Maroc

Un système en quête d’équilibre

Le Maroc engage une refonte majeure de son système d’enseignement supérieur. La réforme de l’accès aux masters, qui remplace les concours par l’examen des dossiers académiques, se veut un pas vers plus de transparence et d’harmonisation. Mais derrière cette volonté affichée, la question de l’équité persiste. Entre universités publiques fragilisées et établissements privés en expansion, la transformation en cours révèle autant d’espoirs que de fractures, sur fond de quête d’excellence et d’une pressante exigence d’employabilité.

Le système marocain d’enseignement supérieur traverse une phase charnière. La récente réforme de l’accès aux masters, qui remplace les concours écrits et oraux par l’examen des dossiers académiques, symbolise la volonté du ministère de l’Enseignement supérieur d’instaurer davantage de transparence et d’harmonisation. Présentée par Azzedine El Midaoui, cette mesure met fin à des pratiques hétérogènes. Jusqu’ici, chaque université définissait ses propres critères, nourrissant un sentiment d’arbitraire et de favoritisme.

Une réforme sous haute surveillance
Le dispositif, entériné par une décision ministérielle, prévoit que les candidatures soient évaluées sur la base de critères précis : pertinence du diplôme de licence, notes obtenues, qualifications académiques, avec, pour certaines filières, des évaluations complémentaires ou des épreuves orales ciblées. Le ministère insiste sur le caractère normatif et encadré du processus. Mais les critiques ne manquent pas.

Étudiants et enseignants pointent une réforme qui risque de se limiter à formaliser des procédures existantes, sans modifier réellement les logiques de pouvoir qui structurent le monde académique. Si certains saluent un pas vers plus de justice sociale, en réduisant les biais liés aux concours et les marges d’arbitraire, d’autres redoutent une «transparence de façade».

En l’absence de mécanismes de contrôle indépendants et de sanctions, les comités internes gardent un rôle central, laissant planer le doute sur l’impartialité réelle des décisions. Mais au-delà des procédures, la réforme révèle un paysage universitaire profondément inégalitaire. Les étudiants issus des «centres d’excellence», grandes écoles et facultés prestigieuses, partent avec un avantage considérable.

Ceux issus d’universités régionales, aux moyens limités, risquent d’être encore plus marginalisés. Les notes de licence, censées refléter la valeur académique, traduisent aussi des écarts de ressources, de corps professoraux et d’infrastructures. La transparence des règles constitue, certes, un progrès, mais elle ne garantit pas l’équité réelle dans l’accès au savoir.

Un paysage académique fragmenté
Par ailleurs, la réforme s’inscrit dans une dynamique plus large. Le Maroc vit simultanément plusieurs transitions, économique, numérique et écologique, qui redéfinissent les besoins du marché du travail. Les employeurs exigent désormais des profils hybrides, capables de conjuguer expertise technique et compétences transversales : communication, adaptabilité, créativité, esprit critique. Face à ces attentes, les cursus traditionnels peinent à s’adapter. Les bachelors, conçus comme formations professionnalisantes et accessibles, se multiplient pour répondre à l’exigence d’une insertion rapide. Les masters spécialisés s’imposent comme tremplins vers des carrières internationales, tandis que les doctorats sont appelés à sortir de leur carcan purement académique pour s’orienter davantage vers l’innovation et la recherche appliquée.

Des compétences hybrides recherchées
Dans ce paysage en recomposition, les établissements privés gagnent du terrain. Universités et écoles multiplient les programmes professionnalisants, accélèrent la digitalisation des cursus, adoptent des pédagogies actives et favorisent l’immersion en entreprise. Ils misent sur des partenariats internationaux, des doubles diplômes et des échanges académiques pour offrir des parcours alignés sur les standards mondiaux.

Cette stratégie renforce leur attractivité auprès d’une jeunesse marocaine de plus en plus attentive à l’employabilité et à la mobilité internationale. Les institutions privées se présentent ainsi comme un complément, voire une alternative, à un enseignement public en quête de moyens et de réformes structurelles. La coopération internationale apparaît comme un levier incontournable. Les accords conclus avec des universités européennes, africaines ou nord-américaines ouvrent de nouvelles perspectives. Pour les étudiants, ils garantissent une meilleure reconnaissance des diplômes.

Pour les établissements concernés, ils permettent de diversifier les financements, d’améliorer leur gouvernance et de renforcer leur compétitivité. La crédibilité des diplômes marocains se joue désormais aussi à l’international. Au fond, la réforme de l’accès aux masters n’est qu’un jalon d’un chantier plus vaste : celui de la modernisation de l’enseignement supérieur. Mais moderniser ne peut se réduire à des ajustements administratifs. Il faudra repenser en profondeur les méthodes pédagogiques, investir massivement dans les infrastructures universitaires, et surtout bâtir une véritable politique d’égalité des chances.

Le Maroc est confronté à une équation délicate : former des diplômés capables de s’insérer dans une économie mondialisée tout en préservant la diversité sociale et géographique de ses étudiants. La réussite de cette équation conditionnera la crédibilité des réformes et, plus largement, la capacité du Royaume à préparer sa jeunesse aux défis du XXIe siècle.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO


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