Economie

Abdelmounim El Eulj : “Notre industrie agroalimentaire dispose de tous les atouts de renforcement de son intégration”

Abdelmounim El Eulj
Président de la FENAGRI

Dans cet entretien, Abdelmounim El Eulj, président de la FENAGRI, revient sur le poids que représente le secteur agroalimentaire marocain. Il aborde aussi sur les défis auxquels est confrontée aujourd’hui l’industrie agroalimentaire ainsi que les axes de développement du secteur au Maroc.

L’industrie agroalimentaire locale, hors transformation des produits de la mer, est organisée en 13 branches d’activité employant environ 207.440 personnes permanentes (soit 30% de l’emploi industriel) et réalisant un chiffre d’affaires de près de 185 MMDH, avec environ 45 MMDH de valeur ajoutée, soit l’équivalent de 23% du PIB industriel et de 8% du PIB national.

Cette industrie couvre près de 70% des besoins intérieurs en produits alimentaires transformés. L’industrie agroalimentaire locale dispose d’une balance commerciale déficitaire de -9 MMDH en 2021. Un déficit qui ne cesse de se creuser…

En effet. Ce creusement est exacerbé par la flambée des cours de l’énergie et des matières premières ainsi que par la baisse de l’offre agricole, en raison essentiellement du stress hydrique qui devient de plus en plus chronique.

En parallèle, les exportations de produits agroalimentaires finis (hors TPM) demeurent limitées et génèrent actuellement un chiffre d’affaires à l’export de 43 MMDH, soit seulement 12% des exportations industrielles. Les exportations en produits agroalimentaires (hors TPM) sont concentrées sur trois destinations, à savoir la France, l’Espagne et les États–Unis, avec 40% de ces exportations vers la France. La branche de transformation des fruits et légumes représente près du tiers de l’ensemble des exportations agroalimentaires réalisées.

Quels sont les enjeux stratégiques auxquels le secteur est confronté dans le contexte actuel ?
La conjoncture mondiale et nationale montre à quel point la souveraineté alimentaire est d’importance majeure pour nos concitoyens et le développement d’une industrie agroalimentaire compétitive représente un enjeu majeur et un potentiel de croissance économique indéniable. Nous sommes convaincus que la mise en œuvre de la nouvelle feuille de route pour le développement de cette industrie donnera davantage de visibilité aux opérateurs et aux investisseurs pour aller de l’avant dans son développement. Nous sommes convaincus que cette nouvelle feuille de route mettra davantage en avant des mesures appropriées liées notamment au renforcement de la notoriété du «Made in Morocco» au niveau du marché local et à l’export, afin de favoriser un meilleur ancrage de nos produits agroalimentaires qui sont confrontés à une forte concurrence sur le marché local et à l’international.

Quid des défis à relever ?
Il y a tout d’abord la nécessité de continuer à contribuer à la couverture du besoin intérieur en produits alimentaires finis transformés et qui est en accroissement continu et à assurer ainsi la souveraineté et la sécurité alimentaire du Royaume conformément aux hautes directives de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Il faudrait aussi garantir la continuité de l’approvisionnement de cette industrie en matières premières agricoles, au vu notamment du phénomène de stress hydrique que connaît notre pays.

Il est également nécessaire de faire face aux fluctuations des prix des matières premières au niveau mondial, mais aussi aux contraintes liées à l’accès aux marchés mondiaux du fait du développement rapide de l’arsenal juridique, réglementaire et technologique au niveau mondial. Il s’agit aussi de la nécessité de stimuler la recherche et l’innovation, notamment au niveau de la TPME pour accroître la compétitivité des produits locaux, que ce soit sur le marché intérieur qu’extérieur.

Aussi, est-il primordial de respecter les exigences du développement responsable et durable tout en accélérant l’intégration de cette dimension au niveau de la TPME locale et en valorisant les compétences de base des métiers de l’industrie agroalimentaire en les adaptant aux exigences actuelles et futurs du marché du travail en termes de transformation digitale, transition verte (Nexus Energie-Eau-Déchets) et soft skills.

Comment évaluez-vous l’impact des récents événements, notamment la succession de crises, sur votre secteur d’activité ?
La conjoncture mondiale et nationale difficile a montré à quel point le développement de l’industrie agroalimentaire locale représente un enjeu majeur et un potentiel de croissance économique indéniable pour notre pays. D’ailleurs, le nouveau modèle de développement de notre pays a mis en avant la nécessité d’assurer notre souveraineté alimentaire portée par une agriculture et une industrie agroalimentaire modernes, inclusives, responsables, et à forte valeur ajoutée.

En effet, cette conjoncture a offert l’opportunité à l’industrie agroalimentaire locale de se repositionner en allant vers le renforcement de l’intégration locale en mettant en place une banque de projets d’investissement de substitution des importations des produits manufacturés par de la production locale en perspectives de renforcer notre souveraineté industrielle.

Dans ce contexte, la FENAGRI, avec l’appui du ministère de l’Industrie et du Commerce, a réalisé une étude relative au développement de l’offre locale dans ce secteur. Les résultats de cette étude ont montré un potentiel supplémentaire important en matière de compensation des importations s’élevant à environ 8 MMDH à l’horizon 2026 et 18 MMDH à l’horizon 2030.

Quelles sont les principales tendances qui façonneront l’avenir du secteur agroalimentaire marocain ?
Notre industrie agroalimentaire dispose de tous les atouts de renforcement de son intégration afin d’assurer sa compétitivité et d’accroître sa contribution à la valeur ajoutée pour l’économie marocaine dans un contexte marqué par une intégration modérée de ce secteur.

En effet, le taux d’intégration moyen de notre industrie n’est encore que de l’ordre de 25%. Cela s’explique par l’importation de nombreux intrants manufacturés, notamment les emballages alimentaires ainsi que la faible intégration avec l’amont agricole. Il est question aussi d’assurer la souveraineté nationale. Il va sans dire que notre industrie dépend énormément des intrants et matières premières importés, d’où la nécessité d’assurer une souveraineté nationale dans l’approvisionnement de ces produits en développant de nouveaux projets d’investissement locaux.

Ainsi, il est nécessaire de s’adapter aux nouvelles tendances internationales et à la réglementation telle que l’adaptation aux exigences des consommateurs et de compétitivité et aux nouvelles réglementations imposées par le marché mondial (notamment la taxe carbone sur les importations, la loi sur l’économie circulaire,…).

Par ailleurs, il s’agit aussi d’activer et d’appuyer la transformation de notre industrie agroalimentaire dans les domaines de la digitalisation, de développement durable, de la logistique, de la formation, de la recherche/développement & innovation, entre autres.

Quels sont les principaux axes de développement de l’industrie agroalimentaire locale ?
Suite aux résultats encourageants obtenus dans le cadre de la mise en œuvre du contrat-programme 2017-2021, qui représentait un partenariat constructif entre les secteurs public et privé, nous aspirons en tant que professionnels à renforcer ce partenariat dans le cadre d’un nouveau plan d’action qui s’articule autour d’une multitude de points.

De prime abord, il s’agit de renforcer le soutien à l’investissement productif en renforçant les capacités de production de l’industrie conformément à la stratégie Génération Green et à la nouvelle stratégie d’investissement, notamment en stimulant la création et l’expansion de nouvelles unités de production à haute valeur ajoutée et en modernisant les unités existantes. Il est question aussi de promouvoir le marché local en développant la consommation locale des produits transformés fabriqués au Maroc en protégeant ces produits des importations et en valorisant leur promotion sur le territoire national.

Le nouveau plan d’action concerne aussi l’intégration entre l’amont et l’aval des chaînes de valeur en prenant un ensemble de mesures visant spécifiquement à structurer les filières, développer l’intégration entre chaînes de haute et basse production, et renforcer la compétitivité des acteurs, par exemple dans la chaîne du froid, l’emballage, les services logistiques et l’immobilier industriel.

Il est aussi question d’accélérer le développement de nouvelles chaînes de production comme la valorisation des déchets, de promouvoir les exportations en mettant en œuvre des offres d’accompagnement spécifiques et adaptées pour améliorer la compétitivité des entreprises et de cibler de nouveaux couples produits/marchés. À cela s’ajoute l’innovation en aidant davantage les entreprises locales, notamment la TPME, à développer des programmes d’innovation et de recherche/développement, afin de proposer des produits à plus forte valeur ajoutée capables de rivaliser sur le marché local et international.

Qu’en est-il de l’aspect relatif au capital humain ?
Nous entendons valoriser les compétences de base des métiers de l’industrie agroalimentaire tout en les adaptant aux exigences actuelles du marché du travail en termes de digitalisation, de compétences vertes et de soft skills en plus d’accompagner les entreprises, sur le plan du développement durable, dans le cadre d’une démarche de production décarbonée en adéquation avec les exigences du développement durable et les objectifs nationaux fixés en la matière.

Par ailleurs, dans le cadre de la transition vers un secteur agroalimentaire plus vert, et en partenariat avec l’Organisation internationale du travail, l’OFPPT et l’ANAPEC, la FENAGRI ambitionne de mettre en place des programmes de formation initiale, de reconversion professionnelle et d’adaptation pour aider les travailleurs actuels et les futures recrues à s’adapter à ces multiples changements.

Comment évaluezvous l’évolution du rôle de la FENAGRI dans l’écosystème agroalimentaire ?
Il est à rappeler que la Fédération nationale de l’agroalimentaire (FENAGRI) est le premier réseau d’entrepreneurs agroalimentaire du Maroc et représente l’industrie agroalimentaire locale.

De ce fait, la Fédération travaille sur les thématiques transverses à travers 6 commissions permanentes réunissant des professionnels et travaillant sur les intérêts identifiés comme prioritaires pour l’amélioration de l’environnement de cette industrie, dont celui de la formation, de l’intégration amontaval, de la promotion à l’export, de développement durable, de la sécurité sanitaire des aliments, de l’innovation et bien d’autres. Malgré le progrès réalisé, il reste encore du chemin à faire dans le chantier de développement de l’industrie agroalimentaire à même de répondre aux enjeux d’adaptation aux nouvelles tendances en termes de technologies, de changement de modes de consommation et de réglementations.

L’amélioration de la compétitivité des entreprises alimentaires impose, notamment, l’anticipation des changements dans l’organisation des réseaux internationaux de production. Il s’agit aussi de la réorientation vers des produits nouveaux et améliorés pour les marchés existants et nouveaux, et, lorsque cela est économiquement raisonnable, un intérêt envers les produits de substitution aux importations.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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