Culture

Des oeuvres du grand Mohamed Kacimi à Casablanca

L’Hôtel de ventes de la Compagnie Marocaine des Oeuvres et des Objets d’Art expose, jusqu’au 6 novembre, une quinzaine de peintures de Kacimi, regroupées sous le titre « Résistance ». On y retrouve un artiste engagé en faveur des droits de l’homme, attentif à tous ceux dont le destin politique chancelle.

Par Olivier Rachet

En 1998, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, demande au peintre de contribuer à la célébration du cinquantenaire de la promulgation de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Le projet intitulé « Liberté 98 » consistait à en illustrer une nouvelle édition. Le peintre, alors membre actif de la Ligue des droits de l’homme au Maroc, accepte avec d’autant plus de ferveur qu’il a organisé, en 1992, à la galerie BabRouah de Rabat, au sein de cette même ligue, une vaste exposition défendant ces principes d’éthique universelle.
L’exposition que propose aujourd’hui la CMOOA assortit ainsi chaque toile de textes extraits de différents catalogues qui mettent en relief l’engagement de l’artiste. On l’y voit fustiger tour à tour l’instrumentalisation pouvant être faite de la Déclaration universelle des droits de l’homme à des fins politiques ou économiques, et dénoncer avec virulence la domination d’une culture occidentale sur un continent africain dont on mesure de plus en plus quelle peut être, aujourd’hui, la vitalité et l’indépendance artistique :
« Ma question qui contient en même temps ma peur, c’est la domination des cultures les unes sur les autres, celle des grandes puissances exercée sur les petits peuples qui se font démonter au nom de beaucoup de choses basées sur la spéculation féroce, les intérêts et la corruption et le démantèlement des peuples », écrit ainsi Kacimi pour le catalogue « L’art acte d’appui ».

Des toiles exceptionnelles
La quinzaine de tableaux exposés, un pastel et des acryliques sur toile, offre une entrée en matière inédite pour qui voudrait découvrir l’univers du peintre. On y retrouve des silhouettes indifférenciées, tête alanguie, corps recroquevillés, meurtris ou chancelants. Les espaces eux-mêmes sont soumis à des découpes ou des décadrages presque cliniques. On songe parfois aux formes circulaires, arènes ou cirques, dans lesquelles évoluent les personnages de Francis Bacon. Les contrastes des couleurs, mêlant souvent le bleu et le rouge, court-circuitent la gamme chromatique habituelle et expriment la violence d’un monde synonyme de dépossession et d’asservissement.
Dans l’article qu’il consacre au peintre dans l’ouvrage collectif Le Maroc en mouvement (éditions Malika), MaatiKabbal définit parfaitement le style Kacimi : « L’artiste fixe dans un geste d’éclair, en fragments, des silhouettes d’argile; fragiles, nues, asexuées. La toile ici fait office de linceul et de sarcophage. Comme les momies d’Egypte, ces silhouettes tutoient l’éternité ».
Disparu en 2003, Mohamed Kacimi n’aura guère eu le temps d’assister aux déflagrations de violence qui secouent depuis une quinzaine d’années la planète. Mais les propos qu’il écrivit dans un texte intitulé « L’art acte d’appui » résonnent comme une terrible prophétie dont on ne perçoit pas la fin :
« Tous les Etats ont des lois élaborées, mais c’est dans la pratique que la dignité de l’homme se perd.
Tournez votre regard vers la Palestine, l’Afrique, l’Afghanistan, la Tchétchénie, l’Iraq … Le chaos engendré par les grands états face aux petits, l’animalité du racisme, le pillage des richesses, la spoliation des terres. La pauvreté, la guerre, la peur, la mise en charge d’une tension destructrice, l’effacement de la mémoire.
Au nom de ce texte extraordinaire, qui est la déclaration universelle des droits de l’homme, fait et pensé pour la paix et l’équilibre des êtres. On déplace des hommes. On vend des armes, on exerce le pouvoir … Le mal, la fracture, l’effacement par le feu et le faire peur. »


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