Maroc

Toujours d’actualité: « La mémoire d’un Roi »

Feu Hassan II est décédé le 23 juillet 1999. C’était il y a 18 ans. A cette occasion, nous vous proposons huit sujets importants révélés par l’ancien souverain dans le livre « La mémoire d’un Roi ».

Les menaces et les dangers

«Il faut posséder un sixième sens ou un radar. Et aussi, comme le disaient les prêtres anciens, savoir déchiffrer les messages. Lorsque vous êtes nés sous une bonne étoile, selon la formule des athées et des astrologues, Dieu vous envoie parfois quelques clignotants ; c’est à vous de les saisir, de les interpréter. L’aspect le plus rude et le plus délicat, dans cette aventure, est l’impossibilité ou l’incapacité où on se trouve quelquefois de pouvoir décoder ces signaux. Lorsque j’ai laissé certains prendre trop de pouvoir, mon instinct n’a pas fonctionné…»

Premiers événements politiques 


«C’était en 1937, j’avais huit ans et j’accompagnais mon père en visite à Paris. Des motards sont venus nous chercher à Fontainebleau, à l’hôtel de l’Aigle-Noir où nous résidions, et ils ont escorté notre voiture jusqu’à la capitale. Je me rappelle que grâce à eux, nous avions traversé Paris à toute allure. Le nez collé à la fenêtre, j’éprouvais un sentiment étrange, presque irréel. Les rues étaient quasiment désertes, seules d’importantes forces de police stationnaient à des points stratégiques. Un responsable m’a expliqué, à l’hôtel Crillon, qu’on prévoyait de grandes manifestations organisées par les mouvements de gauche en faveur du gouvernement du Front populaire, ainsi que des contre-manifestations dues à des partis de droite.
Le second événement qui m’a profondément bouleversé s’est produit à 1940. Là, j’ai vu mon père profondément bouleversé. Il était cinq heures de l’après-midi lorsque nous avons entendu à la radio le discours du maréchal Pétain déclarant qu’il fallait signer l’armistice. Mon père jouait au tennis, ils s’est immédiatement interrompu en pleurant et il était véritablement traumatisé. J’ai senti que le malheur qui venait de frapper la France était pour lui un véritable deuil personnel.»

Les Etats-Unis et le Maroc

«Il ne faut pas oublier que nous avons été le premier pays au monde à reconnaître les Etats-Unis. Il y a plus de 200 ans ; puis le premier conflit qu’ils ont eu, dans leur vie internationale, les a opposés à la Libye. Comme quoi l’histoire est accrocheuse. A cette occasion, ils avaient demandé à mon aïeul, Mohammed III, d’intervenir auprès des responsables libyens, et aussi des corsaires libyens, pour qu’on relâche les prisonniers. C’est vrai, les Etats-Unis ont toujours eu une attirance pour le Maroc, en partie parce que nous sommes à l’entrée du détroit de Gibraltar, donc comme en géométrie, nous sommes de ce côté-là un pays remarquable.
L’Amérique et la France ne peuvent en aucun cas être des éléments de substitution, l’un par rapport à l’autre, en raison de leur passé, de leur environnement et de leur mentalité. Même au moment du protectorat, nous n’avons pas un seul instant envisagé que Washington puisse prendre la place de Paris. Les Etats-Unis sont un autre monde, il y a des océans à traverser, tandis qu’il existe depuis des siècles un voisinage historique entre l’Afrique et l’Europe, entre le Maroc et la France.»

L’éducation d’un roi

«Il faut tout d’abord que le père soit un éducateur de premier ordre, qu’en plus des préceptes qu’il dispense sa propre vie quotidienne soit un exemple, un miroir. Au fond, quelles que soient les familles, quand il existe un attachement entre un père et son fils, il se crée un véritable mimétisme ; le fils veut marcher, s’asseoir et même tenir sa fourchette comme son père. Il l’idéalise. Naturellement, à cela s’ajoute une éducation scolaire axée sur le sens de la responsabilité et la notion de l’oeuvre à accomplir. Je vous donne un exemple : quand j’étais élève, il m’arrivait d’avoir des zéros. En ce cas, je n’étais jamais puni par mon père. Par contre, quand j’avais des 4 ou 5 sur 20, je l’étais systématiquement. Il admettait parfaitement qu’il y eût des accidents, mais il ne supportait pas la médiocrité.»

Boumediene et le Sahara

«Jusqu’à l’affaire du Sahara, je ne pensais pas que me trouvais devant un homme pourvu d’une double personnalité (Boumediene). A cette occasion, j’ai vu un autre Boumediene sortir tout à coup de sa boîte. Il m’est apparu sous un jour nouveau, et j’ai compris à ce moment-là qu’il voulait vraiment exercer sa volonté hégémonique sur la région. Il me disait toujours : «Je veux un Maroc stable et prospère», mais il omettait d’ajouter «et qui ne fasse pas d’ombre à l’Algérie». Je ne voulais faire aucune ombre à l’Algérie, mais je n’acceptais pas non plus qu’elle m’en fasse, à moins qu’il s’agisse d’une ombre conjuguée contre les chaleurs du soleil, surtout dans le sud du Maroc et de l’Algérie. »

La Beiâ

«Cette allégeance est un lien particulier entre moi et chaque Marocain, que je dois considérer comme un membre de ma famille, qu’il soir riche ou pauvre, et qui peut se considérer comme mon fils. C’est une obligation religieuse pour le roi du Maroc, émir des croyants, de se considérer comme partie intégrante de chaque famille. Je dirais que c’est le meilleur des remèdes contre l’usure, le scepticisme qu’apporte le pouvoir exercé dans le cadre de textes, d’articles de constitution bien délimités. Le fait de se sentir responsable de chaque foyer, quel antidote !»

Skhirat

«Lorsque les cadets ont commencé à tirer, je suis allé, en compagnie de quelques proches, dans une autre pièce du palais. Medbouh m’a alors pris par le bras et m’a dit : «Venez avec moi, il faut que je vous sauve. Nous devons aller voir Ababou». J’ai répondu, des témoins vous le confirmeront : «Non, je ne négocie pas avec un officier qui est sous mes ordres. Fais-moi venir Ababou ici, si tu veux, moi je ne sortirai pas.» En fait, à ses yeux, les choses étaient allées trop loin. Des buffets avaient été dressés pour la réception et j’entendais le bruit de la vaisselle, des samovars, de l’argenterie qui tombaient à terre. J’ai lancé à ceux qui m’entouraient : «Aïe, la facture va être lourde car aucun assureur ne couvre les risques de guerre.» Que voulez-vous, il fallait bien, si j’ose dire, tuer le temps… Un cadet m’a emmené à l’écart, je voyais le canon de son fusil juste en face de moi. Soudain, il s’est figé : «C’est vous, je ne vous avais pas reconnu. Jusqu’ici je ne vous avais vu qu’en habit traditionnel ou en uniforme.» J’étais vêtu d’une chemise de sport et d’un pantalon. Je lui ai répliqué : «Tu m’a reconnu ? Alors mets-toi au garde-à-vous. Où sont tes camarades ?» Il m’a répondu : «Ils sont là, mais il faut que nous nous cachions car beaucoup de gens pourraient nous tirer dessus.» Je lui ai demandé d’en faire venir trois ou quatre et je leur ai dit : «Commençons à lire tous ensemble le Coran». Les invités qui étaient gardés prisonniers, la face contre terre, se sont relevés et tous les cadets nous ont rejoints en criant : «Vive le roi !» Ils m’ont protégé et c’est pour cette raison que les ai tous fait relâcher ensuite.»

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