Economie

Du monopole à l’ouverture : le CMI au cœur de la mutation des paiements

Longtemps pilier central de l’infrastructure monétique nationale, le Centre monétique interbancaire a accompagné l’essor des paiements électroniques au Maroc, avant de devenir l’un des acteurs clés de leur transformation. De l’époque du guichet unique à l’ouverture d’un marché désormais concurrentiel, son évolution retrace plus de vingt ans d’adaptation, d’innovation et de repositionnement face à un écosystème en pleine recomposition.

Depuis plus de deux décennies, le Centre monétique interbancaire (CMI) a incarné le visage des paiements électroniques au Maroc. Créé en 2002, agréé auprès des autorités comme société de financement habilitée à gérer les moyens de paiement, il est rapidement devenu l’acquéreur unique des transactions par carte et par terminal de paiement électronique (TPE) dans le Royaume.

À cette époque, le paysage était fragmenté, et le CMI a offert, pour la première fois, un guichet unique capable d’interconnecter banques, commerçants, e-commerçants, particuliers et administrations, en assurant le switch, la sécurisation des flux et le traitement des paiements en ligne ou via TPE. Son expertise et son positionnement lui ont permis d’équiper des dizaines de milliers de points de vente : selon ses propres données, autour de 55.000 points de vente étaient équipés, ce qui en faisait le partenaire quasi incontournable des commerçants marocains.

Grâce à cette infrastructure, le CMI a contribué à la généralisation des paiements par carte, à l’évolution des TPE, au développement du e-commerce, et à l’introduction progressive de moyens de paiement alternatifs, comme le paiement en ligne sécurisé et les solutions de paiement multicanal. Cependant, malgré ce rôle central, le recours massif au paiement électronique est resté longtemps limité.

À cette époque, en dépit de l’existence d’un opérateur unique, le paiement électronique représentait une part marginale des transactions, en grande partie en raison des coûts élevés liés aux commissions sur cartes, perçues par les banques et le CMI. C’est ce déséquilibre qui a poussé des acteurs alternatifs, comme l’entreprise NAPS, à déposer plainte auprès du régulateur, dénonçant une position dominante du CMI et des pratiques anticoncurrentielles sur le marché des TPE.

Vers la remise en cause du monopole
En 2024, face à ces critiques et après une instruction approfondie, le Conseil de la concurrence a décidé de démanteler le monopole du CMI, acte historique mettant fin à près de vingt ans de domination exclusive. Aux côtés de cette décision, le régulateur, en coordination avec Bank Al-Maghrib (BAM), a plafonné les tarifs d’interchange, c’est-à-dire les frais payés par les commerçants pour chaque transaction via carte, afin de rendre l’acquisition moins coûteuse et plus accessible. Ce double levier, fin du monopole en plus de la régulation tarifaire, vise à stimuler la concurrence, favoriser l’entrée de nouveaux acquéreurs, et accélérer la diffusion du paiement électronique dans tout le pays.

Le repositionnement du CMI, d’acquéreur à plateforme technique neutre
Conscient de l’évolution en cours, le CMI a entamé sa propre transformation. En septembre 2025 à Casablanca, l’entreprise a lancé le Casablanca Payment Agreement, un pacte censé marquer sa mutation. Le CMI ambitionne désormais de devenir une plateforme technique neutre, fournissant des services de processing et d’infrastructure aux nouveaux acquéreurs, banques, établissements de paiement ou fintechs, sans privilégier ses actionnaires historiques.

Ce changement de cap est déjà en cours. En 2024, l’entreprise a traité «200 millions d’opérations», équipé environ 80.000 points de vente, et 75% des transactions se faisaient sans contact. Ce repositionnement vise à préserver la valeur ajoutée du CMI, malgré la perte de son exclusivité, en s’adaptant à un marché désormais pluraliste, tout en conservant des partenaires institutionnels, banques, fintechs ou petits commerçants.

Une nouvelle phase d’expansion pour l’écosystème monétique
La réorientation du CMI ouvre une séquence inédite où l’expertise accumulée depuis plus de vingt ans devient un moteur pour accompagner la croissance du marché marocain des paiements électroniques. En évoluant vers un rôle de plateforme technique au service de l’ensemble des acteurs, le CMI contribue à structurer un environnement plus diversifié, mieux intégré et davantage aligné sur les standards internationaux.

Cette transition permet d’élargir la palette des solutions proposées aux commerçants, de stimuler l’innovation auprès des établissements de paiement et des nouveaux acquéreurs, et de renforcer la place du Maroc dans les échanges numériques régionaux. Les initiatives récentes, notamment le Casablanca Payment Agreement, favorisent une dynamique de collaboration public-privé et soutiennent l’objectif national d’accélérer l’adoption des paiements digitaux.

Dans ce contexte, la transformation du CMI s’inscrit comme l’un des leviers qui permettront au secteur d’aborder la prochaine décennie avec une infrastructure modernisée, une ouverture maîtrisée et une ambition clairement tournée vers la montée en puissance des usages numériques.

Le CMI, témoin et acteur d’une révolution en marche
Le CMI a joué un rôle central dans l’introduction et le développement du paiement électronique au Maroc. Pendant près de vingt ans, il a assuré l’acquisition, le traitement et la sécurisation des transactions par carte et en ligne, jetant les bases d’une infrastructure monétique moderne.

Aujourd’hui, confronté à la fin de son monopole, l’institution ne disparaît pas, mais se transforme. Elle cherche à devenir l’ossature technique d’un marché pluriel, neutre et ouvert. Le Maroc entame un double pari : celui de la concurrence sur un marché stratégique, le paiement, et celui de la transition numérique, vers ce que le CMI lui-même appelait il y a quelques années «un monde sans cash».

L’histoire récente montre que le pays est en marche, mais que la route reste longue pour transformer l’infrastructure monétique en un écosystème réellement inclusif, efficace et moderne.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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