en présentant son plan drastique pour un retour à l’équilibre budgétaire sur 4 ans avec l’objectif de 4,6% de déficit en 2026, pour atteindre les 3% en 2029.
Dans un document d’orientation adressé récemment aux partenaires sociaux, le gouvernement Bayrou a confirmé son intention de « porter en projet de loi de finances pour 2026 une mesure de suppression du caractère férié de deux jours, le lundi de Pâques et le 8 mai », pour les salariés du secteur privé comme du public, précisant que le choix de ces deux jours peut encore être « discuté ».
«Les salariés mensualisés et les agents publics ne seront pas rémunérés davantage pour ces nouvelles heures de travail » et « en contrepartie, les employeurs du secteur privé s’acquitteront d’une contribution qui sera affectée au budget de l’État », détaille le document relayé par la presse.
Dans le cadre de son plan budgétaire, le gouvernement ambitionne également d’économiser 4 milliards d’euros sur l’assurance-chômage à partir de 2030.
Il a adressé à cet égard une note de cadrage aux partenaires sociaux pour fixer le cadre de négociation d’une nouvelle réforme qui vise à atteindre « 2 à 2,5 milliards d’euros » d’économies par an en moyenne de 2026 à 2029.
Ce sont autant de mesures qui vont rythmer la rentrée sociale et politique autour du plan d’action voulu par François Bayrou pour redresser les finances publiques de son pays.
Sa recette consiste à ralentir la croissance des dépenses sans entraîner la récession. En première ligne de cette cure d’amaigrissement : l’Etat et les collectivités, avec la réduction de 3.000 emplois publics dès l’année prochaine, le non remplacement d’un fonctionnaire sur 3 partant à la retraite à compter de 2027, la réduction du train de vie de l’État et une meilleure maîtrise de son patrimoine.