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Les Marocains sont-ils vraiment obligés de sacrifier le mouton?

Chaque année, depuis bien longtemps, le rituel de l’Aïd al-Adha se répète et se ressemble. Cette fête est appelée Aïd al-Kabïr par les Marocains, ce qui signifie qu’elle leur tient à cœur et qu’ils la placent haut dans la hiérarchie des commémorations.

Il n’y a qu’à constater cette frénésie collective, qui atteint une grande partie des Marocains à l’approche de la date du 10 Dhou al-Hijja, selon le calendrier de l’Hégire, pour comprendre le caractère très important de cette fête. D’ailleurs, beaucoup sont prêts à se saigner aux quatre veines pour acheter un mouton et pas n’importe lequel.

Les traditions, qui se sont développées autour de ce rituel, révèlent des situations intenables. Certaines épouses, dans les milieux populaires, obligent leurs maris à acquérir des moutons dignes de leur faire honneur devant les voisines. D’autres posent un ultimatum à leurs pauvres époux, sous peine de demande de divorce.

Entre le marteau et l’enclume, les maris se résignent à se débrouiller pour assurer un mouton qui réponde aux conditions posées.

Et il ne faut pas se cacher la face pour dire que cette tradition engendre des drames familiaux irréversibles. Certains maris, incapables d’offrir à leurs familles le mouton de l’Aïd, finissent par mettre fin à leurs jours. Cela s’est produit à maintes reprises et a transformé la fête en cérémonie funéraire.

Dernièrement, les sociétés de crédit ont investi ce créneau en offrant leurs services à une clientèle qui éprouve des difficultés pour acheter le mouton. De nombreuses personnes tombent dans le piège de l’endettement et paient leurs échéances toute l’année, pour se retrouver, l’année suivante, prises à nouveau dans le tourbillon du crédit.

Ceci est l’amère réalité et elle n’a rien à voir avec le côté religieux de la fête.

Sur ce plan, l’Aïd al-Adha, n’est pas considéré comme une obligation religieuse au même titre que les cinq piliers de l’islam. C’est une sunna avérée (mouâkkada) qui perpétue la légende autour du geste du prophète Abraham qui, dans un moment de désespoir de pouvoir trouver une offrande à présenter à Dieu, a décidé de sacrifier son fils Ismaïl. Mais au moment de l’égorger, Dieu lui a envoyé un mouton à la place.

Cette histoire citée dans le Coran a fait depuis l’objet d’un cérémonial qui résiste au temps.

Mais la réalité présente d’autres éléments qui poussent à s’interroger sur l’engouement extraordinaire pour cette fête tant vénérée, car dans plusieurs pays arabes et musulmans, l’Aïd n’est célébré qu’officiellement, sans connaître l’euphorie si présente au Maroc.

Et si une meilleure répartition des richesses et une augmentation du niveau de vie des Marocains permettaient à des centaines de milliers de ménages de consommer de la viande tout au long de l’année?

T. J.


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