Maroc

Lamia Tazi: “Nous pouvons doubler, voire tripler nos exportations en Afrique dans les 10 prochaines années”

Lamia Tazi
PDG de Sothema

Leader de l’industrie pharma au Maroc, Sothema mise sur l’innovation et le «Made in Morocco» pour se développer en Afrique. Sa PDG revient sur les facteurs de réussite de l’entreprise, son engagement en R&D et le rôle clé joué pendant la crise du Covid pour renforcer la souveraineté sanitaire du pays.

Sothema est l’un des leaders de la production pharmaceutique au Maroc. Quels ont été les facteurs clés de votre réussite sur le marché national ? Et quels sont vos principaux avantages compétitifs ?
Depuis sa création, Sothema a choisi de se spécialiser dans des formes galéniques sophistiquées et les aires thérapeutiques les moins arrimées du marché. C’est ainsi qu’elle a pu développer un leadership incontesté dans les formes injectables et stériles et qu’elle a pu rendre disponibles et accessibles les dernières thérapeutiques pour des maladies comme le cancer, la polyarthrite rhumatoïde, le diabète, les infections résistantes ainsi que les maladies mentales et psychiatriques. Cela dit, nous sommes présents dans la presque totalité des aires thérapeutiques existantes.

Grâce à ce positionnement et à sa politique qui privilégie la fabrication locale à l’importation, nous avons pu rester les premiers, voire les seuls, dans plusieurs familles de produits, par exemple l’insuline, les traitements biologiques immunothérapeutiques, les traitements hospitaliers (sérums, héparines, morphine…), les collyres, les antibiotiques céphalosporines, etc. Il faut noter que, grâce à nos partenariats historiques avec une quarantaine de laboratoires comme étant leaders dans la R&D, nous avons pu délocaliser des fabrications pharmaceutiques stratégiques et les rendre à la fois disponibles et accessibles pour le patient marocain.


Le Maroc ambitionne de devenir une plateforme régionale et continentale en matière d’industrie pharmaceutique. Comment Sothema envisage-t-il de se développer en Afrique ? Quelle est votre stratégie à l’export ?
Sothema exporte environ 10% de sa production en Afrique. Cette proportion a le potentiel de doubler, voire de tripler dans les 10 prochaines années. Aujourd’hui, nous avons environ 30 demandes d’AMM en cours d’examen par les différentes autorités de santé en Afrique. Il s’agit de produits à valeur ajoutée qui, une fois autorisés, pourront doper nos ventes en Afrique. Cela dit, Sothema a une position crédible en Afrique grâce à sa filiale implantée au Sénégal et qui est considérée parmi les leaders de l’industrie pharmaceutique en Afrique de l’Ouest.

En suivant le modèle de West Afrique Pharma, nous poursuivons une politique de prospection entamée depuis deux ans en vue d’une croissance externe en Afrique de l’Est, soit via une filiale ou une prise de participation d’une société pharmaceutique déjà bien implantée.

Par ailleurs, Sothema a annoncé l’ouverture de son bureau scientifique en Côte-d’Ivoire avec une équipe dédiée et un pipeline de produits destinés aussi bien au marché ivoirien qu’au reste de l’Afrique de l’Ouest. Ceci représente une avancée importante pour notre présence dans ce territoire. Nous comptons multiplier les implantations similaires en couvrant également le Maghreb, l’Afrique centrale et l’Afrique subsaharienne. Le monde arabe est également un marché important pour notre développement international. Nous avons récemment ouvert notre bureau scientifique en Arabie Saoudite et nous comptons nous élargir dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ainsi que l’Irak, le Yémen, la Libye et d’autres pays arabes.

Certains médicaments innovants sont très onéreux et difficilement accessibles pour de nombreux patients. Que pensez-vous de la levée temporaire des brevets prônée par certains pour permettre une production locale de génériques ?
En principe, l’intérêt du patient prime sur tout autre intérêt. L’Etat dispose d’un arsenal de moyens pour rendre accessibles certains traitements innovants dont le système de santé a grand besoin. Il faut bien sûr procéder par des négociations qui pourront être profitables pour tout le monde, sans occulter les intérêts des laboratoires ayant développé des produits innovants et, par conséquent, engagé des investissements colossaux.

La R&D (recherche et développement) est essentielle pour toute industrie pharmaceutique. Quel est le niveau d’investissement de Sothema en R&D ?
Sothema est le seul laboratoire marocain ayant développé un produit issu d’une R&D 100% marocaine. En l’occurrence, il s’agit d’Olipen, notre antibiotique boosté par des huiles essentielles qui se propose comme solution thérapeutique innovante d’un problème de santé majeur à l’échelle mondiale, à savoir la résistance microbienne.

Cette réalisation scientifique de premier plan a été rendue possible grâce à un partenariat avec un célèbre scientifique marocain, Adnane Remmal, qui est le chef de service de biotechnologie à la Faculté de médecine et de pharmacie de Fès. Il a été notamment récipiendaire en 2017 du Trophée de la recherche octroyé par l’Office européen des brevets. Notre souhait est de développer d’autres produits pharmaceutiques en suivant le même modèle.

Cependant, il s’agit d’un processus aussi long qu’onéreux. C’est pourquoi nous avons choisi de nous investir davantage dans d’autres domaines connexes qui sont aussi vitaux que la recherche fondamentale. Je pense notamment au développement galénique, aux études cliniques et à l’innovation. C’est ainsi que s’est inscrit le mémorandum of understanding (MOU) que nous avons annoncé en juin 2023 avec le ministère de la Santé, le ministère de l’Industrie et du Commerce, le Baylor College of Medecine (University of Long Island), Dassault systems et RegenLab (Suisse).

C’est ainsi que s’est inscrite également notre prise de participation dans le capital de Ziwig, une startup européenne ayant développé un dispositif innovant basé sur les technologies ARN et l’intelligence artificielle et qui sert pour le diagnostic efficace et rapide de l’endométriose, une maladie gynécologique affectant des centaines de millions de femmes dans le monde.

La crise du Covid-19 souligne le besoin de souveraineté sanitaire pour chaque pays. Quel rôle Sothema a-t-il joué pendant cette crise ? Cela vous a-t-il poussé à développer de nouvelles gammes de produits ou de nouveaux partenariats ?
Grâce à la vision de Sa Majesté le Roi, la crise du Covid-19 a été une formidable opportunité pour le Maroc pour développer sa souveraineté sanitaire et pharmaceutique. Sothema a joué un rôle d’appui aux efforts de notre ministère de tutelle, d’abord en réalisant les premiers tests cliniques vaccinaux, en produisant localement les premiers kits de diagnostic pour le Covid-19 et, ensuite, en fabricant des millions de doses de vaccin.

La période de Covid-19 nous a permis d’améliorer notre organisation en rendant nos process plus agiles. Elle a accéléré notre transformation digitale. Elle nous a également permis d’engager des investissements dans le domaine des dispositifs médicaux à travers Prodimedic, une joint-venture qui donnera naissance à une unité de production locale d’une gamme élargie de dispositifs médicaux, permettant au Maroc de réduire sa dépendance à l’importation de ces produits importants pour le secteur de la santé.

La rédaction / Les Inspirations ÉCO

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