Festival des musiques sacrées: le Forum de Fès met en lumière les renaissances à l’ère du numérique (VIDEO)

Le Forum de Fès, événement intellectuel et culturel de premier plan organisé en marge de la 28 édition du festival de Fès des musiques sacrées du monde, a exploré, samedi, les multiples facettes du concept de « Renaissances » à l’ère des mutations contemporaines.
Le thème de cette édition « est bien plus qu’un simple titre, c’est une invitation à la prospection d’horizons accueillants, aux portes hospitalières, donnant sur des espaces et des temps de bienveillance, d’espérance, de rêves, d’imaginaires et de découvertes », a souligné le directeur du Forum, Driss Khrouz, à l’ouverture de ce forum qui a été l’occasion pour des experts, des penseurs, des universitaires de divers pays d’échanger sur des enjeux liés à la culture, à la spiritualité, à la technologie et à la jeunesse africaine.
Khrouz a expliqué que les renaissances sont « des métamorphoses collectives et globales », exprimant et imprimant « des mutations profondes que vivent les sociétés à des moments privilégiés de leurs évolutions ». Elles sont, a-t-il ajouté, « maturations, symbioses, ruptures et élans vers le mieux ».
Il a insisté sur le rôle de la créativité, sous toutes ses formes, comme « marqueur sociétal » et de la culture comme « réceptacle et un vecteur de mutations et de métamorphoses ».
Le directeur du Forum a également abordé l’interaction parfois « angoissante » entre cultures et technologies, notamment le numérique, les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle.
Traitant de la thématique « Fès et le renouveau politico-religieux en Afrique », Jillali El Adnani, spécialiste des questions religieuses et territoriales au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, a évoqué « un renouveau religieux et aussi un renouveau au niveau politique, partant de la ville de Fès », illustré par les contributions des grands maîtres soufis marocains.
Paraphrasant le sociologue et anthropologue Jacques Berque, il a noté que « l’Orient est la terre des prophètes, tandis que le Maghreb est la terre des saints », signifiant un mouvement d’influence de l’Occident musulman vers l’Orient.
El Adnani a détaillé comment « les tendances soufies marocaines, qui ont exercé une hégémonie, même d’un point de vue politique », citant en exemple la Senoussiya en Libye ou l’État d’Al-Hajj Oumar Tall en Afrique subsaharienne, étaient toutes issues de disciples de cheikhs marocains tels que Mohamed Al-Ghali, Abd Al-Qadir al-Sizi, ou Ahmed ibn Idris al-Fassi.
Il a également souligné l’influence de Fès dans le domaine de l’architecture en Europe et aux Etats-Unis, donnant comme « meilleur exemple » la Grande Mosquée de Paris, inaugurée en 1926 par le Sultan Moulay Youssef, dont « les dessins, les formes géométriques et le modèle de la médersa Bou Inania proviennent de ceux qui sont venus documenter toutes les splendeurs fassies ».
De son côté, l’Archéologue et Professeur à l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP-Rabat), Youssef Bokbot, a exposé « Les apports des dernières découvertes archéologiques au Maroc ».
Il a souligné comment ces découvertes récentes enrichissent continuellement la compréhension du lointain passé du Royaume, citant des exemples significatifs tels que les vestiges d’Homo Erectus à la Carrière Thomas (Casablanca) et à Aïn Maarouf, ainsi que les découvertes majeures d’Homo Sapiens à Jbel Irhoud, qui redéfinissent les origines de notre espèce.
Bokbot a également présenté les résultats des fouilles de la Grotte IAM (Ifri n’Amr o’Moussa) dans la région de l’Oued Beht, qui ont mis au jour des occupations humaines allant de l’Épipaléolithique au Néolithique, et notamment des sépultures néolithiques (5300-4800 av. J.-C.) révélant un rite funéraire exceptionnel, ainsi que des traces d’exploitation ancienne du sel à Maaden El Melh, témoignant de la profondeur historique et de la complexité des premières sociétés installées au Maroc.
Selon les organisateurs, le Forum de Fès a encore une fois offert un espace de réflexion stimulant, confirmant son statut de rendez-vous incontournable pour penser les défis et les opportunités du monde contemporain à travers le prisme des « Renaissances », tout en valorisant la richesse d’un patrimoine séculaire en dialogue constant avec la modernité.
Organisé en synergie avec le Festival, qui célèbre cette année l’Afrique et l’Italie avec la participation de plus de 200 artistes internationaux, le Forum a offert une plateforme pour appréhender les multiples facettes du concept de « Renaissances » et sa pertinence actuelle. Il a également mis en lumière le rôle des professeurs et spécialistes dans la préservation et la valorisation du riche patrimoine marocain, qu’il soit matériel ou immatériel.
S.L.