Chroniques

L’immolation par le feu, un acte devenu banal ?

par Taoufik Jdidi

Tout le monde se souvient du jeune Tunisien Bouaâzizi qui s’est immolé par le feu pour protester contre la saisie de sa maigre marchandise. Son geste était devenu le catalyseur d’une révolution qui a changé non seulement le visage de la Tunisie mais la face de beaucoup de pays arabes. Bouâazizi était devenu, même après sa mort, une icône et son acte considéré, dans l’imaginaire collectif, comme un signe de bravoure, de défi et de sacrifice.

Bouaâzizi a fait des émules partout dans le monde arabe. Mais, c’est au Maroc, si les statisticiens s’y penchent, où se trouvent les plus fervents adeptes de l’immolation par le feu. Plusieurs cas ont été signalés, relatés par les médias et plusieurs autres sont restés dans l’anonymat. Toujours est-il que cela se transforme en véritable phénomène social, qui doit être profondément analysé par les sociologues, les psychiatres et autres experts.

Chaque jour qui pointe apporte son lot de faits d’immolation par le feu, au point que cela commence à devenir un geste banal. Pourtant, un suicide quel qu’en soit le moyen, n’a rien de banal.


C’est toujours choquant de voir une personne se donner la mort et c’est encore plus dur à supporter qu’une personne se fasse dévorer par les flammes en public. Ce geste de désespoir suprême a cette particularité qu’il recèle une dimension de protestation sociale. Et c’est là justement où réside le danger, puisqu’à chaque fois c’est un citoyen qui se sent lésé dans ses droits les plus élémentaires qui s’adonne à cet exercice suicidaire spectaculaire. A l’opposé du suicide anonyme, l’immolation par le feu est un message adressé à la société pour exprimer cette notion de hogra (humiliation) ressentie dans différentes situations. Il en va de la menace d’immolation, exprimée par les différents groupes de jeunes diplômés chômeurs, à l’exécution de l’acte par des personnes isolées, telles la vendeuse de crêpes de Kénitra. C’est dire que le phénomène prend une ampleur sans précédent et dévoile cette précarité psychologique régnante exacerbée par des difficultés sociales de plus en plus insupportables.

Dans un état de grand désespoir, ces personnes ne trouvent plus au sein de la société les mécanismes de défense et d’appui, et se retrouvent face à une machine d’Etat qui impose ses lois et ignore les souffrances des individus.

C’est donc cette société et ses structures qui sont interpellées devant la recrudescence des actes d’immolation par le feu. La société civile, plus que jamais, devrait rechercher les moyens de prendre en charge ces personnes qui préfèrent se donner la mort que de continuer à subir le mépris et l’exclusion. Sinon, ce n’est plus la peine de parler de solidarité et d’Etat de droit.

T. J.

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