Economie

CDN 3.0 version 2025 : sidérurgie, ferroviaire… la liste des secteurs qui vont «suer» pour le climat s’allonge

La CDN 3.0 étend son champ d’action, incluant désormais la sidérurgie, le transport ferroviaire et les gaz fluorés pour l’atténuation, ainsi que les secteurs Biodiversité et Équipements-Transports pour l’adaptation, avec une méthodologie renforcée par des fiches de synthèse standardisées.

La soumission par le Maroc de sa troisième Contribution déterminée au niveau national (CDN 3.0) pour la période 2026-2035 représente bien plus qu’une mise à jour chiffrée. Les détails sur son processus d’élaboration révèlent une maturité stratégique et une approche systémique qui redéfinissent concrètement le paysage de l’action climatique nationale et ses implications pour tous les acteurs économiques.

Plus concrètement, l’appropriation nationale, principe cardinal, a été opérationnalisée avec une intensité nouvelle. La coordination interministérielle renforcée, citée comme un «levier indéniable», dépasse la simple consultation. Elle a structuré l’élaboration, imposant une «cohérence entre les politiques publiques» et des «synergies sectorielles».

L’implication précoce et spécifique du ministère de l’Économie et des Finances (MEF), mise sur le même plan que celle du secteur privé et financier, est un signal fort. Elle traduit la reconnaissance explicite que le financement occupe une place centrale et que la mobilisation de ressources financières suffisantes constitue une condition essentielle.

Le travail conjoint avec le MEF sur la conditionnalité et l’alignement budgétaire en juillet 2025 est crucial : il ancre les engagements climatiques dans la réalité fiscale et macroéconomique, condition sine qua non de leur crédibilité et de leur mise en œuvre effective.

Le processus a systématisé la consultation, allant bien au-delà des traditionnels ateliers. Il a inclus des consultations bilatérales approfondies (février-mai 2025) avec tous les acteurs pour évaluer et proposer des projets ; un atelier dédié aux acteurs territoriaux (avril 2025) pour identifier les priorités et besoins régionaux, marquant une volonté de territorialiser l’action climatique.

À cela, on peut ajouter des espaces spécifiques pour la société civile, les jeunes et les femmes (atelier société civile en fév. 2025, clôture consultations jeunes en mai 2025), intégrant leurs contributions et préoccupations ; ou encore une rencontre structurée sur la transition juste avec syndicats et réseaux d’égalité des genres (juin 2025), aboutissant à la «coconstruction des piliers fondamentaux du Plan d’action genre». Une architecture qui garantit une légitimité politique et sociale accrue, mais crée aussi une obligation de résultats pour l’État, désormais redevable devant cette large coalition.

Saut qualitatif en termes d’innovations sectorielles et de rigueur méthodologique
La CDN 3.0 du Maroc matérialise une avancée stratégique majeure par son extension sectorielle et sa structuration méthodologique. En matière d’atténuation, l’intégration de deux sous-secteurs critiques — la sidérurgie et le transport ferroviaire — ainsi que de nouveaux gaz à effet de serre (gaz fluorés et polluants climatiques à courte durée de vie) élargit significativement le champ d’action climatique. Une évolution qui reflète une approche exhaustive, alignée sur la feuille de route nationale Bas carbone et les plans sectoriels de décarbonation.

Parallèlement, l’adaptation voit son périmètre renforcé avec l’inclusion des secteurs Biodiversité et Équipements-Transports, reconnaissant leur vulnérabilité intrinsèque et leur rôle dans la résilience nationale face à l’exposition accrue du Maroc aux impacts climatiques.

La rupture méthodologique réside dans l’adoption systématique de fiches de synthèse détaillées pour chaque projet. Des fiches standardisées qui intègrent, pour l’atténuation comme pour l’adaptation, des éléments structurants : titre, description, porteur, conditionnalité (inconditionnelle ou conditionnée aux financements internationaux), calendrier, coût estimatif, type de financement, indicateurs de suivi et co-bénéfices économiques, sociaux et environnementaux.

En outre, les projets d’atténuation y précisent les hypothèses et résultats des simulations de réduction d’émissions, tandis que ceux d’adaptation incluent leurs liens avec les stratégies nationales et internationales, les mesures opérationnelles associées, ainsi qu’une analyse des facteurs de réussite et des risques. Une formalisation qui assure la cohérence des hypothèses méthodologiques, la transparence des données mobilisées et la traçabilité des résultats, renforçant mécaniquement la crédibilité des engagements.

Ainsi, elle capitalise explicitement sur les enseignements du premier Rapport biennial transparent (RBT1), notamment en matière d’amélioration de la gestion des données (disponibilité, fiabilité) et d’harmonisation entre politiques climatiques, stratégies sectorielles et territoriales.

De l’engagement à l’action
La CDN 3.0 induit des transformations opérationnelles immédiates pour l’ensemble des acteurs économiques. Le secteur privé (industrie, énergie, transport, finance) est confronté à un élargissement du périmètre réglementaire, avec l’inclusion de la sidérurgie, du transport ferroviaire et des équipements-transports. Une extension qui exige une intégration urgente des exigences climatiques dans leur planification stratégique, accroissant la pression pour décarboner et s’adapter.

«La rigueur des fiches-projets impose par ailleurs aux entreprises de développer des capacités robustes en mesure, reporting et vérification (MRV), élevant la fiabilité des données au rang d’actif critique», explique un analyste.

Si cette exigence représente un défi, elle ouvre simultanément des opportunités d’innovation et d’investissement via la clarification des projets et besoins de financement. Les opérateurs économiques et financiers sont explicitement identifiés comme partenaires clés pour mobiliser des capitaux et catalyser l’innovation à grande échelle. Les co-bénéfices des projets (économiques, sociaux, environnementaux) deviennent des leviers compétitifs pour l’accès aux financements.

Enfin, la distinction entre actions inconditionnelles et conditionnelles crée une dépendance calculée aux fonds internationaux, nécessitant le développement de compétences en montage de projets éligibles et gestion de fonds climatiques. Pour les collectivités territoriales, la CDN 3.0 se traduit par une responsabilisation accrue.

L’atelier dédié et la logique des fiches-projets les placent en première ligne de la mise en œuvre territoriale, les obligeant à articuler des priorités régionales précises en atténuation et adaptation, ainsi que leurs besoins spécifiques en financement et renforcement de capacités. L’harmonisation exigée entre stratégies territoriales et objectifs climatiques implique une révision en profondeur des plans de développement locaux pour intégrer les projets de la CDN 3.0.

Pour ce qui est du monde financier (banques, investisseurs), il bénéficie d’une cartographie détaillée des coûts et besoins d’investissement via les fiches-projets, facilitant l’alignement des portefeuilles et la création d’instruments financiers adaptés. La priorité absolue accordée à l’adaptation et la reconnaissance explicite de la vulnérabilité nationale renforcent l’impératif d’intégrer les risques physiques climatiques dans les analyses de crédit et d’investissement.

Enfin, la transversalité des dimensions d’équité, de genre et de justice sociale — matérialisée par le Plan d’action genre coconstruit — émerge comme un critère potentiel pour les financements durables et l’investissement à impact, reflétant l’ambition de faire de l’action climatique un levier d’inclusion.

Une feuille de route opérationnelle et exigeante

On s’aperçoit que la CDN 3.0 a capitalisé sur l’expérience de ses précédentes contributions. Elle a construit un cadre stratégique et opérationnel nettement plus robuste, fondé sur une large appropriation nationale, une méthodologie rigoureuse et une intégration profonde des impératifs de financement et de justice sociale.

La ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, présidant la validation finale, pouvait légitimement souligner que cette CDN incarne «un équilibre stratégique entre atténuation et adaptation en cohérence avec les impératifs de développement durable». Le changement concret majeur pour tous les acteurs économiques réside dans le passage d’engagements relativement généraux à une feuille de route du projet détaillée, territorialisée et budgétairement consciente.

Ainsi, les fiches synthétiques constituent désormais le référentiel opérationnel incontournable. Elles définissent des attentes précises en termes de performance, de transparence et de redevabilité («mesure, rapportage et vérification»), tout en cartographiant les besoins et opportunités de financement.

Le succès de cette ambition réinventée repose désormais sur la capacité de chaque acteur – État, entreprises, territoires, finance – à s’approprier pleinement ce cadre exigeant et à transformer ces engagements structurés en actions concrètes et mesurables à l’échelle requise par l’urgence climatique. La CDN 3.0 n’est plus seulement une promesse internationale ; elle est devenue le plan directeur contraignant de la transition économique marocaine.

Bilal Cherraj / Les Inspirations ÉCO


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