Economie

Ali Zerouali : “La ZLECAf va contribuer au renforcement du label Made in Morocco”

Ali Zerouali
Vice-Président de la Commission Afrique de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM)

Pour le patronat, la ZLECAf permettra aux entrepreneurs et aux investisseurs marocains de rayonner dans le continent. Dans cette interview, Ali Zerouali, vice-président de la Commission Afrique de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), évoque également les actions entreprises pour sensibiliser les entreprises marocaines sur cette zone de libre échange.

Considérez-vous que la ZLECAf est une bonne affaire pour les opérateurs privés marocains ?
L’entrée en vigueur des échanges commerciaux sous les auspices de la ZLECAf permettra aux entrepreneurs et aux investisseurs marocains de rayonner dans le continent, ce qui représente aujourd’hui une importante opportunité de croissance pour nos entreprises lourdement impactées par les effets de la crise du Covid-19. Elle regroupera jusqu’à 53 États avec un marché de 1,2 milliard d’individus (2,5 milliards à l’horizon 2050) représentant 2 500 milliards de dollars de PIB cumulé. Malgré l’importante dynamique du Maroc sur le continent, les exportations vers les pays africains ne représentent que 3,2% du total de ses exportations vers le reste du monde. Pareil au niveau des importations, où la part des achats venant d’Afrique est à peine de 2,5%.

La ZLECAf va élever le niveau des échanges, réorganiser les marchés et les économies de la région et stimuler la production dans les secteurs de l’industrie, des services, et des ressources naturelles et surtout hausser le niveau de commerce intra-africain. De manière générale, la ZLECAf constitue une opportunité pour l’ensemble des pays africains en faveur du développement de leurs échanges commerciaux, la création de chaînes de valeur régionales ou continentales complémentaires et l’industrialisation du continent. Par ailleurs, le Maroc fait partie des pays dotés d’une économie avancée et d’une infrastructure développée sur le continent, lui permettant ainsi de tirer pleinement profit des dispositions de la ZLECAf. Il sera désormais plus compétitif de transformer les matières premières et les ressources naturelles africaines sur le continent, et ainsi capter la valeur ajoutée relative à cette transformation en Afrique, là où le Maroc est très bien positionné pour jouer un rôle important et stratégique dans plusieurs secteurs.

Selon-vous, quels sont les secteurs de l’économie marocaine qui sont les mieux placés pour en tirer profit ?
J’estime que tous les secteurs de l’économie marocaine peuvent bénéficier de la nouvelle zone de libre-échange étant donné que le Maroc dispose de stratégies industrielles structurées et structurantes. Pour être plus précis, je citerai les écosystèmes agroalimentaire, automobile, aéronautique, textile et pharmaceutique… Les entreprises marocaines pourront accéder à un marché plus large, s’approvisionner en matières premières, construire des chaînes de valeur industrielles complémentaires, profiter de la baisse des coûts de transport et de logistique et contribuer au renforcement du label Made in Morocco sur le continent africain. Nos entreprises profiteront également de l’absence des barrières douanières encadrant ces échanges commerciaux en comparaison avec d’autres pays de transformation industrielle hors du continent.

Pensez-vous que les entreprises marocaines seront-elles prêtes une fois la ZLECAf ratifiée par le Maroc ?
Nos opérateurs sont aujourd’hui fortement actifs sur le continent et ont donc développé une expertise et un savoir-faire important, notamment les entreprises opérant dans les secteurs des banques et assurances, du transport, des télécommunications, du BTP, du logement, de l’ameublement, des énergies renouvelables, etc. Certains opérateurs s’implantent même en Afrique à travers des co-investissements avec des opérateurs locaux. Cette expérience cultivée progressivement a permis de préparer nos entreprises à l’opportunité que constitue la ZLECAf qui permettra d’exporter sur un marché qui devient continental, de trouver de la matière de toutes les régions africaines pour les industries marocaines et de construire des écosystèmes industriels complémentaires arrimés aux chaînes de valeur mondiales. Ceci étant grâce notamment à la promotion par la ZLECAf du commerce intra-africain via la suppression des barrières douanières tarifaires (90% sur 15 ans) et non tarifaires (ex : adoption de règles d’origine communes, normes SPS, etc.) afin de favoriser la libéralisation du commerce des biens et des services.

Que fait la CGEM pour mieux sensibiliser sur la ZLECAf ?
Avec l’adhésion du Maroc à la ZLECAf, le Royaume s’inscrit dans les efforts de l’Union Africaine visant à rehausser le niveau des échanges commerciaux avec les pays du continent, dans une dynamique d’intégration régionale et de coopération Sud-Sud orientée vers le co-développement et un partenariat win-win. La CGEM, à travers sa commission Afrique, qui a récemment lancé la redynamisation d’une quinzaine de conseils d’affaires africains, travaille à renforcer sa position de porte-parole du secteur privé marocain dans le cadre du processus des négociations techniques de l’accord, dans lequel je représente la Confédération. Pour cela, la Commission Afrique de la CGEM prévoit, entre autres, dans son plan d’action, la sensibilisation des acteurs économiques, à travers l’organisation de réunions régulières, et la mise en place d’actions de veille sur le sujet de la ZLECAf.

Globalement comment jugez-vous la mise en œuvre de la ZLECAf ailleurs depuis son entrée en vigueur ?
L’année 2021 a été importante pour l’Afrique en ce qui concerne la Zone de libre-échange continentale africaine et l’accord l’instituant. La pandémie de Covid-19 a engendré une crise économique mondiale pendant une phase très critique pour la ZLECAf, ce qui a entraîné un retard dans sa mise en œuvre. Les négociations sur de nombreuses questions n’ayant pas encore été résolues, l’accord n’est pas en mesure d’être pleinement fonctionnel. Le début des échanges au 1er janvier 2021 est tout au plus une marque symbolique, parce que l’impact optimal et la mise en œuvre de l’accord devraient prendre un certain temps ; les prévisions de son plein effet étant en place d’ici 2035. Cependant, l’année 2021 a été marquée par la mise en œuvre avec succès de plusieurs aspects du pacte commercial. Tout d’abord, le nombre de pays ayant ratifié l’accord a augmenté, ce qui en fait l’instrument le plus rapidement ratifié au sein de l’Union Africaine. Deuxièmement, un consensus d’environ 87,8 % a été atteint sur les règles d’origine. Troisièmement, le protocole sur le règlement des différends a été opérationnalisé.

Abdellah Ben Ahmed / Les Inspirations ÉCO


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