Chroniques

Appel à revoir la gestion de la chose sportive au Maroc

par Fath El Bari El Habti, Spécialiste en Stratégies de promotions

Il nous arrive tous, lorsqu’on pense au sport, d’être séduits par le sentiment de plaisir qu’il projette et la sensation de divertissement qu’il apporte quand on est spectateur. Ce plaisir virtuel ou réel, se mélange souvent quand on se hasarde, sous nos cieux parfois peu cléments à tout ce qui a trait aux activités de l’épanouissement de la personne, à le pratiquer dans des centres publics équipés. Là, des réalités souvent désagréables surgissent. Aux infrastructures modestes et à la gestion approximative de la chose sportive, l’on se heurte, de plus en plus, et parfois de plein fouet à la chappe que la politique politicienne fait peser sur la gestion du sport, à la surenchère des réglementations et à la multiplicité des entraves à l’exercice d’un droit fondamental.

D’abord, c’est une lapalissade que de rappeler que le sport est consacré en tant que principe constitutionnel et reconnu comme élément central dans le renforcement d’une société démocratique et ouverte. La Constitution a inscrit dans le marbre l’appui de l’État au développement de la création culturelle et artistique, de la recherche scientifique et technique et du sport. Souligner également que la gestion de la chose sportive au Maroc est souvent instrumentalisée, revient à enfoncer une porte ouverte, tant le constat a été établi depuis belle lurette.


Toutefois, il est hautement crucial d’aiguiser, encore une fois et surtout à l‘approche des élections, la prise de conscience contre toutes les formes d’instrumentalisation observées sous diverses configurations dans notre scène sportive nationale. Pratique d’un droit… otage de pratiques politiciennes.. Il est fort regrettable de constater que la pratique de ce droit est entravée par certaines pratiques préjudiciables notamment pour le bien-être et l’intégration sociale de nos jeunes. L’on est systématiquement amenés, chaque fois que l’on examine les réalités, à constater que le sport, au niveau local, fut pris depuis longtemps dans le filet des idéologies et des pratiques ambitionnant d’engranger du succès politique pour le seul bénéfice de certains partis. L’on peut se consoler en se disant que le Maroc ne fait certes pas l’exception et suit dans ce registre, la tendance mondiale.

Pour illustrer l’importance accordée au sport et le rôle parfois décisif qu’il joue dans le monde sous d’autres cieux, il suffit d’évoquer le football au brésil, constamment instrumentalisé lors de campagnes électorales. On se rappelle comment Jair Bolsonaro, connu pour ses positions extrêmes, mais surtout anti-environnementales, a cherché le soutien pour sa candidature -et l’a obtenu- auprès de plusieurs joueurs célèbres à l’instar de l’ex-star du football mondial Ronaldinho. Un exemple édifiant dont la récurrence, à l’échelle internationale, est conséquente, surtout quand les partis souffrent de vision politique et versent dans le populisme. Politiques publiques sportives axées sur les jeunes…

L’histoire récente du Maroc dénote d’un dynamisme certain ayant marqué le sport à bien des égards. Les politiques publiques lancées dans le domaine sont diverses et se distinguent par un dénominateur commun ambitieux : elles mettent l’accent sur l’une des principales richesses du Maroc : son capital humain, jeune, ambitieux et particulièrement assoiffé pour la pratique du sport. Une orientation qui procède du fait que le sport est une composante intégrante de la manière avec laquelle nos concitoyens, particulièrement les jeunes, façonnent leurs vies. Les marocains sont férus de sport et les politiques publiques accordent une grande importance à ce fait. Le projet de performance du ministère de la jeunesse et des sports vise à « faire des jeunes un levier de développement humain, à travers un contenu éducatif permettant d’inculquer aux enfants et aux jeunes la culture de la citoyenneté et l’ouverture sur les valeurs universelles ». Cette stratégie aspire également à « faire de l’accès aux infrastructures de proximité un levier de promotion de la culture et de la compétition sportives ». Levier d’intégration et de développement… le sport devient un outil de recrutement…. Le constat fait par les responsables gouvernementaux du secteur n’a pas échappé aux partis politiques, eux aussi, conscients de son importance en tant qu’outil formidable de communication, de visibilité et de mobilisation de l’électorat dans son ensemble. Le sport permet, là où les autres approches parfois échouent, de mobiliser des jeunes électeurs des quartiers démunis et des zones éloignées dont les voix sont précieuses lors des scrutins nationaux.

Les poussées politiques se٠ théâtralisent par conséquent dans la gestion de la chose sportive qui se voit souvent instrumentalisée à des fins politiques. Le sport occupe désormais une place de choix dans le discours politique des partis qui peinent à formuler des messages fédérateurs et mobilisateurs, notamment auprès des jeunes. Des subventions au bon gré des décideurs locaux… On a été témoins de l’effervescence des associations et des ONG au Maroc et de l’augmentation substantielle des fonds consacrés aux politiques publiques, notamment celles relatives au sport. Sauf que les procédures d’octroi des subventions aux associations accentuent, même indirectement, le lien de dépendance vis-à-vis des institutions publiques, parfois administrées par des élus qui en profitent pour accroître les bénéfices en termes d’image et de base électorale.

Le rapport du Conseil économique, social et environnemental a signalé ces pratiques en 2016 : « Les pratiques de certains élus, sont également pointées du doigt par des associations : « Selon des témoins, on trouve aussi des pratiques d’élus, ou des personnes liées aux autorités, utilisant des associations créées par leurs soins pour capter des ressources et / ou pour appuyer des visées électorales ». Dans notre conjoncture politique actuelle, ces pratiques permettent de renforcer la visibilité, voire même de maintenir l’illusion d’un travail réalisé au bénéfice communautaire, alors qu’il sert à élargir la base de sympathisants et de soutenir des associations soit affiliées à certains partis, soit les aidant à isoler leurs concurrents. L’instrumentalisation à des fins partisanes ou pour le gain financier a également touché la gestion des Centres sociaux sportifs (CSP).

Les associations auxquelles la gestion des lieux a été confiée selon les procédures, imposent les tarifs, décident de l’attribution de créneaux d’utilisation et de la location des équipements ; monopolisant ainsi les terrains de proximité, puisque s’érigeant en seul canal et interlocuteur pour le reste des associations, surtout celles apolitiques. Le fait qu’une grande partie de ces associations ne possédaient pas de cadre juridique, ni de comptabilité transparente n’a pas entamé la décision locale de leur confier cette responsabilité déterminante, et ce malgré de vives critiques du microcosme sportif et associatif quant aux critères retenus. Il était clair que l’intérêt politique avait ses raisons que la raison sportive ignorait!! Afin de parer à cette anarchie qui semble profiter à tout le monde, sauf aux premiers concernés, à savoir les jeunes et les catégories ciblées, l’ex-ministre Talbi Alami, constatant que les jeunes issus des catégories démunies, cibles prioritaires des politiques de proximité se voyaient tout simplement exclus, avait décidé de retirer les CSP de la liste des institutions gérées soit en mode SEGMA soit par des associations.

Cependant, cette mesure, au demeurant très louable, ne résout pas le problème. La nécessité d’imaginer des solutions holistiques s’avère urgente car la pratique du sport ne doit avoir aucune visée politique et doit impérativement rester apolitique. Il est notamment important de privilégier une approche bottom-up, qui associerait les acteurs associatifs « crédibles » et prendrait en considération les divers avis lors des décisions. Cela permettrait d’éviter la création des associations monopolisant les subventions publiques, ce qui marginalise par conséquent les autres associations moins « connectées » ou peu « introduites ». En outre, pour remédier à l’insuffisance en termes des moyens financiers et ressources humaines, une approche « Marketing » mériterait probablement d’être étudiée.

Dans ce cadre, le «Renaming» qui fait tendance de par le monde, pourrait apporter des bénéfices sociaux. Il s’agit de procéder à la location des noms des infrastructures locales (CSP par exemple) aux acteurs privés, ou nouer des partenariats Public/Privé, ce qui générerait des ressources additionnelles pour la gestion desdits centres, et permettrait à ces acteurs privés de répondre à leur responsabilité sociétale et de renforcer leur réputation d’acteurs citoyens.

Sur un registre plus large, et dans la perspective de la création du Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative, il serait judicieux d’examiner la pertinence de la mise en place de structures locales de représentation des jeunes, qui auraient pour objectif de porter leur voix dans le processus de gestion des politiques les concernant, notamment sportives, au niveau local. Cela permettrait également de consolider la confiance mutuelle et d’exploiter pleinement le sport en tant qu’outil de développement, de consécration de la justice sociale, d’intégration et de vulgarisation des messages de cohabitation, de tolérance et de paix sociale auprès des jeunes. Vers une approche « Sport Durable »… In fine, il est plus que jamais impératif de conjuguer les efforts afin de replacer le sport à sa juste place en tant qu’outil de développement durable, véritable vecteur de renforcement des dynamiques socioéconomiques nationales, visant l’intégration des jeunes, dans leur diversité, notamment, celle des personnes en situation de handicap. Cela ne pourra se réaliser que si le sport est appréhendé selon une approche « sport durable », loin de tout calcul politique. Il est grand temps de concrétiser pleinement les messages des discours royaux en confortant les fondements de la démocratie participative dans le sport, en renforçant la transparence et en moralisant la gestion de la chose sportive.

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