Secteur assurantiel marocain : digitalisation, IA et inclusion financière au cœur d’une nouvelle ère

Le secteur assurantiel marocain accélère sa transformation numérique sous l’effet conjugué de la digitalisation, de l’intelligence artificielle et des impératifs d’inclusion financière. Bancassurance, InsurTech, microassurance et cybersécurité redessinent les modèles économiques et les parcours clients. Entre montée en puissance des usages digitaux, structuration réglementaire portée par l’ACAPS et nouveaux risques technologiques, le marché s’organise pour concilier innovation, confiance des assurés et compétitivité durable.
Le secteur assurantiel marocain entre dans une nouvelle ère numérique, alliant innovation digitale, intelligence artificielle (IA) et inclusion financière. Entre digital factories, microassurance et cyber-risques, les acteurs locaux cherchent à moderniser leurs services pour répondre aux nouvelles attentes des clients et renforcer leur confiance.
La bancassurance marocaine pourrait amorcer une nouvelle phase de structuration numérique avec le lancement d’une digital factory sectorielle dédiée à l’innovation. L’idée, pensée comme un hub de co-développement, repose sur un mécanisme de financement équivalent à 1% du chiffre d’affaires et vise à rapprocher banques, assureurs et startups InsurTech autour de cas d’usage concrets. L’objectif est clair : fluidifier les parcours clients, industrialiser l’usage de la data et déployer l’intelligence artificielle à grande échelle. Les fondamentaux du marché confirment le potentiel.
En 2024, la bancassurance génère un chiffre d’affaires de 20,4 MMDH, dans un contexte marqué par un taux de bancarisation de 58%, soit 15,4 millions de comptes actifs. Les paiements digitaux atteignent 192,5 millions de transactions pour un volume de 63 MMDH, tandis que les wallets numériques dépassent 13,8 millions d’utilisateurs.
La stratégie gagnante repose sur quatre piliers structurants: expérience client, valorisation de la data, relation humaine augmentée et sécurité. Et les premiers retours opérationnels font état de gains mesurables : hausse des taux de conversion, réduction des appels entrants et montée en puissance de l’épargne dès l’entrée en relation.
L’IA joue un rôle central dans la réduction des frictions, l’accompagnement des clients et l’ajustement des offres, notamment via des solutions de micro-assurance intégrées aux super-apps. Si le taux de digitalisation reste encore partiel, compris entre 30% et 50%, les autorités préparent déjà de nouveaux outils de supervision, incluant le web scraping et des diagnostics IA, afin de sécuriser la montée en charge du modèle.
Inclusion financière et innovation digitale : l’ACAPS en chef d’orchestre
L’inclusion financière et assurantielle s’impose comme un axe structurant de la modernisation du secteur. L’ACAPS inscrit cette priorité dans la continuité de la Stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF), dont la feuille de route, attendue d’ici fin 2025, vise à renforcer l’impact, la durabilité et la couverture des produits d’assurance. L’un des leviers majeurs réside dans l’élargissement de la distribution des produits de microassurance aux établissements de paiement.
Cette évolution réglementaire permet d’atteindre des populations jusqu’ici peu ou non bancarisées, notamment en milieu rural, en s’appuyant sur des canaux digitaux à forte pénétration. L’innovation devient ainsi un vecteur d’accessibilité et de démocratisation. Pour accompagner cette dynamique, l’ACAPS a structuré son dispositif d’appui à l’innovation autour de sa Cellule Innovation & InsurTech et du Parcours InsurTech.
Ce cadre permet aux porteurs de projets de tester leurs solutions, d’en sécuriser la conformité réglementaire et de préparer un déploiement progressif sur le marché. Le Programme Émergence complète ce dispositif en favorisant la co-création entre assureurs, intermédiaires et talents technologiques, autour de cas d’usage concrets et mesurables.
Cette approche dépasse les frontières nationales. À travers le BimaLab Africa InsurTech Accelerator, le Maroc soutient l’émergence de startups africaines, renforçant son positionnement régional. Des outils de suivi permettent d’évaluer l’impact réel des innovations sur l’accès à l’assurance, la qualité de service et les délais d’indemnisation, avec l’appui du Morocco Fintech Center pour assurer une concertation étroite entre autorités et acteurs du marché.
Cybersécurité et assurance : l’IA sous surveillance stratégique
La montée en puissance du digital s’accompagne d’un risque accru, plaçant la cybersécurité au cœur des stratégies assurantielles. Au Maroc, le risque cyber est désormais identifié comme prioritaire par les entreprises. Les rançongiciels inquiètent 84% des organisations, les fuites de données 61%, et les compromissions de messagerie 45%, avec des impacts financiers pouvant atteindre plusieurs millions de dirhams par incident.
Face à ces menaces, les investissements en cybersécurité représentent jusqu’à 25% des budgets technologiques. Plus de la moitié des entreprises envisagent une hausse de leurs dépenses, parfois supérieure à 10%. Paradoxalement, l’essor de l’intelligence artificielle élargit la surface d’attaque estimée à 33%, alors même que les cadres de gouvernance restent insuffisamment structurés. Près de 42% des organisations ne disposent pas encore de politique interne claire, et plus d’un tiers utilisent certaines solutions d’IA sans supervision formalisée.
Dans ce contexte, les assureurs et les acteurs InsurTech adaptent leurs offres. Les solutions de cyber-assurance évoluent vers des dispositifs intégrés, combinant prévention, outils d’Incident Response et accompagnement post-sinistre. L’enjeu est double : réduire la fréquence et le coût des incidents tout en renforçant la confiance des entreprises et des citoyens dans l’économie numérique.
À l’heure où la transformation digitale s’accélère, la capacité du marché marocain à concilier innovation, sécurité et gouvernance devient un facteur clé de compétitivité. La cybersécurité n’est plus un coût, mais un pilier stratégique de la croissance et de la résilience du secteur assurantiel.
Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO









