Economie

Nicole Sulu : «Il faut que les Africains apprennent à investir ensemble»

Nicole Sulu est la fondatrice du «Sultani Makutano», premier réseau d’affaires et think tank de la République démocratique du Congo. Dans une logique d’encourager la coopération économique intra-africaine et de faire émerger des champions africains, elle vient d’organiser la 9e édition du Forum Makutano en Côte d’Ivoire. Elle partage ici sa vision pour renforcer les investissements intra-africains. 

On sent que la coopération intra-africaine est plus que nécessaire de nos jours pour accélérer l’émergence économique du continent. Et c’est le combat que vous menez à travers le Forum Makutano…
Alors qu’enfin, la coopération historique avec l’Occident a montré des limites pour le développement de nos économies et l’épanouissement de nos populations, allons-nous plonger avec la même naïveté dans les partenariats hypothétiques avec d’autres nations hors les murs, hors le continent, hors l’Afrique ? Soyons lucides. Pour que cela n’advienne pas, il faut impérativement que nous apprenions à nous connaître, à identifier nos talents et forces respectifs, et surtout, à investir ensemble. La seule véritable solution, c’est une véritable coopération intra-africaine. Il en va de la souveraineté économique du continent.

Vous parlez d’audace, mais aussi de la nécessité de se faire confiance entre Africains…
Ce chemin dans la brousse est un chemin d’audace et de courage, mais c’est le seul chemin. Ayons ce courage de ne plus systématiquement chercher ailleurs, ce que nous avons déjà à notre porte. Ayons le courage de nous faire confiance. Ayons le courage de nous réjouir de la réussite économique des autres États comme la Côte d’Ivoire aujourd’hui et de nous en inspirer. Ayons surtout le courage de nous battre pour la prospérité commune. Cela doit, bien entendu, être accompagné d’une volonté politique forte. Discourir lors des forums d’affaires sur l’urgence d’une synergie économique panafricaine ne suffit plus. Il faut passer aux actes.

Parlez-nous du Forum Makutano et de ses objectifs, notamment pour l’émergence économique du continent ?
«Il y a dans la vie deux sortes de destins : ceux qui ouvrent les pistes dans la grande brousse et ceux qui suivent les pistes ouvertes». Cette maxime empruntée à l’immense Ahmadou Kourouma – qui nous quittait il y a juste vingt ans, et à qui je tenais à rendre hommage ici – pourrait être celle qui nous rassemble aujourd’hui. Lorsque le Makutano est né, nous avons dû faire un choix entre emprunter les pistes déjà ouvertes, peut-être plus faciles ou nous embarquer dans la nuit noire de la grande brousse aux chemins plus difficiles. Au cours de ces dernières années, le Makutano a créé un espace de dialogue franc, dynamique et audacieux entre les investisseurs congolais, ainsi que ceux du reste du continent avec les pouvoirs publics. Nous avons essayé, et – j’ose espérer – réussi à ouvrir de nouvelles pistes.

Comment le Forum Makutano peut-il contribuer à une nouvelle Afrique qui gagne ?
Le Makutano n’est pas seulement un réseau d’affaires. C’est une célébration de l’innovation et de la créativité. C’est un espace où les visions se croisent, où les idées fusionnent pour donner naissance à de nouveaux projets. Ce Makutano est l’occasion de contribuer, un peu, à cette nouvelle Afrique, d’incarner ce nouvel Africain rêvé par Kwame Nkrumah. Ce chemin dans la brousse prendra peut-être un peu plus de temps à parcourir, mais lorsque nous en sortirons, nous serons pleinement autonomes, fiers et libres. Ensemble, osons bâtir pour les générations futures une Afrique qui sera sur le toit du monde.

Cette année, vous avez décidé d’organiser le Makutano Forum en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui explique ce choix ?
C’est ensemble et seulement ensemble que nous construirons une Afrique plus juste, plus fraternelle et heureuse pour chacun de nous. Pour ce grand saut africain «hors les murs», notre choix s’est naturellement porté sur la Côte d’Ivoire. J’emploie à dessein l’adverbe «naturellement», parce que la Côte d’Ivoire inspire l’Afrique économique, que ce soit par son dynamisme, son ouverture sur le continent et sur le monde, sa résilience économique, la qualité de ses infrastructures – dans les territoires en particulier -, la formation des jeunes, sa pétulance culturelle, mais aussi, cette ville flamboyante qu’est devenue Abidjan.

Comment réussissez-vous à instaurer un nouveau narratif pour véhiculer une image plus positive de certains pays, à l’image de la RD Congo ?
Je ne vous cache pas que cela n’a pas été un chemin facile, mais ensemble nous avons réussi à créer un écosystème authentique, un lieu de rencontres où chaque investisseur, chaque Congolais, chaque Africain peut mettre à l’honneur ses talents, ses forces, son audace et son excellence. Pour nous, il était impératif de nous affranchir des craintes, des souvenirs douloureux et des doutes du passé pour nous faire confiance et avancer ensemble. Il était plus qu’urgent de changer l’image et le narratif malheureux d’un Congo ou d’une Afrique pauvre, victime d’elle-même et des autres où les rêves ne sont que des illusions.

Et puisqu’on en parle, comment évolue la République Démocratique du Congo ?
Mon pays, la République démocratique du Congo, est en pleine mutation. Depuis plusieurs années maintenant, cette véritable révolution économique est en marche. Entre amélioration du climat des affaires, facilitation des investissements, augmentation du PIB, construction d’infrastructures, le pays tourne peu à peu la page d’années sclérosées par l’absence de plan cohérent de développement. Une génération nouvelle, connectée et ouverte sur les enjeux de notre temps, s’impose à la tête de nombre d’institutions publiques ou privées et lutte avec détermination pour accomplir le destin du pays. La RDC ce n’est pas simplement un pays de 100 millions d’habitants sur près de 2 millions de kilomètres carrés ; c’est aussi une terre d’accueil, de chance et d’audace où les belles rencontres et les opportunités sont légion. C’est de cette RDC-là dont nous, membres du Makutano, sommes aujourd’hui les ambassadeurs.

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO


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