Financement & partenariats : des projets attractifs, des mécanismes crédibles

La stratégie de financement des grands projets du pays s’affine en misant sur la complémentarité entre capitaux publics, investisseurs privés et bailleurs internationaux. Porté par un cadre réglementaire en modernisation et par des instruments financiers innovants, le pays consolide sa crédibilité auprès des marchés. Cette approche conforte l’attractivité du pays pour les capitaux à long terme et accélère la réalisation d’infrastructures durables au service de sa compétitivité.
Le Royaume consolide un modèle de financement des infrastructures qui combine capitaux publics, investisseurs privés et bailleurs internationaux. Cette trajectoire s’appuie sur un cadre de politiques publiques en évolution et sur des instruments financiers de plus en plus sophistiqués, afin de canaliser l’épargne vers des projets productifs dans les transports, l’énergie et la logistique.
Les travaux de la Banque mondiale soulignent depuis plusieurs années la capacité du pays à structurer des projets bancables et à améliorer son cadre des partenariats public-privé, avec l’objectif de renforcer l’attractivité pour les investisseurs et d’élargir le champ d’action (notamment côté collectivités).
Des mécanismes innovants
Au cœur de cette dynamique figurent les PPP, utilisés pour partager risques et rendements entre acteurs publics et privés. Le « Morocco Infrastructure Review » de la Banque mondiale détaille l’orientation des réformes visant à rendre le pipeline plus bancable et à intégrer davantage les autorités locales, un levier important pour l’essor d’infrastructures de proximité.
Ces améliorations de cadre visent précisément à élargir la base d’investisseurs et à sécuriser le financement sur des maturités longues, condition clé pour les projets d’actifs régulés. Le recours au marché des capitaux complète cet arsenal.
L’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) a publié des lignes directrices sur les obligations vertes, qui encadrent la structuration, l’allocation et le reporting, et approuve régulièrement des prospectus alignés sur ces standards. Ce référentiel facilite l’accès à une base d’investisseurs sensibles aux critères ESG et crédibilise l’usage des fonds pour des actifs bas-carbone.
Obligations vertes, de MASEN à l’ONCF, une trajectoire de marché
Le marché s’est ouvert aux green bonds dès 2016, avec l’émission inaugurale de MASEN destinée à financer des projets solaires, un jalon confirmé par des sources internationales et par la presse financière. Cette opération a posé les bases d’une courbe d’apprentissage locale sur la sélection des projets « éligibles », la gouvernance des produits et le reporting d’impact.
La trajectoire se poursuit toujours en 2025 avec le cadre d’obligations vertes de l’ONCF, conçu en ligne avec les Principes ICMA et les critères « Land Transport » de la Climate Bonds Initiative, afin de financer des projets de transport ferroviaire à faibles émissions. Cet exemple montre la montée en gamme des émetteurs infra marocains et leur alignement sur les meilleures pratiques internationales, condition déterminante pour attirer des investisseurs globaux.
Parallèlement, sur le versant souverain, les institutions financières internationales relèvent la mise en place d’une instance interministérielle dédiée aux futures émissions vertes de l’État, signe d’une volonté d’inscrire l’outil obligataire durable au niveau central. Ce chantier élargit le spectre des sources de financement potentielles pour des programmes de transition.
Rôle des bailleurs et des fonds souverains
Les banques multilatérales demeurent un pilier de la mobilisation de capitaux privés dans les économies émergentes, en apportant garanties, co-financements et expertise de structuration. Les données de la Banque mondiale rappellent que ces institutions catalysent le « crowding-in » d’investisseurs lorsque les marchés hésitent sur les risques perçus.
Dans le cas marocain, ce rôle d’« ancre » se traduit notamment par des opérations dans l’eau, l’énergie et les transports. Illustration concrète, la Banque africaine de développement (BAD) a annoncé en décembre 2024 un paquet de financements destiné aux infrastructures prioritaires, incluant des projets de transport liés à la préparation de 2030 et des aménagements logistiques.
Ce type d’engagement apporte des maturités longues et un signal de confiance, qui facilitent l’entrée d’investisseurs institutionnels et d’arrangeurs privés. Côté capital domestique, le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement (FM6I) occupe une place structurante, il opère via des fonds thématiques et des produits dédiés pour renforcer les fonds propres et quasi-fonds propres des entreprises et des projets.
En mars 2025, le FM6I a lancé « CapAccess », un produit de dette subordonnée conçu pour accompagner l’investissement des sociétés marocaines, complément essentiel aux financements bancaires classiques.
Gouvernance, transparence et attractivité des appels d’offres
L’appétit des investisseurs pour les actifs marocains tient aussi à la prévisibilité des règles, à la qualité des cahiers des charges et à la transparence des appels d’offres. Les rapports d’institutions internationales sur le climat d’investissement notent l’effort de modernisation réglementaire et la volonté d’aligner les pratiques de marché avec les standards internationaux, notamment pour la concurrence, la passation et le règlement des différends.
Cette continuité de gouvernance réduit la prime de risque et se reflète dans le coût du capital exigé par les investisseurs. Dans le champ des financements durables, l’alignement des cadres marocains avec les référentiels ICMA et Climate Bonds pour les obligations vertes, l’existence de guidelines AMMC et la perspective d’un programme souverain dédié renforcent la lisibilité du pipeline. L’ensemble envoie un signal cohérent, les projets « verts » marocains sont identifiables, vérifiables et suivis par des exigences de reporting d’impact, ce qui améliore leur bancabilité.
Élargir la base d’investisseurs et sécuriser les flux
La profondeur de marché et l’alignement normatif seront déterminants pour maintenir le coût du financement à un niveau compétitif, surtout dans un contexte global où les émissions d’obligations vertes connaissent des cycles. Malgré une contraction mondiale récente des émissions labellisées, le Maroc avance sur des fondations qui mêlent réforme, diversification des instruments et projets ancrés dans la transition, ce qui lui permet de continuer à attirer des capitaux sur des actifs tangibles.
En somme, l’architecture marocaine du financement des infrastructures progresse sur trois fronts. Un cadre PPP mieux outillé pour générer des projets bancables, un marché des capitaux qui s’ouvre et s’aligne sur les meilleurs standards, et des partenaires publics/privés, du FM6I aux bailleurs multilatéraux, capables d’amorcer et de sécuriser les tours de table.
Ce triptyque renforce l’attractivité des projets, abaisse le risque perçu et accélère la réalisation d’infrastructures durables, au service de la compétitivité de long terme du Royaume.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO










