Nouvel âge de la monétique : la concurrence s’installe, les paiements électroniques se recomposent

L’ouverture du marché de l’acquisition marque un changement d’ampleur dans l’écosystème des paiements électroniques. Cette recomposition amorce une nouvelle étape pour la monétique nationale, appelée à devenir plus ouverte, plus accessible et mieux adaptée aux besoins des commerçants comme des consommateurs.
Depuis le 1er mai 2025, le paysage des paiements électroniques connaît un tournant historique. L’entrée sur le marché de multiples acteurs, établissements de paiement (EDP), filiales bancaires et opérateurs indépendants, ouvre la voie à une concurrence inédite, promettant innovation, diversification des offres et transition vers un écosystème plus inclusif.
Une libéralisation concrétisée
C’est la décision n°152/D/2024, adoptée en octobre 2024 par Conseil de la concurrence, qui a acté la fin du quasi-monopole du CMI. Elle autorise les EDP et les filiales des banques dédiées à l’acquisition à opérer librement dès mai 2025, à condition qu’ils respectent des engagements précis, à savoir cession des contrats commerçants du CMI, transformation de ce dernier en plateforme technique neutre et ouverture de l’accès à ses services dans des conditions transparentes.
Dès le début de la mise en œuvre, le Conseil de la concurrence a salué les premières avancées. Lors d’une réunion de suivi tenue en mai 2025, en présence de représentants des banques, du CMI, de Bank Al-Maghrib et des nouveaux entrants, le bilan semestriel transmis a montré que les conditions techniques et réglementaires étaient réunies pour lancer les offres d’acquisition.
Ainsi, à partir de cette date, le Maroc bascule officiellement d’un modèle à acquéreur unique vers un marché ouvert, laissant présager une recomposition profonde de la monétique nationale.
Qui sont les nouveaux entrants ?
Depuis cette ouverture, plusieurs acteurs se sont manifestés. Parmi les filiales bancaires ou institutionnelles ayant annoncé leur entrée sur le marché, figurent Attijari Payment (groupe AWB), Chaabi Paiement (groupe BCP via M2T), Damane Cash (BOA), Barid Bank, Lana Cash (CIH), et Al Filahi Cash (CAM).
À ceux là, s’ajoutent des opérateurs indépendants, notamment NAPS (initiateur d’une plainte historique contre le monopole), ainsi que VPS et Cash Plus, dont certaines offres devraient être prochainement dévoilées. Ce foisonnement d’acteurs témoigne d’un effet domino : la simple levée du monopole a suffi à susciter un regain d’intérêt pour un marché jusque-là verrouillé.
Qu’attendre de cette nouvelle concurrence ?
Avec la pluralité des acquéreurs, les commerçants peuvent désormais choisir parmi différentes offres : soft-POS, TPE classiques, passerelles e-commerce, wallets, etc. Les nouveaux entrants tentent de se distinguer par des services adaptés aux besoins des PME, micro-entreprises et petites structures. Certains responsables d’EDP évoquent déjà un “marché de masse” potentiel, loin des seuls grands commerces. La régulation des frais d’interchange (commissions reversées à la banque émettrice) devrait permettre aux acquéreurs de proposer des tarifs plus compétitifs.
Le Conseil de la concurrence mise sur cet allègement pour stimuler l’adoption du paiement électronique, notamment auprès des TPE et commerces de proximité. Certains nouveaux opérateurs affichent comme objectif d’étendre l’équipement au-delà des grandes villes, vers les zones rurales et les petits commerces.
Dans un contexte où le paiement électronique reste encore marginal dans nombre de territoires, cette diversification des acteurs pourrait accélérer l’adoption à l’échelle nationale. Selon des intervenants du secteur, le volume global des paiements électroniques pourrait croître rapidement, l’écosystème restant sous-exploité, alors que la carte bancaire et les TPE existent depuis longtemps. Le potentiel est réel, surtout si les offres se multiplient, que les coûts baissent et que la sensibilisation s’intensifie.
Un marché en recomposition
L’ouverture du marché marque une avancée structurante pour l’écosystème des paiements électroniques et crée un environnement propice à l’innovation comme à la diversification des solutions. Les premiers mois montrent une dynamique encourageante, portée par l’arrivée progressive de nouvelles offres et par l’intérêt croissant manifesté tant par les commerçants que par les professionnels.
Cette transition ouvre la voie à un développement plus riche de l’acceptation digitale, à une meilleure couverture sectorielle et territoriale, ainsi qu’à une montée en gamme des services proposés aux usagers. À mesure que les acteurs déploieront leurs solutions, la concurrence devrait favoriser davantage de choix, une amélioration continue de la qualité de service et l’émergence de modèles adaptés aux besoins des PME, du commerce de proximité et des nouvelles formes de distribution.
L’écosystème entre ainsi dans une phase constructive où la collaboration, l’interopérabilité et la diversité des approches permettront de renforcer progressivement la place du paiement électronique dans les usages quotidiens.
La concurrence désormais à la manœuvre
La montée en puissance de ces nouveaux acteurs ouvre désormais une perspective plus large pour le paiement électronique au Maroc. Leur présence progressive devrait enrichir l’écosystème, encourager l’adoption de solutions plus flexibles et étendre l’usage du digital à des secteurs encore peu équipés.
Au-delà de la simple concurrence, cette ouverture crée un cadre propice à l’émergence de modèles plus innovants, à l’intégration des nouvelles technologies de paiement et à une meilleure inclusion des petites structures économiques.
Si les initiatives engagées se consolident et si les partenariats se multiplient, le pays pourrait franchir un cap décisif dans la modernisation de ses usages, en s’alignant davantage sur les standards internationaux et en renforçant sa dynamique de transition numérique.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO





