Le Maroc productif franchit le cap des 1.000 milliards de dirhams

Pour sa 24e édition, Les 500 Global livre la radiographie d’un Maroc productif en pleine recomposition. Portées par les grands groupes industriels, bancaires et énergétiques, les entreprises du Top 500 franchissent pour la première fois le seuil des 1.000 milliards de dirhams de chiffre d’affaires cumulé. Mais derrière cette performance historique se profile une économie tirée par une élite d’entreprises mondialisées. Entre vitalité du haut du classement et fragilités structurelles persistantes, le baromètre 2025 dresse le portrait d’un pays à la croisée des chemins.
L’édition 2025 du classement Les 500 Global, publiée par Économie Entreprises en partenariat avec Kompass Maroc, et coédité par le Groupe Horizon Press, dresse le portrait d’une économie à la fois résiliente et sous tension. Si les plus grandes entreprises du pays affichent des performances en nette amélioration, la croissance globale continue de buter sur des fragilités structurelles qui interrogent la soutenabilité du modèle actuel.
Un millésime de reprise
En 2024, le chiffre d’affaires cumulé des 500 plus grandes entreprises marocaines a franchi pour la première fois le cap symbolique des 1.000 milliards de dirhams (MMDH), atteignant 1.026 MMDH, contre 972 MMDH en 2023, soit une progression de 5,7%. À périmètre constant, sur 475 entreprises présentes dans les éditions 2024 et 2025, la croissance moyenne du chiffre d’affaires s’élève à 7,7%, soit deux fois le rythme du PIB national, évalué à 3,8% en 2024.
Cette dynamique traduit une embellie réelle au sommet du tissu productif, dominé par de grands groupes industriels, bancaires et énergétiques, mais elle révèle aussi un écart croissant avec le reste de l’économie, où la création d’emplois et la productivité stagnent.
Les grands gagnants de l’édition 2025
Le podium 2025 consacre OCP Group (96,9 MMDH, +6,3%), Groupe Renault Maroc (63,06 MMDH, +12,3%) et l’ONEE (42,5 MMDH, -10,9%). Maroc Telecom suit avec 36,6 MMDH, un chiffre stable sur l’année. Le secteur financier reste solidement représenté, avec Attijariwafa bank (34,5 MMDH) et Banque Centrale Populaire (25,6 MMDH) parmi les dix premières entreprises du pays.
Côté énergie, Afriquia SMDC (31,7 MMDH, -9,9%), Vivo Energy Maroc (20,2 MMDH, +10,3%) et TotalEnergies Maroc (16,7 MMDH, -1,1%) confirment leur poids économique. Parmi les sociétés qui signent leur entrée dans le classement de cette édition, on retrouve quelques poids lourds.
Ainsi, Veolia Services à l’Environnement Maroc a fait une entrée fracassante en s’adjugeant d’entrée de jeu la 25e place avec un CA de 8,8 MMDH. La filiale du géant mondial Veolia, chargée de la gestion des services essentiels liés à l’eau, à l’électricité, à la collecte et au traitement des eaux usées à Rabat-Salé et Tanger-Tétouan, a renforcé sa présence au Maroc avec le projet stratégique de construction de la plus grande usine de dessalement d’eau de mer d’Afrique (et la deuxième plus grande au monde) à Rabat, annoncé lors de la visite d’État d’Emmanuel Macron en octobre 2024.
Autres nouveaux venus : Ola Energy Maroc (34e, 6,14 MMDH), Al Barid Bank (64e, PNB de 3,1 MMDH, +36%) et Schneider Electric Maroc (132e, CA de 1 MMDH). Ces entrées illustrent la montée en puissance de secteurs en mutation (énergie, banque digitale, technologie) qui redessinent le visage du Maroc productif.
Un contexte de croissance en trompe-l’œil
Derrière ces performances, la conjoncture reste contrastée. Selon le Haut-commissariat au plan, la croissance nationale de 3,8% en 2024 masque le recul de 4,5% du secteur primaire, victime d’une campagne agricole difficile et d’un stress hydrique persistant.
Le secondaire, en revanche, a retrouvé de la vigueur (+4,2%), porté par les industries chimiques (+11,1%), le textile (+5,2%) et le BTP (+5%). Le tertiaire reste moteur (+4,6%), soutenu par un tourisme en forte expansion (+9,6% de valeur ajoutée dans l’hébergement et la restauration). Mais cette reprise reste inégalement partagée. Le taux de chômage a atteint 13,3%, son plus haut niveau depuis 2001, avec 1,6 million de demandeurs d’emploi, dont 75% âgés de moins de 35 ans.
En parallèle, la pression fiscale s’est intensifiée, atteignant 30% du PIB selon l’OCDE, un ratio largement supérieur à la moyenne africaine (16%). Malgré une hausse record des recettes fiscales de 14,5% en 2024, soit 299 MMDH, le déficit du Trésor a bondi à 55 MMDH à fin juillet 2025.
Un tournant symbolique
Pour Hassan M. Alaoui, président d’Économie Entreprises et CEO de One Africa Forums, cette édition 2025 s’inscrit dans «une dynamique de redressement économique où les grandes entreprises marocaines assument pleinement leur rôle moteur».
Le Mondial 2030, coorganisé par le Maroc, l’Espagne et le Portugal, est perçu comme un projet civilisationnel, susceptible de générer 1,7% de croissance supplémentaire et 100.000 emplois par an selon le ministère de l’Économie et des Finances. Cette perspective nourrit un optimisme prudent, le pays s’engageant dans un nouveau cycle d’investissement public et privé, dopé par la construction d’infrastructures, l’essor du tourisme et la transition écologique.
Vers un Maroc à deux vitesses
Les résultats des 500 Global montrent que les grandes entreprises marocaines progressent deux fois plus vite que le PIB, preuve d’une consolidation au sommet du tissu productif. Mais le rapport de Bank Al-Maghrib rappelle que «la fragmentation du tissu économique, dominé par les TPE à faible valeur ajoutée, reste la principale faiblesse du modèle national».
Ce contraste dessine les contours d’un Maroc à deux vitesses. D’un côté, des champions industriels et financiers qui gagnent en puissance et s’internationalisent ; de l’autre, un tissu de petites entreprises encore trop fragile pour profiter pleinement de la croissance.
La page 2025 du classement Les 500 Global révèle ainsi un pays en transition, entre résilience économique et exigence de transformation structurelle. Une photographie lucide d’un Maroc qui avance, mais qui doit encore construire les fondations durables de sa prospérité.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO







