Maroc

Najat Mjid: « Internet est un supermarché géant pour les prédateurs » (vidéo)

Dans son émission Confidences de presse, Abdallah Tourabi a accueilli, dimanche soir, Najat Mjid, médecin et militante, pour évoquer la situation des enfants au Maroc.

Najat Mjid a consacré sa vie à un noble combat pour la protection des enfants exploités, déscolarisés ou encore maltraités. Elle a été pendant 6 ans rapporteur de l’ONU au sujet de la vente et de la prostitution de l’enfant.

Voici le récap’ de l’émission.

«Cette vidéo me révolte car c’est de la torture»


La première question posée à Najat Mjidi concerne la vidéo, qui a circulé sur Internet, d’un père passant à tabac ses enfants: «Cette vidéo me révolte car c’est de la torture», souligne la militante.

Elle ajoute: «Au Maroc, les sanctions ne sont pas dissuasives ni adaptées à la réalité. C’est de la torture. Le juge doit réfléchir à l’impact psychologique qui va marquer ces enfants à vie. Je pense que le jugement n’est pas suffisamment lourd, mais ce n’est pas le seul cas à enregistrer dans le royaume où les sanctions sont légères, ce qui encourage les violences.»

« Internet est un supermarché géant pour les prédateurs »

«Le problème vient d’abord de la cellule familiale qui est le premier environnement protecteur. Les problèmes socio-économiques impactent les conditions de vie des enfants. Beaucoup sont privés d’environnement familial parce que les parents sont divorcés ou parce qu’il y a de la violence domestique. Au Maroc, les enfants sont placés dans les institutions ou en situation de rue.

Internet représente un supermarché géant pour un prédateur, mais la société ne mesure pas le risque. La loi existe mais elle ne suffit pas. Au Maroc, ni le gouvernement ni même certaines associations ne réalisent les risques liés à la confrontation des enfants à des prédateurs sexuels sur les réseaux sociaux.

Il y a d’autres risques comme le grooming = sollicitations sexuelles en ligne via les réseaux sociaux, le sexting = via les smartphones, les sextorsions = filmer et menacer quelqu’un, le faire chanter pour récupérer les images.

Il existe une explosion de ce volet-là et les enfants ne sont pas informés. Il y a quelques années, avec l’université de Kénitra, nous avons mené une lutte contre la cybercriminalité, pas que sur l’exploitation sexuelle : incitation au racisme, au terrorisme ou encore au suicide. Il faut renforcer les capacités des enfants à se défendre et à se protéger.»

« Au Maroc, il y a une démission parentale »

«Tout d’abord, il y a plusieurs formes de parents : ceux qui sont conscients et ceux qui ne le sont pas. La violence via Internet doit être largement prise en compte. Le guide de l’Union internationale des télécommunications sert à sensibiliser les parents et les enseignants, mais aussi les fournisseurs d’accès à Internet.

Au Maroc, il y a une démission parentale. La pauvreté n’excuse pas la violence. Beaucoup de parents, vivant dans des conditions socio-économiques difficiles, ne violentent pas leurs enfants. Dans les orphelinats, les parents pauvres abandonnent leurs enfants, or ce n’est pas notre rôle que de nous substituer à eux.»

Châtiment corporel: une culture ?

Najat Mjid a également répondu à la question sur l’étude selon laquelle 91% des enfants souffrent de châtiments corporels infligés par leurs parents.

Elle définit le châtiment corporel comme étant la situation dans laquelle «la violence devient la seule façon de communiquer, devient un acte éducatif… Au sein des écoles, des msids, mais aussi des structures judiciaires. Quand le seul mode d’éducation est la violence, c’est du châtiment corporel. Il y a d’autres façons de punir comme priver de sortie par exemple.»

La Moudawana…pas appliquée

«Si on regarde le code pénal et la Moudawana, les enfants sont protégés. Mais le problème avec la loi c’est son applicabilité au niveau des tribunaux. Pour certains juges et policiers, s’il n’y a pas de sang ce n’est pas de la violence.
Il faut expliquer le concept de violence et de violence sexuelle. Au Maroc, quand on est une fille entre 15 et 18 ans, on est plus coupable que victime pour les juges.»

« Il faut aller vers une obligation de résultats »

Sur la question de l’éducation, Najat Mjid explique que les politiques centralisées ont montré leurs limites : «Il faut responsabiliser les collectivités et leur donner les moyens. Il faut aller vers une obligation de résultats.»

Elle insiste également sur le rôle des associations de parents d’élèves qui doivent être outillées.

« Une richesse et non pas une division »

«La question de l’arabisation, il faut la poser aux décideurs politiques.  L’arabisation a été mal faite à l’époque. Au Maroc, on parle français, espagnol au nord et arabe et il faut en faire une richesse et non pas une division.

Les réformes actuelles doivent aller dans le sens de l’accès aux langues. De plus, la qualité de l’enseignement est à revoir.» En effet, Najat Mjid souligne que beaucoup de jeunes sortent de l’école avec des licences ou des diplômes, mais sans compétences requises pour le marché du travail.

Prostitution de l’enfant: un sujet tabou

Une étude de 2014, réalisée sur 5 ans, a indiqué 28.000 enfants victimes d’exploitation au Maroc. Mais Najat Mjid pense que c’est en deçà de la réalité. En effet, ce sont les donnés qui arrivent à la justice, or tous les enfants n’y accèdent pas.

«La prostitution des garçons existe, mais c’est un sujet tabou. Les premiers responsables sont la famille. Si cette dernière a failli, l’État doit jouer un rôle. Mais si c’est intentionnel, elle doit être jugée.»

Et la pédophilie?

Concernant la question de la pédophilie, Najat Mjid pense que les sanctions doivent être très dissuasives, conformément au code pénal et aux ratifications internationales. Il faut des compensations car le coût économique social et humain est important. Si le pédophile est étranger, il faut qu’il soit jugé même s’il est en dehors du territoire. Il faut réformer la procédure judiciaire.

Travail des petites bonnes
«Je me suis positionnée depuis le départ sur la question du travail domestique. Le Maroc a ratifié la convention des droits de l’enfant. Une loi ne peut pas attendre 5 ans. Je trouve cela inadmissible… La loi est capitale, elle établit un cadre. Quand la Moudawana a été effective, on aurait pu attendre longtemps avant son application.

Le travail des enfants de moins de 15 ans a été interdit au Maroc. Le consentement des filles et du père, c’est au gré du juge et des parents. Les enfants ne vont pas supporter économiquement leurs familles.

D’abord, je suis déçue qu’un nombre de parlementaires qui disaient être de notre avis aient voté pour cette nouvelle loi. De plus, le jour de son adoption, il y a eu un grandabsentéisme. Ce n’est pas sérieux pour des gens qui disent nous représenter.»

Partis politiques…
Najat Mjid ne se retrouve dans un aucun parti : «Pour adhérer à un parti politique, il faut qu’il soit en accord avec mes convictions. La discrimination contre les femmes au sein des partis est présente. C’est les quotas qui ont obligé les partis à accepter les femmes.»

En ce qui concerne la société marocaine, elle indique qu’elle est devenue plus conservatrice : «J’ai plus d’une cinquantaine d’années, mais de nos nos jours tout le monde interprète l’islam, tout le monde veut donner sa fatwa. Au Maroc, s’est installée une religiosité malsaine.»

Khadija El Jerrari

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