Culture

Comment comprendre la Monarchie marocaine

Situé à l’Extrême-occident, le Maroc possède une exception politique: la Monarchie. C’est l’une des dernières monarchies au monde. L’ouvrage de Omar Saghi, Comprendre la Monarchie marocaine, nous offre des clefs pour aborder les enjeux de la royauté, ses particularités dans le monde contemporain et trace des perspectives d’avenir.

Concis et documenté, il invite le lecteur à un débat ouvert, avec des concepts nouveaux pour penser différemment la politique marocaine. « L’objectif final, encore lointain… c’est la construction d’un véritable libéralisme monarchique, où il sera possible de déployer au besoin une opposition monarchiste au roi, et penser un usage monarchique de la liberté comme puissance politique enracinée dans un contexte et ouverte sur l’universel », écrit l’auteur.

Il dresse d’abord une histoire de la Monarchie marocaine au XXème siècle. Soulignant « l’hétérogénéité du pays », il rappelle une réalité : celle de la distinction entre bled es-siba/bled el-makhzen. Durant l’époque coloniale, le rôle de Lyautey fut décisif, sa force étant l’appui sur « l’archaïsme politique de l’empire chérifien ». Il retira au Makhzen ses prérogatives, mais a maintenu le trône. L’auteur analyse les événements majeurs tels la guerre du Rif, l’alliance du mouvement national et du trône, fêtée lors de la « Révolution du roi et du peuple », les luttes internes entre partis politiques, « le génie politique de Hassan II », qu’il qualifie de « Roi-président ».

Dans le chapitre « Qu’est ce que la Monarchie ? », Omar Saghi écrit : « La Monarchie est partout et nulle part », le trône épousant les différentes composantes de la culture, de la société et de l’histoire. Le « vécu monarchique » désignant en quelque sorte un inconscient marocain, la Monarchie devient dès lors un bien public et un patrimoine national. Il y a un lien mystique entre le monarque et ses sujets, ce qui lui confère une légitimité, indépendamment de son efficacité. Contrairement au président élu, au dictateur, au chef de tribu… le roi est double : il est à la fois physiquement présent, mortel comme tout homme, et en même temps immortel, d’où la formule : « Le roi est mort, vive le roi ! » prononcée à l’occasion des passations de règne.

L’auteur fait appel à des notions psychanalytiques telles que « l’identification » qui opère dans le processus électoral. Dans la recherche de « l’égalité mentale », l’électeur s’identifie à tel ou tel chef ou leader par le biais de la formule : « Il est comme moi, donc je l’élis ». Le Roi est en dehors de ce processus, il brise l’identification, il ne peut pas être « comme », donc il est légitime et personne ne peut prétendre prendre sa place. Il est dans un rôle de « référent » et de « tiers-séparateur ». La notion de sujet s’articule à celle de l’identification, les citoyens étant des sujets de leur histoire et de leur identité. Ainsi chaque système politique repose sur un contrat social, qui est inconscient. « La Monarchie est le contrat social marocain », ce qui ne va pas sans poser problème à la modernité. Aussi l’attachement au trône, métaphysique et religieux, est-il destiné à évoluer. « Formaliser, quasiment au sens mathématique du terme, la Monarchie, la faire passer du domaine du vécu coutumier au cadre constitutionnel » postule l’auteur. Tel serait « le chantier le plus crucial » pour les prochaines années.

Posant ouvertement la question « Le Maroc a-t-il (encore) besoin d’une Monarchie ? », l’auteur répond sans détour: « Il en a plus que jamais besoin ». Sur la scène internationale agitée par les problématiques identitaires, elle constitue même « une chance qu’il faut mobiliser », écrit l’auteur, misant sur sa capacité à créer « un sens politique émancipateur, intérieurement et extérieurement ». Coincidant avec l’ouverture politique et la relance économique, le règne de Mohammed VI « semble revenir aux normes de Mohammed V, un autoritarisme modéré par le consensualisme et la proximité ».

Comprendre la Monarchie marocaine est un ouvrage utile, intelligent. Il se distingue d’autres essais et récits par les questions directes qu’il pose, par le ton affirmé et pertinent. Diplômé de Sciences-Po et docteur en sciences politiques, Omar Saghi nous convie à une réflexion nouvelle, avec un style direct et incisif: « Le vécu monarchique inconscient des Marocains leur dit que la Monarchie et bien plus qu’un régime. Patrimoine immatériel et bien public, il est temps d’en faire un objet de réflexion et un instrument au service des libertés ».
Hicham Bennani
Omar Saghi, Comprendre la Monarchie marocaine, éditions La Croisée des chemins, 211 pages, 75 Dhs 

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