Chroniques

Tribune: Avocats marocains du monde, unissez vous!

Par Omar M. Bendjelloun
Docteur en Droit International du Développement de l’Université Nice Sophia Antipolis,
Avocat à la Cour et Universitaire

Aller vers ses confrères est un comportement déontologique avéré. Se retrouver parmi une centaine d’Avocats venus du monde entier c’est prendre part à un conclave judiciaire, économique et diplomatique distant de la mêlée politicienne, d’un intérêt certain pour une Profession et un pays à la fois. Agadir, métropole introductive de l’ensemble saharien, vient d’abriter une rencontre de cette dimension en novembre 2017. L’initiative vient du Ministre de l’Emigration, ce leader des jeunesses socialistes dans les années 80 reconverti en homme d’Etat depuis l’alternance en 1999. Le charismatique «camarade» Benatiq qui avait déjà eu pour ambition de prêter serment, soutenu par l’Association des Barreaux du Maroc, a réussi un pari difficile : initier un moment fondateur pour un corps indispensable à l’Etat de droit, en respectant l’écart de ce «contre pouvoir» avec le bilan gouvernemental et les alliances qui en sont responsables. L’idée était d’établir la communion entre Confrères de l’Etranger pour renforcer l’advocature d’une part, et d’autres la mettre au service d’un dessein national contraint par une mondialisation inéquitable qui guette notre souveraineté et nos valeurs. «Que faire ?» dira l’éminent Confrère Vladimir Lénine il y a plus d’un siècle.

D’abord renforcer la Profession pour ensuite l’armer à des fins stratégiques. Une dialectique qui trace un champ de réflexion, car avant de donner du sens à l’unité des avocats marocains sans frontière, le renforcement de leur profession est un pré requis qui est à décliner sur deux fronts : Concurrence et Immunité.

Il s’agit de réveiller le vieux principe du «monopole de droit», rétribué historiquement à l’Avocat, sur deux axes interdépendants que sont le périmètre interprofessionnel et la pratique anti concurrentielle. Dans les faits, l’Avocat devra défendre son positionnement vis-à-vis des métiers connexes allant de la rédaction d’actes par Notaires ou Experts Comptables jusqu’aux mécanismes de création et de restructuration d’entreprise en passant par la neutralisation des entités parasitaires qui agissent sur une partie du contentieux et du précontentieux. Sa centralité devra désormais se hisser au rang de norme, à l’instar de la frontière établie par la Cour de Cassation française entre expert-comptable et Avocats concernant les cessions de fonds de commerce, de parts sociales ou d’actions, le premier en maniement financier et le second en rédaction d’actes, ou encore le droit égyptien qui impose l’aval de l’Avocat dans l’officialisation des statuts d’entreprise. Sur un autre registre, des «cabinets conseils» internationaux, à compétence égale avec la majorité des acteurs professionnels, sont en abus de position dominante en s’accaparant l’essentiel du marché du «conseil» ou de la «privatisation législative» adoptée par des parlements réputés souverains. Leurs honoraires peuvent dépasser le seuil prévu par le code des marchés publics en destination des entités de droit commercial, sauf que la nature civile de la Profession n’offre pas l’«ès-qualité» pour se couvrir par une telle législation. Une autre forme de comportement parasitaire, celle des sociétés de «recouvrement» qui traitent des «droits et obligations» devant les interfaces judiciaires, annihilant de fait l’un des pouvoirs fondamentaux de la Défense qu’est le monopole de juridiction. Ces exemples sont transposables à d’autres champs d’expertise et domaines de compétences, ils annoncent aussi la tentative de démantèlement d’une Profession par la volonté de mêler sa mission historique à celle d’une version mercantile du «service» portée par l’OMC ou autres travaux officiels comme le «Rapport Attali».


Cet essai de désagrégation graduel traduit un processus de sape des capacités immunitaires de la société incarnées par l’Avocat contre les diktats du marché et du pouvoir politique, qui empêcherait le Serment de triompher aux valeurs des droits de l’homme et de l’égalité. Si le diplomate est protégé par la Convention de Vienne ou le magistrat par les lois encadrant le pouvoir judiciaire, l’Avocat continue à être perméable à tout type de dépassement. Si la Tunisie a donné l’exemple en constitutionnalisant la Profession, des interventions dans différents seuils de la hiérarchie normative, notamment au niveau des conventions internationales, s’imposent pour protéger celles et ceux qui, avant le coup de grâce, ont le pouvoir de dire « attendez … ! »*. L’inviolabilité de l’Avocat passe par la protection de sa déontologie, de sa personne et de son Cabinet, par son implication dans les combinaisons du fonctionnement institutionnel, pour qu’il exerce sa fonction de consolidation sociale en «oscillant entre la pesanteur et la grâce».

C’est la définition de Cicéron, consul de l’Empire romain devenu Avocat, qui incarne l’idée initiale de renforcer la Profession pour lui donner du sens stratégique. La protéger de l’offensive mondialiste lui permet de créer cet équilibre entre Etat et Marché, en sorte qu’elle soit à la fois régulatrice de la globalisation économique et promotrice de l’universalisation des droits de l’homme et de la démocratie. Au diapason d’un lien social multi forme, elle extrait de la société les éléments constitutifs d’une viabilité nationale. Par son action permanente de pacification, de socialisation et d’égalité, elle est en mesure de s’unir autour de perspectives communes pour défendre des enjeux collectifs qui vont du positionnement d’un pays dans la mondialisation à son intégrité territoriale. Défendre une nation qui se positionne dans un échiquier international aux rapports complexes doit unir les chevaliers de la justice, riches de leurs diversité depuis leurs horizons transfrontières, en vue de servir une idée de cette noble mission qui établit un dosage habile entre pragmatisme économique, préservation des valeurs universels et promotion de la conscience rationnelle-légale. Unir une diaspora intégrée dans l’appareillage institutionnel des pays d’accueil, dont des centaines d’avocats évoluant dans des dizaines de pays, qui seraient en synergie avec leurs confrères du Maroc, représente un pouvoir d’influence et une avant-garde potentielle par rapport aux défis auxquels nous sommes confrontés.

*E. Dupont Moretti : « Direct du Droit » – Editions Michel LAFON – Paris 2017

 

 

 

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