Economie

Impact des obligations vertes : au-delà du volume, la stratégie prime

Donnée clé : les obligations vertes de 5 à 10 ans ont 2 fois plus d’impact sur la pollution que les autres durées. Explications.

Le Maroc a l’opportunité d’optimiser l’impact de ses instruments financiers verts et consolider son leadership régional en matière de transition écologique et énergétique. Le récent volume II du Plan Bleu intitulé, «Outils économiques et financiers respectueux de l’environnement : une voie vers la durabilité en Méditerranée», constitue une mine d’informations stratégiques pour les pays de la région, dont le Maroc.

Après analyse minutieuse des enseignements spécifiques au Royaume, que retenir en ce qui concerne les obligations vertes ? Le chapitre 8 du rapport analyse spécifiquement l’impact des émissions d’obligations vertes sur la pollution de l’air dans 21 pays méditerranéens, incluant le Maroc, sur la décennie 2012-2022.

La conclusion est claire et particulièrement pertinente pour notre contexte : «Le volume des émissions d’obligations vertes à lui seul ne garantit pas nécessairement une amélioration de la qualité de l’air» dans les marchés émergents comme le Maroc. Ce constat rejoint les préoccupations bien connues en finance verte sur l’importance de l’impact réel versus l’impact déclaré.

Le rapport souligne que «le déploiement stratégique des fonds, plutôt que leur volume, joue un rôle crucial dans l’atteinte des impacts environnementaux recherchés».

Pour le Maroc, cela signifie que la clé de l’efficacité réside dans trois leviers.

Le premiers est la sélection rigoureuse des projets financés. Entendez par là, prioriser des initiatives ayant un impact direct et mesurable sur la réduction des émissions (ex : remplacement de centrales thermiques fossiles, efficacité énergétique industrielle, transport électrique décarboné).

Le deuxième levier est l’efficacité de la mise en œuvre. En effet, une gouvernance robuste et un suivi précis des projets financés par les obligations vertes sont essentiels pour garantir que les fonds délivrent les bénéfices environnementaux promis.

Le troisième levier est l’allocation judicieuse des fonds. Cela consiste à orienter les capitaux vers les secteurs et technologies où leur impact sur la réduction de la pollution (notamment atmosphérique, un enjeu majeur dans plusieurs villes marocaines) sera maximal.

La maturité optimale : Un levier clé pour l’efficacité
Un autre enseignement majeur du rapport, directement applicable aux stratégies marocaines de finance verte, concerne la maturité des obligations. L’analyse montre que «les obligations vertes à maturité modérée (5 à 10 ans) se révèlent être les plus efficaces pour réduire la pollution de l’air».

Une durée qui présente un avantage décisif «ayant environ deux fois l’effet des obligations à courte ou longue maturité». Pourquoi cette maturité est-elle idéale pour le Maroc ? Le rapport l’explique : «Ce délai optimal s’aligne bien sur les cycles de projets d’énergies renouvelables et sur la modernisation industrielle, offrant un juste équilibre entre flexibilité et responsabilité. Il convient aussi bien aux marchés émergents (Égypte, Maroc, Turquie), fournissant un délai suffisant pour une mise en œuvre significative tout en maintenant la dynamique du projet».

Cela suggère que le Maroc devrait privilégier l’émission d’obligations vertes dans cette fourchette de 5-10 ans pour financer le cœur de sa transition énergétique (solaire, éolien, hydrogène vert) et la modernisation écologique de son industrie. Les obligations de très long terme (>10 ans) restent adaptées aux très grandes infrastructures, tandis que les courtes maturités (<5 ans) servent mieux des projets rapides, mais leur impact global sur la pollution s’avère moindre.

Échos des défis structurels : leçons du cas turc
Bien que l’étude de cas concerne la Turquie, les conclusions du chapitre 7 résonnent fortement avec les défis que rencontre le Maroc dans sa mobilisation de la finance verte, notamment via les obligations, pour sa transition énergétique. Comme en Turquie, où les contraintes financières réduisent les multiplicateurs de production des énergies renouvelables (ex : éolien passant de 5.70 à 4.44 dans le modèle FSAM), le Maroc doit veiller à ce que le financement par obligations vertes ne soit pas entravé par des goulets d’étranglement systémiques (accès au crédit, liquidité des marchés).

«Ces résultats rejoignent les études antérieures qui identifiaient les contraintes de liquidité comme un frein majeur au financement durable dans les économies émergentes», souligne le rapport du Plan Bleu.

Le rapport «met en exergue plusieurs défis en Turquie : la fragmentation réglementaire, l’absence de critères clairs pour qualifier les projets verts et le manque de sensibilisation des investisseurs». Le Maroc, avec sa stratégie nationale de développement durable (SNDD) et ses ambitions en finance verte, doit poursuivre le renforcement de sa taxonomie verte et de ses cadres de reporting pour garantir l’intégrité environnementale des projets labellisés «verts» et lutter contre l’éco-blanchiment («greenwashing »). Établir des règles claires et cohérentes… contribuera à réduire les opportunités d’éco-blanchiment et, par conséquent, à renforcer la confiance des investisseurs.

Les recommandations du rapport sur la Turquie valent tout autant pour le Maroc : «Renforcer les cadres réglementaires liés à la finance verte, augmenter les investissements dans les infrastructures d’énergies renouvelables et améliorer l’éducation des investisseurs. »

Disons que le développement des interconnexions, du stockage et des réseaux intelligents est crucial pour intégrer massivement les EnR. Parallèlement, sensibiliser les investisseurs institutionnels locaux et internationaux aux opportunités et aux mécanismes de la finance verte au Maroc est indispensable pour élargir la base d’investisseurs.

Des enseignements précieux pour affiner la stratégie marocaine

Le Volume II du Plan Bleu offre au Maroc des enseignements précieux et directement actionnables. Il confirme que la voie vers une transition efficace ne réside pas uniquement dans le volume de capitaux verts levés, mais dans une approche stratégique et nuancée.

Ainsi, le Royaume gagnerait à cibler stratégiquement les fonds issus des obligations vertes vers des projets à fort impact démontrable sur la réduction de la pollution, notamment atmosphérique; privilégier les maturités de 5 à 10 ans pour financer l’essentiel de ses projets d’EnR et de modernisation industrielle verte, maximisant ainsi l’efficacité environnementale par euro investi; combler les lacunes structurelles en renforçant la régulation verte (taxonomie, reporting), en développant les infrastructures d’intégration des EnR, et en menant des campagnes actives d’éducation des investisseurs; et intégrer ces dimensions dans la révision de sa Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable (SMDD 2026-2035) et dans sa feuille de route nationale pour la finance durable.

Bilal Cherraj / Les Inspirations ÉCO


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