COP30 : seulement 13 pays africains ont soumis une nouvelle CDN

Alors que seulement 13 pays africains ont soumis une nouvelle CDN, le Maroc se distingue par son leadership et l’ambition de sa Contribution déterminée au niveau national 3.0, engageant une transformation profonde de son économie. Objectif : une réduction de 53% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035.
À l’ouverture cruciale de la COP30 à Belém, un constat s’impose : l’actualisation des engagements climatiques nationaux, pierre angulaire de l’Accord de Paris, patine gravement. Les dernières données publiques révèlent qu’à peine 79 pays sur 197 ont soumis leurs nouvelles Contributions déterminées au niveau national (CDN).
Dans ce tableau mondial mitigé, l’Afrique présente un effort notable mais inégal, avec seulement 13 pays identifiés par le World economic forum comme ayant soumis une nouvelle CDN : Maroc, Mauritanie, Guinée, Nigeria, Éthiopie, Angola, Zambie, Zimbabwe, Mozambique, Afrique du Sud, Somalie, Kenya, Liberia. Une dynamique continentale et une position spécifique du Royaume qui méritent une analyse sous l’angle des politiques climatiques, de l’économie bas-carbone et des implications pour les acteurs économiques.
Un appel pressant à l’action collective
Le président désigné de la COP30, André Corrêa do Lago, dresse un constat sans appel dans sa dernière lettre aux membres. Il exhorte la communauté internationale à faire de cette COP le «début d’un nouveau cycle d’action», transformant la conférence en «laboratoire de solutions» plutôt qu’en simple «forum de débats». Son plaidoyer est clair : «Ou nous choisissons de changer ensemble, ou nous serons contraints de le faire par la tragédie». Il positionne la COP30 comme la «COP de la vérité», un moment potentiel de réconciliation de «l’humanité avec la planète et entre générations», où assumer la «responsabilité collective» devient un «privilège» pour toutes les générations.
Les priorités affichées – renforcement du multilatéralisme, rapprochement des politiques climatiques des réalités quotidiennes, accélération de la mise en œuvre de l’Accord de Paris – convergent vers une exigence : l’augmentation drastique de l’ambition incarnée dans les CDN et la résolution des points de blocage, notamment le financement climatique et les mécanismes de soutien aux transitions énergétiques des pays en développement.
L’Afrique : un engagement partiel aux conséquences stratégiques
La liste des 13 pays africains ayant soumis une nouvelle CDN représente un échantillon significatif mais incomplet du continent. L’absence de poids lourds démographiques ou économiques dans cette liste (hormis le Nigeria, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud et le Kenya) soulève des questions sur l’universalité de l’effort. Bien que les données d’émissions précises par pays africain ne soient pas fournies dans les sources, le fait que les 79 CDN soumis mondialement représentent déjà 64% des émissions globales suggère que les émissions combinées des 13 pays africains listés, même en comptant l’Afrique du Sud, ne représentent qu’une fraction modeste du total mondial.
Néanmoins, cet engagement partiel a des implications majeures, notamment sur l’accès au Financement climatique. Soumettre une CDN actualisée et plus ambitieuse est souvent une condition préalable essentielle pour accéder aux fonds climatiques internationaux (Fonds vert pour le climat, Fonds pour l’adaptation, etc.). Les 13 pays listés se positionnent ainsi mieux pour capter ces financements cruciaux pour leurs transitions.
Une CDN claire signale aux investisseurs internationaux la direction de la politique climatique nationale, rendant plus attractifs les projets d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique ou d’agriculture résiliente. Les pays non listés risquent d’accuser un retard sur ce front. Ainsi, ces pays démontrent une volonté de leadership climatique régional, renforçant leur voix dans les négociations internationales comme la COP30, où la question du soutien aux pays en développement sera centrale.
Le Maroc : un leadership affiché, des implications économiques concrètes
Le Royaume se distingue clairement dans le paysage africain et mondial. Il fait partie des précurseurs ayant déjà déposé sa CDN 3.0, confirmant son rôle de leader régional en matière climatique. L’engagement est chiffré et ambitieux : réduction de 53% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035, dont 22% à titre inconditionnel. Cette architecture «hybride» (part inconditionnelle/part conditionnelle) est typique des CDN des pays en développement, reflétant à la fois une volonté propre et la dépendance au soutien international.
Ce qui change concrètement pour les acteurs économiques marocains
La CDN 3.0 n’est pas qu’une déclaration d’intention. Elle va nécessiter la mise en place ou le renforcement de cadres réglementaires stricts (normes d’émissions, taxes carbone potentielles, obligations de reporting environnemental) pour atteindre l’objectif inconditionnel de -22%. Les entreprises de tous les secteurs (industrie, énergie, transport, bâtiment, agriculture) devront intégrer le coût du carbone et l’impératif de décarbonation dans leur stratégie et leurs opérations.
À l’inverse, cela ouvre des marchés immenses pour les solutions bas-carbone. L’atteinte de la cible repose fondamentalement sur l’accélération du déploiement des énergies renouvelables (solaire, éolien) et de l’efficacité énergétique. Cela signifie des investissements massifs dans ces secteurs ainsi que des opportunités pour les développeurs de projets, les fabricants d’équipements et les sociétés de services énergétiques. La pression sur les énergies fossiles s’intensifiera.
Les industries énergivores (ciment, chimie, sidérurgie…) sont en première ligne. Elles devront investir dans des technologies plus efficaces, l’électrification des procédés utilisant des EnR, le captage du carbone (si viable), et l’économie circulaire pour réduire leur intensité carbone. La compétitivité future dépendra de cette modernisation bas-carbone.
Le secteur financier (banques, assureurs, gestionnaires d’actifs) est directement concerné. La finance climatique devient un impératif stratégique. Cela implique de structurer des produits financiers dédiés (green bonds, prêts verts, fonds, garanties) pour canaliser l’épargne vers les projets verts ; d’intégrer systématiquement les risques climatiques physiques et de transition dans l’évaluation du crédit et des investissement (suivant les recommandations de la TCFD – Task Force on Climate-related Financial Disclosures) ; mais aussi de réorienter progressivement les portefeuilles d’investissement loin des actifs fortement carbonés et vulnérables à la transition.
Le Maroc à un tournant, l’Afrique face à ses défis
La COP30 s’ouvre sur un constat sévère de retard dans la course climatique. Si l’Afrique montre des signes d’engagement à travers 13 pays pionniers, dont le Maroc, l’effort reste insuffisant à l’échelle globale et même continentale. Pour le Royaume, le dépôt de sa CDN 3.0 ambitieuse est un signal politique fort et un acte de leadership.
Cependant, la véritable bataille commence maintenant : transformer cet engagement en actions concrètes. La concrétisation de la CDN 3.0 marocaine implique une transformation systémique de l’économie, imposant à tous les acteurs – entreprises, financiers, gouvernement, société civile – de repenser leurs modèles, leurs investissements et leurs pratiques sous l’impératif de la décarbonation et de la résilience.
Comme le résume Corrêa do Lago, l’heure est au choix collectif : la COP30 sera bien «le début d’un nouveau cycle d’action» ou le constat d’un échec aux conséquences tragiques. Le Maroc et les autres nations africaines engagées ont placé leurs pions sur l’échiquier climatique ; leur succès dépendra désormais de leur capacité à mettre en mouvement l’ensemble de leurs sociétés et économies vers cet objectif vital.
Bilal Cherraj / Les Inspirations ÉCO







