Culture

La Galerie Shart de Casa fête ses dix ans !

Créée en 2006 par Hassan Sefrioui, un passionné d’art contemporain et découvreur de nombreux talents, la Galerie Shart a regroupé une vingtaine d’artistes prestigieux pour célébrer l’évènement. Intitulée « Art is truth », en référence à une phrase prononcée par JF Kennedy, l’exposition mêle peintures, photographies, sculptures et installation vidéo.

Par Olivier Rachet

D’entrée de jeu, l’humour est au rendez-vous. A travers le portrait clownesque réalisé par l’artiste urbain, Pimax, le spectateur comprend tout l’enjeu de réaliser une rétrospective anniversaire, sans trop se prendre au sérieux. On peut accompagner les artistes principaux de la scène marocaine, depuis dix ans, et débuter par un pied-de-nez où la loufoquerie le dispute à une réelle connaissance de l’histoire des arts. Le personnage de « Nanart Buffet » fait ainsi irrésistiblement penser à l’art brut, à quoi s’ajoute un goût prononcé pour le détournement. La visite se poursuit avec les créatures déjantées de Monia Abdelali. Ces sculptures hautes en couleur, intitulées « Fashion tryp » ou « Rêves d’éléphants », revisitent les canons du pop art, avec une ironie grinçante.

De la profanation humoristique au sacré, il n’y a souvent qu’un pas. La rigidité des catégories esthétiques a volé, depuis longtemps, en mille éclats. Au début du XXIe siècle, un artiste ne commence-t-il pas par marcher sur les traces indélébiles des dadaïstes et des avant-gardes de toutes sortes dont on ne peut jamais faire totalement l’économie ? On peut se vouer, tels Mohammed Abouelouakar ou Najia Mehadji, corps et âme, à la pratique de la peinture ; rester sous l’emprise indépassable des icônes byzantines ou du soufisme : le geste créateur se perpétue en s’affranchissant en permanence des traditions qui l’ont précédé.

Deux peintures numérisées monumentales de la « Série arabesque » de Mehadji illuminent de leurs volutes tourbillonnantes une première salle que l’on a du mal à quitter. Véritables rubans de Mœbius, ces ondulations inventent, comme l’écrit admirablement Syham Weigant, l’auteur du catalogue, « une calligraphie au féminin. » Quant à la toile énigmatique d’Abouelouakar, le visiteur éprouve le sentiment étrange de découvrir un jardin d’Eden, laissé à l’abandon. Les paradis ne sont-ils pas définitivement perdus d’avoir été saccagés?

Une scène européenne et marocaine aux avant-postes

La visite se poursuit par un panorama des différents artistes exposés à la Galerie, pendant ces dix dernières années. De la peintre néerlandaise, Aline Thomassen, en passant par le photographe marocain Ibn El Farouk, le peintre britannique Bill West, ou les artistes espagnols Ignacio Burgos ou Diego Moya, on perçoit avec quelle passion la Galerie Shart a participé à l’émergence d’une nouvelle scène dont la créativité n’est plus à démontrer.

Il serait fastidieux de citer tous les artistes exposés mais on pourrait inciter le visiteur à profiter de cette magnifique rétrospective, en rendant hommage aux superbes photographies de Othman Zine, de Khalil Nemmaoui et de Lamia Naji. Ne serait-ce que pour découvrir le montage vidéo réalisé par cette dernière, à partir d’une série consacrée à la vie nocturne madrilène, l’amateur d’art casablancais ne devrait pas attendre une seconde pour aller vibrer aux images électrisantes de « I love cats. I really do ». « Je vous dois la vérité en peinture » écrivait Cézanne à l’un de ses amis., au XIXe siècle. La vérité de l’art au XXIe, comme le pressent Lamia Naji, se marquera par la discontinuité et l’hallucination visuelle. Art is truth, for sure !

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