Economie

Abdoul Kane : “Le programme économique constitue le quotidien de ces institutions”

Abdoul Kane
Expert et consultant en intégration régionale

Dans cette interview, l’expert et consultant en intégration régionale, Abdoul Kane, revient sur le rôle économique que jouent les institutions et communautés économiques régionales.

Quelles sont les activités économiques de ces institutions sous-régionales ?
Malgré la surmédiatisation des activités politiques de ces institutions, c’est en réalité leur programme économique qui constitue le quotidien de ces institutions, notamment de leur secrétariat et de leurs commissions et de la fonction publique régionale qui est mise en place au sein d’elles afin de dérouler et de concrétiser leurs politiques et programmes de développement. Il est difficile de quantifier les contributions économiques de chacune de ces institutions dans la marche de leurs États membres.

Le premier apport d’entre elles c’est d’abord l’existence d’un marché régional. Ce marché permet naturellement d’impacter l’activité économique dans son ensemble au niveau des États concernés.

La gestion et la mise en valeur des biens publics régionaux figure également dans leurs contributions. Quand vous prenez, par exemple, le cas de l’OMVS, avec les barrages de Diama et de Manantali, cela vous donne une idée de l’apport en énergie électrique aux trois États membres (Mali, Mauritanie et Sénégal). Et c’est énorme. D’autres exemples similaires existent à travers le continent, notamment au niveau de la région des Grands Lacs et en Afrique centrale.

Qu’est-ce qui domine entre le politique et l’économique dans les activités de ces organisations sous-régionales ?
En dépit des apparences, c’est l’aspect économique qui domine. Les communautés économiques sous-régionales et régionales ont mis en place, avec plus ou moins de réussite, des zones de libre-échange, ou des unions douanières dans certains cas. On peut ainsi citer la CEDEAO, l’EAC, l’UEMOA, la CEMAC, le COMESA, etc.

D’autres ont réussi à mettre en place une monnaie unique au sein de leur espace. C’est le cas de l’UEMOA et de la CEMAC. On parle aussi des monnaies communes, comme au sein de l’EAC. Ces institutions ont presque toutes des banques de développement. Par exemple, la BOAD dans l’espace UEMOA ou encore la BCEAO, la BDEAC au niveau de la CEMAC.

Ce sont des banques qui interviennent dans les projets structurants des États, qu’ils soient nationaux ou régionaux. Vous avez également des fonds communautaires qui sont opérationnels dans certaines institutions, notamment au sein de l’UEMOA, et qui interviennent dans la plupart des domaines d’intervention définis dans leurs traités.

Mais on a l’impression que ce volet économique apparaît peu quand on parle de ces institutions ?
C’est justement en raison de la focalisation des médias sur ces aspects politiques qui masque le vrai travail économique fait par ces institutions. On se focalise souvent sur les crises et les dossiers politiques et sécuritaires, ce qui éclipse les dossiers à caractère économique de ces institutions.

Quels est le rôle et la contribution des banques de développement ?
Les interventions des banques de développement (BOAD, BIDC, BEDEAC, Fonds structurels de l’UEMOA, etc.) se matérialisent par le financement au quotidien de nombreuses infrastructures de développement, d’aménagement agricoles, de financement des PME-PMI, etc. C’est vraiment énorme par rapport aux capacités de développement de nos pays.

Dans l’espace UEMOA par exemple, les différents fonds structurels ont injecté environ 505 milliards de francs CFA en une quinzaine d’années au profit des 8 pays membres dans divers domaines de développement.

Toujours en Afrique de l’Ouest, le Fonds régional pour l’agriculture et l’alimentation relevant de la CEDEAO a réussi, avant même d’être capitalisé, entre 2014 et 2018, à mobiliser, auprès des partenaires au développement, 128 millions de dollars au profit des États membres. Donc, on voit qu’il y a des apports réels et des contributions aux États membres. Il n’y a pas de grands projets dans lesquels ces banques n’interviennent pas.

Quels sont les interactions entre ces différentes institutions et l’Union Africaine ?
La stratégie d’intégration dans le continent est définie par le Traité d’Abuja. Ce dernier veut que l’Union Africaine soit le résultat d’un processus de convergences, de schémas de développement et d’intégration des communautés économiques régionales. Il y a une disposition pyramidale qui est théoriquement mise en place, mais qui est couplée avec un principe de subsidiarité.

Ainsi, les communautés régionales qui sont sur le terrain et mettent en œuvre des programmes régionaux, des schémas d’intégration pour leurs espaces respectifs, mais qui sont supposés converger au niveau continental sans préjudices de programmes gérés par les institutions de l’Union Africaine. Que ce soit les programmes en matière de gestion des infrastructures, de sécurité, etc. Mais l’interaction est bien là.

Le processus est que c’est l’Union Africaine qui a le «lead», mais les communautés économiques régionales et sous-régionales sont sur le terrain pour mettre en œuvre les schémas et programmes d’intégration.

Est-ce que ces institutions ont un impact certain dans la vie des populations de leurs pays membres ?
C’est évident. Quand vous pouvez circuler librement du Sénégal jusqu’au Niger par exemple, il vous arrive de banaliser cette liberté de mouvement, c’est quelque chose d’énorme en termes de capacité de développement, de promotion des affaires et d’entrepreneuriat, sans parler du commerce et des ressources humaines, etc. Quand vous avez un droit d’établissement, vous ne pouvez pas le quantifier, mais ça impacte directement le quotidien des populations.

Les monnaies uniques, là elles existent, notamment en zone CFA en Afrique de l’Ouest ou Centrale, facilitent les transactions financières. C’est un apport que certains banalisent, alors que cela contribue à une mobilité extraordinaire des personnes et des biens dans ces espaces. Cela impacte également le quotidien des populations même si elles ne le réalisent pas. Et ces monnaies-là, il faut le souligner, ne bénéficient pas qu’aux populations de ces espaces. Et pour le savoir, il faut poser la question aux citoyens des autres États et leur demander les facilités que cela leur offre quand elles décident de traverser plusieurs pays du même espace monétaire.

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO


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