Culture

« La Nuit ardente » de Hamid Bénani: une ode aux femmes et à la liberté

Le célèbre réalisateur marocain, auteur de « Wechma », nous offre avec son dernier long-métrage, actuellement sur les écrans, un film flamboyant et féministe.

Par Olivier Rachet

Tout indique que l’action se déroule, dans les années 60 ou 70, à Meknès, ville natale du réalisateur. Dès la première séquence et l’entrée fracassante d’une amie de la protagoniste Atika, un vent de liberté souffle sur un film qui s’apparente bien souvent à un huis-clos intimiste et oppressant. Nous sommes dans une famille que l’on pourrait qualifier de traditionnelle où des enfants, Atika, Nora et Abdelhak, épris de musique et de poésie, s’opposent à un père à l’éducation rigoriste. Le cinéphile retrouvera l’un des thèmes de prédilection du cinéaste, dont un extrait de « Wechma », considéré comme le film fondateur de la cinématographie marocaine, est visionné par la seconde épouse du père, en catimini.

Tuer le père

Atika, qui rêve d’être chanteuse, a fui un époux que son père lui avait choisi. En compagnie de ses frère et sœur, elle affrontera l’autorité patriarcale, pour son plus grand malheur. Un mur a été érigé au fond du jardin, mais il n’empêchera pas les deux filles de se hisser à son sommet pour se retrouver face à un groupe de soldats dont le commandant semble être épris des deux sœurs à la fois. Cette séquence se retrouvera en fin du film, lorsqu’après de nombreuses péripéties, le mur finira par être démoli. En mettant face à face les forces dites de l’ordre et la puissance du désir amoureux, le cinéaste suggère assez bien le pouvoir de désorganisation sociale de l’amour.

Atika, qui se présentera comme « un corps en proie » à tous les désirs masculins, plaindra à plusieurs reprises les ravages du mariage, comme étant davantage un ferment de discorde qu’une modalité même de l’amour. N’y a-t-il pas d’amour heureux, comme le chantait le poète Aragon ? L’amour semble ne pouvoir se vivre que sur le mode de la transgression ou de la clandestinité, répond le cinéaste qui affronte, dans son intrigue, à la fois les tabous de l’inceste et de l’homosexualité.

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Une société de tabous et d’interdits

Atika est enseignante, à une époque où la liberté des mœurs permettait à une jeune femme de travailler en mini-jupe ou en pantalon, en laissant se déployer ce qu’il y a de plus beau chez une femme, comme le souligne dès l’ouverture du film l’amie venue rendre visite à la protagoniste, à savoir sa chevelure. Mais quoiqu’elle entreprenne, Atika, à l’image de sa sœur, est toujours coupable aux yeux d’une société répressive qui traite en mineures les femmes pour leurs biens et les punit en adultes pour leurs fautes. On laissera au spectateur découvrir l’envers de la domination sans partage d’un monde gouverné par les hommes. Hamid Bénani prolonge, avec une délicatesse qui lui est coutumière, le chemin tracé par Nabil Ayouch dans « Much loved ». A celles qui rêvent de conquérir leur indépendance et leur liberté, s’offre bien souvent un destin dans lequel la violence, qu’il s’agisse de viol ou de prostitution, demeure la seule et unique issue.

Ce film qui cherche parfois sa tonalité, entre comédie larmoyante et drame sentimental, a l’immense mérite de laisser souffler un vent d’espoir et de liberté qu’une jeunesse soucieuse d’en finir avec les non-dits et les conventions aura vraisemblablement à cœur d’applaudir. Et si tout finit par des chansons, l’ombre menaçante de la mort n’aura cependant cessé de planer au-dessus du destin de chacun des protagonistes.

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La Nuit ardente, de Hamid Bénani, avec Sanae Mouziane, Abdenbi El Beniwi, Sandya Tajdin, Abdemajid Lamrani, Youssef El Idrissi, Fatima Cheguer, actuellement sur les écrans.


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