Paiement digital : les véritables attentes des commerçants

L’étude Value of Acceptance menée par Visa en 2025 apporte un éclairage sur la réalité du paiement digital au Maroc. En interrogeant 260 commerces dans trois grandes villes, elle révèle un marché en transition, où l’usage du paiement électronique progresse mais reste encore loin de son potentiel. Entre bénéfices économiques avérés, persistance du cash et montée en confiance des professionnels, l’enquête dresse le portrait d’un écosystème prêt à changer d’échelle à l’heure où le pays ouvre l’acquisition à de nouveaux acteurs.
Le paiement électronique poursuit sa progression au Maroc, mais son potentiel reste largement inexploité. C’est l’un des principaux enseignements de la Value of Acceptance Study, dévoilée par Visa. Réalisée auprès de 260 commerces dans trois grandes villes (Casablanca, Rabat et Marrakech), l’étude apporte un éclairage, chiffres à l’appui, sur les usages réels des professionnels, leur perception du digital, mais aussi sur les leviers capables d’accélérer la transition vers une économie moins dépendante du cash. Les résultats confirment qu’un changement structurel est en cours, dans un contexte où le pays modernise son marché de l’acquisition et ouvre la voie à de nouveaux acteurs.
Des usages déjà installés mais encore hétérogènes
Selon l’étude, 60% des entreprises interrogées utilisent déjà les paiements digitaux depuis plus de trois ans. Ce premier indicateur montre que l’usage n’est plus marginal. Le paiement électronique s’est installé dans les pratiques professionnelles, en particulier dans les commerces structurés et les services.
Par ailleurs, deux tiers des commerçants déclarent préférer le digital au cash, une évolution motivée par une meilleure gestion de la trésorerie, une réduction des risques et un impact positif sur le chiffre d’affaires. Pour autant, l’adoption reste contrastée. 42% des entreprises demeurent “cash-only”.
Ces commerces, souvent de petite taille, n’ont pas encore franchi le pas pour des raisons de coût, de confort dans les usages traditionnels, ou par manque de connaissance des avantages du digital. Ce dualisme illustre l’un des enjeux majeurs du secteur, celui d’accompagner l’ensemble des commerçants vers des solutions accessibles et adaptées.
Un potentiel d’extension considérable
L’étude chiffre à 1,2 million le nombre d’entreprises et commerces pouvant être adressés rapidement pour accepter les paiements numériques. Cette estimation, établie à partir de l’étude “Commercial Cards Landscape” menée par Visa et le ministère de l’Industrie et du Commerce, montre l’ampleur du marché encore disponible pour les nouveaux acquéreurs.
L’ouverture du secteur permettra-t-elle de capter ce potentiel ? Les résultats suggèrent que les conditions sont réunies. En effet, 55% des commerçants envisagent d’acquérir un TPE dans les deux ans.
L’arrivée de nouveaux acteurs, conjuguée à la régulation des commissions, pourrait accélérer cette intention. La dynamique est là, mais elle reste dépendante de l’offre commerciale, du niveau des tarifs et de la capacité des opérateurs à convaincre les segments encore éloignés du numérique.
Le cash, dominant mais perçu comme risqué
Malgré l’essor du paiement électronique, le cash reste le mode de paiement le plus répandu au Maroc. L’étude rappelle qu’il représente encore 63% de l’ensemble des transactions. Mais ce statut dominant n’en fait pas un outil apprécié : 71% des commerçants considèrent la gestion du cash comme risquée (vols, pertes, erreurs de caisse, litiges…)
À l’inverse, la confiance dans le digital progresse : 56% affirment que leur crainte de la fraude par carte a diminué avec le temps. Ces données montrent que le principal frein n’est plus la sécurité perçue du digital, mais plutôt les habitudes de consommation et la structure des coûts. La combinaison régulation – concurrence pourrait donc faire bouger les lignes.
Impact direct sur le chiffre d’affaires
L’étude Visa le confirme, l’acceptation du paiement électronique n’est pas seulement un service ajouté, elle constitue un levier économique. Près de 70% des commerçants ayant adopté le paiement digital constatent une augmentation de leur chiffre d’affaires.
De plus, 64% observent une hausse du trafic client, signe que l’acceptation des cartes attire une clientèle plus large et davantage diversifiée. Enfin, 91% déclarent être satisfaits du processus de paiement par carte, ce qui renforce l’idée d’une maturité croissante du marché. Ces résultats montrent qu’un cycle vertueux est enclenché : plus les commerçants adoptent le paiement électronique, plus ils en tirent un bénéfice économique direct, ce qui contribue à alimenter une dynamique d’adoption.
Un impact macroéconomique mesurable
Visa rappelle également les bénéfices enregistrés à l’échelle nationale, en s’appuyant sur des données de la Banque mondiale : une hausse régulière de l’usage des paiements digitaux pourrait contribuer à augmenter le PIB de 3% à 5% sur dix ans, à améliorer la productivité du secteur des services de 10% à 15%, et à réduire l’économie informelle de 11% à 13%. Ces projections montrent la portée systémique de la digitalisation des paiements, bien au-delà du seul commerce de proximité.
Vers une nouvelle phase d’adoption
Enfin, l’étude identifie les principaux leviers susceptibles d’accélérer l’adoption : le coût, la formation, la transformation digitale des commerces et la sécurité. Elle souligne que le Maroc se trouve à un moment opportun, marqué par de nouvelles innovations, par l’évolution rapide de l’écosystème local et par le dynamisme du secteur touristique.
À l’heure où les nouveaux acquéreurs préparent leurs offres, ces données offrent un éclairage précieux sur les attentes réelles des commerçants. Elles montrent un marché prêt à changer d’échelle, pour peu que les solutions proposées soient accessibles, compétitives et accompagnées d’un effort de sensibilisation.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO








