Politique

Droits de l’homme: comment le rapport US traite les pays amis (Foreign Policy)

Le rapport du département d’Etat américain, au titre de 2015, sur les droits de l’homme dans le monde, a été sévèrement critiqué, aussi bien au Maroc qu’ailleurs.

Dov Zakheim, ancien sous-secrétaire d’Etat américain à la défense, a publié une tribune dans le magazine américain Foreign Policy du 20 mai dernier.

Il prend la défense du Maroc et épingle aussi bien le département d’Etat que l’administration d’Obama. Le Site Info a lu et a traduit cette tribune:

«Qu’est ce qui devrait être fait dans l’embrasement entre le Maroc et Washington au sujet du dernier rapport sur les droits de l’homme du département d’Etat ?

Le document cite généralement des sources autres que les propres constatations du gouvernement des Etats-Unis. Pas étonnant que les Marocains soient furieux.

Sur la base d’une affirmation d’Amnesty International, le rapport affirme que huit militants ont été emprisonnés pour avoir fait «de fausses allégations de torture». Il indique également que l’activiste Wafae Charaf a été emprisonnée pour «avoir rapporté à tort avoir été enlevée et torturée par des inconnus.» Il ne précise pas la source de cette constatation particulière.

En réponse, le gouvernement marocain a publié son propre communiqué de presse infirmant la véracité des affirmations du rapport, les qualifiant de «scandaleuses», «bâclées» et «biaisées». Les Marocains ont insisté sur le fait qu’ils pouvaient démontrer que les allégations étaient tout simplement fausses. Et, dans un geste très inhabituel, étant donné les relations normalement cordiales et étroites entre Washington et Rabat, le ministre marocain de l’Intérieur, Mohamed Hassad, et le ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita, ont convoqué l’ambassadeur des Etats-Unis, Dwight Bush, pour protester contre ce rapport.

En général, les pires violeurs des droits de l’homme accordent peu d’attention aux rapports du département d’Etat. Les violations de l’Iran sont beaucoup plus sévères que tout ce que le Maroc pourrait avoir commis. Le dernier rapport du département d’Etat consacré à l’Iran comprend une longue section sur la «privation arbitraire ou illégale de la vie» et une autre sur les enlèvements.  

Le département d’Etat signale même les violations les plus flagrantes commises par le gouvernement syrien. Pourtant, le régime d’Assad continue d’attaquer et de tuer ses citoyens. Il ne tient guère compte des rapports du département d’Etat ou de la condamnation et des «lignes rouges» émises par le président des États-Unis.

Les allégations sur des violations du Maroc sont en contraste frappant avec les crimes commis par l’Iran, la Syrie et d’autres régimes manifestement brutaux. Pourtant, le rapport du Département d’Etat traite benoîtement tous les états de la même manière antiseptique ! Bien plus, il les juge tous en termes de critères occidentaux -en effet, en particulier selon les normes américaines- comme si ceux qui n’y adhèrent pas sont en quelque sorte moins civilisés. Rudyard Kipling approuverait. (NDLR : Kipling, poète et écrivain britannique, né en 1865 à Bombay et mort en 1936 à Londres, a reçu en 1907 le prix Nobel de littérature, mais a refusé d’être anobli. George Orwell l’avait qualifié de «prophète de l’impérialisme britannique».)

Les pays ayant de pauvres critiques en matière des droits de l’homme ne sont pas les seuls à ignorer les rapports. Le département d’Etat lui-même leur accorde peu d’attention. Sinon, comment l’administration américaine pouvait tendre la main à Cuba sans recevoir aucune garantie que le gouvernement assouplirait ses restrictions, qui n’ont pas changé  d’un iota. Et pourquoi l’administration a cherché à permettre aux entreprises européennes de contourner les sanctions spécifiquement imposées en raison de mauvais traitements infligés par le gouvernement iranien à ses citoyens ?

Il ne faudrait donc pas être surpris que Rabat pense que Washington joue de manière rapide, lâche et hypocrite avec les faits. Les auteurs du rapport du département d’Etat auraient dû tenir compte de la nature des relations des Etats-Unis avec les pays objets de critiques. Au minimum, ils auraient dû examiner attentivement les éléments de preuve que les Etats amis étaient prêts à fournir à l’appui de leurs cas, plutôt que de compter aveuglément sur des affirmations d’organisations non-gouvernementales. 

D’autre part, qu’un pays ami ait été critiqué par l’administration Barack Obama ne devrait pas constituer une surprise. Cela est ainsi depuis 2009. Dans l’intervalle, la sensibilisation aux adversaires des Etats-Unis continue ; cela a aussi été la politique de la Maison blanche depuis qu’Obama a pris ses fonctions. Les deux parties de cette politique, aliénant les amis et maternant les adversaires, vont probablement persister, au moins jusqu’à ce qu’un nouvel occupant entre à la Maison blanche dans huit mois.»

Traduit par Noureddine Boughanmi


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