Economie

Le marché mondial des stations-service en mutation : quelles perspectives pour le Maroc et l’Afrique ?

Le secteur des stations-service connaît une transformation profonde, sous l’effet combiné des évolutions de la demande énergétique, de la montée en puissance des carburants alternatifs et de l’électrification de la mobilité. Un rapport récent de Global growth insights, couvrant la période 2025-2033, met en lumière les tendances de fond et les perspectives chiffrées d’un marché mondial estimé à plusieurs milliers de milliards de dollars. Au-delà des dynamiques globales, l’analyse de ces données permet de dégager des enseignements clés pour des marchés comme le Maroc et l’Afrique, engagés dans une transition énergétique encore balbutiante. Les détails.

Global growth insights a récemment publié un rapport sur les stations-service dans le monde, couvrant la période 2025-2033. Les auteurs y dressent le portrait du Maroc comme un marché en expansion, avec ses défis et ses opportunités. Ainsi, expliquent les auteurs, la libéralisation du secteur des hydrocarbures en 2016 a ouvert la voie à une expansion rapide du réseau de distribution.

En moyenne, près de 180 stations-service sont déployées chaque année depuis cette date, portant le total à plus de 3.200 unités en 2024. Selon le Conseil de la concurrence, les neuf principaux distributeurs contrôlent environ 72% du parc national, tandis que les opérateurs indépendants gagnent progressivement du terrain.

Le Royaume affiche une capacité de stockage de carburants d’environ 1,15 million de tonnes en 2024, en hausse de 7,4% sur un an. Cette progression reflète l’effort continu pour sécuriser l’approvisionnement national et soutenir la croissance du réseau.

Pour y arriver, notre pays doit cependant relever plusieurs défis : intégrer des bornes de recharge électrique dans les stations existantes, accélérer l’introduction des carburants alternatifs, et structurer une réglementation incitative favorisant la transition énergétique. La réussite de cette mutation dépendra autant de la capacité d’investissement des opérateurs que du soutien des pouvoirs publics.

Une opportunité stratégique pour l’Afrique
À l’échelle africaine, l’évolution des stations-service représente un enjeu stratégique. La motorisation progresse rapidement, mais l’offre reste concentrée sur les carburants fossiles traditionnels. La mise en place de politiques volontaristes en faveur des carburants propres pourrait permettre au continent de rattraper une partie de son retard.

De même, l’élargissement des services non liés au carburant offre une opportunité de moderniser les stations et d’en faire de véritables pôles de services aux automobilistes. L’Afrique se trouve donc à un carrefour : soit reproduire le modèle classique des stations centrées sur le pétrole, au risque d’un décalage croissant avec les tendances mondiales, soit accélérer la diversification énergétique et l’intégration de solutions numériques pour anticiper les mutations à venir.

L’enjeu ici est clair : ne pas rester spectateurs, mais s’engager activement dans cette transformation, en conciliant développement des infrastructures, intégration des énergies propres et élargissement des services. L’investissement est certes lourd et les contraintes réelles. Mais l’opportunité est majeure : rester acteur d’un secteur en pleine recomposition et aligner sa stratégie sur l’avenir de la mobilité.

Marché mondial : une croissance soutenue d’ici 2033
Plus globalement, le rapport évalue la taille du marché mondial des stations-service à 2.782,6 milliards de dollars (MMUSD) en 2024. Une progression régulière est attendue au cours des prochaines années, avec 2.899,7 MMUSD en 2025, 3.021,8 MMUSD en 2026 pour culminer à près de 4.033 MMUSD à l’horizon 2033. Le taux de croissance annuel composé (TCAC) ressort à 4,21% sur la période projetée.

Cette trajectoire ascendante s’explique principalement par deux dynamiques complémentaires : d’une part, la croissance de la motorisation (nombre de véhicules par habitant) dans les pays émergents, d’autre part, la diversification progressive des énergies proposées aux consommateurs, allant des carburants classiques (essence et diesel) aux solutions alternatives comme le GPL, le GNL, le méthane ou encore l’hydrogène. En parallèle, les stations-service tendent à élargir leur rôle en devenant de véritables hubs de services pour automobilistes.

Moteurs de transformation : motorisation, diversification énergétique et digitalisation
La première force motrice de ce secteur reste la hausse du parc automobile mondial. Dans les pays en développement, la demande en carburants reste fortement corrélée à la croissance démographique et à l’urbanisation. La multiplication des véhicules particuliers, du transport routier de marchandises et des flottes de transport public entretient un besoin structurel en infrastructures d’approvisionnement.

À cela s’ajoute la transition vers des carburants plus propres. En 2024, près de 10% de la demande mondiale provenait déjà de carburants alternatifs, selon l’étude. Les nouvelles stations intègrent de plus en plus de bornes de recharge pour véhicules électriques, mais aussi des infrastructures de distribution de gaz naturel liquéfié (GNL), de méthane ou d’hydrogène. Cette hybridation de l’offre énergétique traduit une adaptation nécessaire aux attentes des consommateurs et aux normes environnementales.

Parallèlement, la digitalisation transforme la relation client. Automatisation des pompes, paiements sans contact, applications mobiles de fidélisation, services connectés : la station-service devient une interface numérique et non plus seulement un point d’approvisionnement en carburant. Dans ce modèle, les services annexes – boutiques, restauration rapide, espaces de maintenance – prennent une importance stratégique croissante, renforçant la rentabilité et la fidélisation.

Contraintes et défis à surmonter
Si sa croissance est indéniable, le secteur doit composer avec plusieurs contraintes structurelles. Le coût élevé des investissements pour moderniser les stations, installer des bornes rapides de recharge électrique ou déployer des infrastructures pour carburants alternatifs représente un frein pour de nombreux opérateurs, en particulier les acteurs indépendants. À l’échelle des marchés émergents, ces coûts peuvent constituer une barrière à l’entrée et accentuer la concentration autour de grands groupes disposant des capacités financières nécessaires.

La volatilité des prix du pétrole reste un autre facteur de risque. Les fluctuations des marchés internationaux compliquent la planification stratégique des opérateurs, notamment dans les régions fortement dépendantes des importations. À cela s’ajoutent les contraintes réglementaires : réduction des émissions, normes de sécurité, exigences de traçabilité des carburants.

Autant de paramètres qui peuvent générer des surcoûts pour les distributeurs. Enfin, la montée en puissance des infrastructures alternatives – réseaux de recharge électrique indépendants, stations d’hydrogène urbaines – peut représenter une concurrence directe, en particulier dans les zones urbaines où la transition énergétique est accélérée par les politiques publiques.

Le rapport distingue plusieurs zones géographiques aux dynamiques différenciées. Asie-Pacifique : région en tête de la croissance, portée par la motorisation massive et l’adoption rapide des véhicules électriques. Europe : pionnière sur les carburants alternatifs, avec un accent particulier sur l’hydrogène et les biocarburants. Amérique du Nord : modernisation accélérée des infrastructures et renforcement de la réglementation environnementale. Moyen-Orient et Afrique : rôle historique de fournisseurs de carburants fossiles, mais une transition énergétique encore limitée à des initiatives pilotes.

Ces contrastes révèlent un marché à plusieurs vitesses, où l’Afrique se situe encore en marge des grandes transformations.

Pourtant, les opportunités y sont importantes, notamment pour accompagner l’essor de la motorisation et anticiper la demande future en carburants propres.

Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO


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