Monde

Des Saoudiennes jugent le Burkini

A l’heure où le port du burkini sur les plages divise l’opinion en France, la correspondante de Paris Match à Riyad Clarence Rodriguez a interrogé des femmes saoudiennes sur cet habit qui enflamme les débats. 

On a tout lu, tout dit, tout entendu, sur le burkini enfin, presque ! Mais que pensent réellement les saoudiennes sur la polémique torride qui alimente cette fin d’été en France? Je vis à Riyad depuis onze ans. Journaliste-correspondante, grâce à mon statut, je suis totalement immergée dans cette société qui laisse peu de place aux femmes qu’elles soient saoudiennes ou étrangères. Même tarif ! Je suis les discussions depuis le début. C’est naturellement que j’ai voulu connaitre l’opinion de saoudiennes qui ont accepté de se dévoiler, de dire ce qu’elles pensaient de cette polémique en France.

Les femmes en Arabie Saoudite n’ont d’ailleurs aucune entité juridique, elles ne jouissent d’aucune existence légale. Elles sont inféodées à un tuteur (Un père, un mari, un frère, un fils…) bref, ce sont les hommes ici, qui décident pour elle. Ils ont un droit de vie et de mort sur elles. Quand bien même, les amies saoudiennes que je côtoie refusent d’employer le mot «aliénation», c’est pourtant bien de cela dont il s’agit au regard des interdictions qui leur sont imposées. Interdiction de conduire, de voyager sans l’autorisation du tuteur, de prendre un verre sur une terrasse, de partager les espaces publics avec un homme autre que son époux, ou membre de sa famille… et, de se baigner dans la mer, ou dans les piscines des hôtels… Nous, non plus, femmes occidentales ! Seules les plus nanties d’entre elles disposent d’une piscine, et peuvent se baigner à l’abri des regards indiscrets…

A Jeddah, il existe des plages privées, où des saoudiennes un peu plus «affranchies» que d’autres, portent un maillot une pièce, ou le bikini. Liberté d’offrir ce corps à moitié dévêtu, aux rayons du soleil quand bien même, derrière ses lunettes noires fumées, le mari veille au grain, cela ne l’empêche pas de « mater » les autres femmes.

Fawzia, 35 ans, ne comprend pas pourquoi cette polémique, et de s’expliquer sans ambages : «Y en a marre que l’on parle en notre nom. Le burkini, moi, je refuse de le porter. Cela n’a rien à voir avec la religion. Comment peut-on dire que ce vêtement permette aux femmes de se libérer? C’est faux ! Et archi-faux ! Je me sens libre dans mon maillot deux-pièces. Au fait ? Toi, Clarence as-tu essayé de nager avec un burkini ?» Non, pas vraiment, lui ai-je répondu avec un petit rictus qui en disait long.

Noura, 42 ans, fustige ces hommes, ces censeurs : «Au nom de qui ? de quoi ? Les hommes en France, qu’ils soient politiques ou anonymes se sont-ils emparés du sujet? Encore une fois, je constate que ce sont les hommes qui s’accaparent le sujet, de la condition des femmes. Ce qu’elles doivent dire, porter comme vêtement, burkini pas burkini… Bref, c’est fatigant !»

Hoda, 33 ans, est en colère : « Je ne comprends pas pourquoi des femmes en France se battent pour porter le burkini, alors que nous, saoudiennes (pas toutes) voudrions-nous nous débarrasser de l’abaya, du voile, de tous ces bouts de tissus qui nous enferment dans notre existence. Il y a trois ans, j’ai eu l’occasion de séjourner pour mes vacances à Cannes. Je n’ai jamais vu de femmes saoudiennes ou musulmanes porter le burkini sur les plages. Je crois que nous nous devons de respecter les coutumes d’un pays comme la France qui nous accueille. De la même manière, lorsque des étrangers ou étrangères viennent en Arabie Saoudite ils doivent se plier à notre culture, et notre façon de vivre. Si vous voulez connaître le fond de ma pensée, je pense que toute cette polémique autour du burkini est une provocation de femmes qui déshonorent notre religion, l’islam. J’ai parfois honte pour elles !»

Sur d’autres plages de la côte Ouest du royaume, des ombres noires déambulent façon femmes-grenouille. Oui, elles portent le burkini ! Mais elles ne sont pas légions. J’ai souhaité les interroger, elles ont refusé de répondre à mes questions.

(D’après Paris Match)

 


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