Chroniques

Lettre ouverte à Nasser Zefzafi

noureddinepar Nourr Edine
Un instant, tu as pu nous montrer le courage à avoir pour dire et dénoncer.
Nous avons pensé que tu serais capable de maîtriser ta hargne pour ne point confondre les coupables avec ceux qui, comme vous, souffrent de l’incompétence, l’injustice et l’impunité.
Tu as peut être galvanisé les foules derrière toi, mais l’ivresse d’avoir raison ne devait pas t’aveugler au point de porter atteinte à ce qui fait de nous un peuple solidaire et uni. Nous savons, comme vous là bas, au Nord, que nos élus sont corrompus et ne songent qu’à leur confort personnel sinon comment expliques-tu qu’aucun parti politique n’est venu, soit te guider dans ton combat, soit te désigner les valeurs à ne pas toucher.
En remplaçant le drapeau pour lequel des milliers d’hommes et de femmes sont morts, par celui qui n’indique qu’une partie de notre identité, tu as insulté en chacun de nous cette part que personne ne peut estimer. Il ne faut pas croire, après des siècles de vie ensemble, que quelqu’un serait capable de nous dire qui est amazigh et qui ne l’est pas. Nous nous sommes, à ce point, métissés et mélangé nos cultures qu’il serait vain, si ce n’est pas idiot, de se prétendre plus vrai qu’un autre car il ne s’agit pas de pédigrée de chevaux mais bien de citoyens qui vivent ensemble depuis des siècles.
Dans cette colère légitime qui est, aussi, la nôtre, il nous faut la diriger vers ceux qui nous mentent pour être élus, ceux qui nous font des promesses sans jamais les tenir. Vers ces partis politiques qui se sont transformés en mafias pour détourner nos richesses et nos impôts vers leur bien être. Ce sont eux, les coupables des souffrances dont tu décris l’atrocité mais qui, si tu te promenais ailleurs, sont les mêmes partout.
Quand tu invoques Dieu pour te donner plus de crédibilité, tu utilises le même moyen que celui de ceux qui, il y a cinq ans, nous ont promis de lutter contre le Fassad. N’est-ce pas à cause de ce Fassad qui sévit encore et plus fort, que vous êtes dans la rue à crier pour vos droits ? Dieu n’a rien à voir dans ce qui nous arrive.
C’est le travail, l’honnêteté et la transparence qui font développer les peuples. Tant que nous votons pour des individus sans connaître leurs intentions véritables, tant que la politique est un business qui rapporte et tant que le patriotisme ne baigne pas les coeurs, nous serons toujours à la merci des requins et des vautours.
Vous avez le droit de crier, haut et fort, vos revendications, vous pouvez le faire tant que l’Etat reste indifférent à vos doléances mais, faites le dans l’ordre et la discipline, faites le en montrant que parce que vous êtes des citoyens civilisés et conscients des enjeux, vous méritez que l’on vous écoute, vous méritez que l’on vous propose ce que le pays peut et est capable de faire pour vous. Faites de votre combat, un exemple, une leçon à suivre pour les autres régions.
Nous sommes un seul peuple, avec un seul destin et ce qui vous fait pleurer, nous touche, dira Sa Majesté quand vous aurez donné la preuve de votre patriotisme et de votre conscience qu’un pays déchiré ne pourra rien, vous résoudre. Ce que tu qualifies de « silence du roi » n’est rien d’autre que le respect vis à vis des institutions que le peuple a élues et qui sont censées travailler pour notre bien être. Le Souverain en tant que chef de l’Etat veille au respect du texte de la constitution et c’est dans le cadre de cette même constitution que vous manifestez en toute liberté mais quand vous outrepassez le droit, il ne peut rien pour vous sauf laisser l’autorité de l’Etat veiller à l’application du droit. Manifestez, criez, pleurez ou applaudissez mais faites-le dans le respect des autres, de leur choix et de leur vision personnelle. La démocratie n’est pas le droit à une majorité d’ignorer une minorité mais elle est l’expression du respect des lois qui garantissent à chacun la dignité, l’égalité et la justice.
Quand vous êtes un million à sortir dans la rue pour crier votre détresse, ils sont plusieurs dizaines de millions à vouloir comprendre pour essayer de vous apporter leur aide. Ne commettez pas l’erreur de croire qu’ils sont insensibles à votre douleur. Le pays n’a-t-il pas exprimé sa colère quand une seule petite fillette de sept ans est morte par négligence ? Que ferait-il s’il avait devant lui le spectacle de milliers de ses frères touchés par la misère et l’exclusion ? Sous estimer notre solidarité légendaire, c’est soit, ne pas connaître tes propres frères, soit ceux qui te soufflent la haine et la division, ont oublié ce que Marocain veut dire !
Dieu pardonne à ses sujets leur égarement et reconnaître une erreur est un signe de noblesse. Dieu, La Patrie et Le Roi !


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