Maroc

Pour la DGAPR, Souleimane Raissouni veut faire pression sur le tribunal

Le détenu Soleiman Raissouni, poursuivi pour viol et séquestration, vise par sa « prétendue grève de la faim » à pousser le tribunal compétent à le remettre en liberté, affirme la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR).

Dans son rapport sur la « ‘grève de la faim’ du détenu Soleiman Raissouni et son rapport avec son affaire en justice », la DGAPR indique que des informations diffusées dans la presse électronique et des publications sur les réseaux sociaux ont pullulé tout récemment au sujet de la situation du détenu préventif Soleiman Raissouni à la prison locale Ain Sebaâ 1, poursuivi pour viol et séquestration, et ce en rapport avec sa prétendue grève de la faim qu’il a déclarée en date du 8 avril 2021.

« Eu égard aux effets mystificateurs que pourrait avoir le martelage de telles informations et publications, l’opinion devrait savoir que par sa ‘grève de la faim’, ce détenu vise à pousser le tribunal compétent à le remettre en liberté », souligne le rapport, ajoutant que pour la (l’opinion, ndlr) convaincre, il faudrait l’éclairer en le mettant au fait de données et de considérations significatives liées à cette « grève de la faim » et au rapport entre la manière dont le détenu la gère et son affaire en justice.

« Le staff médical et paramédical du pénitencier a assuré de façon quotidienne le suivi de l’état de santé du détenu, en prenant ses constantes vitales depuis le jour où il s’est déclaré ‘gréviste de la faim' », explique la délégation.

Depuis ce jour jusqu’à aujourd’hui, sur 36 fois où il a été demandé au détenu de prendre ses constantes vitales, il a refusé qu’on lui mesure sa glycémie 23 fois et son poids et sa tension artérielle 12 fois, note la même source, faisant savoir que pendant les dix derniers jours, il a refusé 7 fois qu’on lui prenne les trois constantes.

« L’on peut noter à partir de ses paramètres vitaux enregistrés depuis le jour d’annonce de sa ‘grève de la faim’ que sa glycémie et sa tension artérielle sont restées normales le plus souvent. Quant à son poids, il n’a pas diminué de façon trop significative depuis le 28 avril 2021, date d’annonce de sa ‘grève’, la perte enregistrée depuis cette date jusqu’au 29 juin 2021 n’ayant pas dépassé 19 kilos », détaille le rapport.

Selon la DGAPR, « toutes les fois que l’intéressé présentait un risque d’hypoglycémie, en fait pas plus de quatre, la direction du pénitencier l’évacuait au Centre Hospitalier Universitaire Ibn Rochd de Casablanca pour le mettre sous perfusion. En outre, on l’a fait bénéficier de 12 analyses de laboratoire pour suivre l’évolution de ses paramètres vitaux. Ces analyses n’ont établi aucun trouble vital ».

Devant ces données, l’on est fondé à se demander comment une personne qui prétend être en grève de la faim pendant 87 jours n’a perdu que 19 kilos et comment sa glycémie, sa tension artérielle et ses autres paramètres vitaux sont demeurés normaux pendant toute cette période, s’interroge la délégation.

« L’opinion publique devrait prendre connaissance de certaines données pour qu’elle puisse répondre à ces questions tout à fait compréhensibles et justifiées. En fait, depuis qu’il avait annoncé qu’il allait entrer dans une grève de la faim jusqu’à aujourd’hui, il consommait régulièrement du miel. Il en a, en effet, consommé pendant cette période 16,750 kilos, 12 achetés par ses moyens à l’économat du pénitencier, 2,5 procurés par ses proches parents et 2,250 par la direction du pénitencier », fait savoir le rapport.

En outre, en date du 22 mai 2021, l’intéressé a pris une soupe chaude à base de légumes et de viande. Le jour suivant (23 mai 2021), il a pris le même repas et reçu de la direction du pénitencier un panier plein de fruits, de dattes et de yaourts ».

Par ailleurs, pendant sa « grève de la faim », il a reçu cinq fois des quantités de dattes de cette direction, un kilo la première fois et un quart de kilo à chacune des quatre autres fois, soit 2 kilos en total. Il a également pris des toniques (Supradyne et Berocca) que le médecin du pénitencier lui a prescrits trois fois pour lui permettre d’améliorer ses paramètres vitaux, respectivement les 14 avril, 25 mai et 10 juin 2021.

Il ressort de ce qui précède que le détenu n’était pas gréviste de la faim au sens strict du terme, affirme le rapport, expliquant qu’en fait, « il gérait et gère encore sa prétendue grève de la faim d’une manière qui lui permette de préserver ses paramètres vitaux, d’une part, et de s’assurer, d’autre part, que les médias et les réseaux sociaux continuent d’évoquer la question de son état de santé, de susciter la sympathie de l’opinion publique à son égard et de maintenir ainsi la pression sur le pouvoir judiciaire ».

Ainsi, la diffusion récente par l’épouse du détenu d’un portrait-robot de celui-ci et l’usage qui en a été fait par les éléments et les parties qui orchestrent ce martelage médiatique s’inscrivent dans cette tactique, estime la Délégation.

« Corrélativement, le détenu s’abstenait exprès de manger du miel à l’approche des audiences judiciaires pour faire baisser ses indicateurs vitaux et exciper ainsi de son incapacité physique de comparaître à ces audiences. Et alors que les enregistrements des caméras de surveillance établissent qu’il se déplaçait normalement à l’intérieur de la clinique du pénitencier, il demandait la chaise roulante pour aller recevoir ses visiteurs et surtout pour s’entretenir avec ses avocats », indique le rapport.

A cet égard, la DGAPR précise qu’il s’est entretenu avec ses avocats 37 fois, et chaque entretien durait deux heures en moyenne et parfois même jusqu’à quatre heures. Davantage, en date du 5 juillet 2021 qui, il faut le noter, coïncide avec le 88ème jour de sa prétendue grève de la faim, le détenu s’est entretenu de façon normale et pendant plus d’une heure avec trois de ses avocats.

Comment est-ce possible alors qu’il soit capable de s’entretenir avec ses avocats pendant tout ce temps et n’a, paradoxalement, pas la force physique nécessaire pour comparaître devant le tribunal ?!, s’interroge encore la délégation.

« Tout en rapport avec ce qui précède, il faut noter qu’outre les visites de ses avocats, la visite quotidienne du directeur du pénitencier, les visites du directeur régional relevant de la Délégation Générale et la visite du parquet compétent, le détenu a été visité 8 fois par sa femme et 5 fois par d’autres proches parents », explique le document.

Il a été visité une fois par une délégation du Conseil National des Droits de l’Homme, 2 fois par des membres de la Commission des droits de l’Homme de la région Casablanca-Settat, 3 fois par l’Observatoire marocain des prisons, une fois par l’Organisation marocaine des droits de l’Homme et une fois par le président du Syndicat national de la presse marocaine et le président du Conseil national fédéral de ce syndicat.

« Si ses visiteurs, notamment ceux relevant d’institutions administratives ou judiciaires ou des droits de l’Homme ou représentant des organisations syndicales ou de défense des droits de l’Homme, l’ont exhorté à cesser sa ‘grève de la faim’ pour en prévenir les conséquences néfastes sur sa santé, l’intéressé a campé sur sa position de refus, prétextant que son affaire en justice est un procès d’opinion et non une affaire de droit commun et misant sur l’appui médiatique qu’il reçoit des parties concernées pour mettre la pression sur le tribunal », fait savoir la DGAPR.

Et d’affirmer : « il ressort de toutes les données et les considérations présentées dans le présent rapport que la ‘grève de la faim’ que le détenu a annoncée et qu’il observe encore de la manière spécifiée précédemment n’est nullement une réaction à ses conditions de détention. En effet, la direction et l’équipe médicale du pénitencier, comme il en a déjà été fait mention, n’ont eu de cesse de l’exhorter à se départir de sa position de refus, laquelle n’a alors de justification que son objectif ultime qui consiste à exercer la pression sur le tribunal pour qu’il le remette en liberté et à ne pas assumer sa responsabilité pénale dans l’affaire de droit commun dans laquelle il est poursuivi pour viol et séquestration ».

Le service de santé du pénitencier concerné dispose de tous les documents relatifs aux analyses médicales dont a bénéficié le détenu et qui ont été faites dans des laboratoires privés ou dans le Centre Hospitalier Universitaire Ibn Rochd de Casablanca, conclut le rapport.

AA.N


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