Economie

Incitations vertes : le Maroc, laboratoire des dans une Méditerranée fracturée

Face au réchauffement accéléré de la Méditerranée, le Maroc incarne les potentialités et les limites des outils économiques verts adaptés aux réalités locales.

Alors que la Méditerranée subit un réchauffement de 20% plus rapide que la moyenne mondiale (Plan Bleu), le Volume II du Plan Bleu révèle une région en quête de solutions économiques adaptées à ses fractures Nord-Sud. Le Maroc y émerge comme un cas d’étude crucial, illustrant à la fois les potentialités et les limites des outils de finance durable face à l’urgence écologique.

Le modèle marocain : incitations ciblées versus défis structurels
Dans le paysage méditerranéen contrasté, le Maroc se distingue par une approche pragmatique des outils économiques verts. Comme le souligne le rapport : «Tandis que des pays à haut revenu comme la France et l’Italie se distinguent par l’adoption de méthodes telles que la budgétisation verte (green budgeting) et une fiscalité écologique, d’autres, comme le Maroc et la Tunisie, se concentrent sur des incitations spécifiques pour promouvoir les énergies renouvelables et l’éco-labellisation».

Selon le Centre d’activité régionale du Programme des nations unis pour l’environnement (PNUE), cette stratégie marocaine, centrée sur des incitations spécifiques pour promouvoir les énergies renouvelables et l’éco-labellisation, reflète une adaptation pragmatique aux réalités locales du pays. Elle s’incarne concrètement dans la priorisation des énergies renouvelables, alignée sur des objectifs nationaux ambitieux comme l’atteinte de 52% d’énergies vertes d’ici 2030, soutenue par des mécanismes incitatifs dédiés aux investissements dans les filières solaire et éolienne.

En parallèle, l’éco-labellisation est mobilisée comme un levier stratégique, servant à la fois d’outil de différenciation commerciale et de valorisation des filières agricoles et artisanales locales. Toutefois, le rapport du Plan Bleu nuance significativement cette dynamique positive, soulignant que «des obstacles demeurent, notamment des capacités techniques limitées, une gouvernance parfois fragile». Une mise en garde critique qui met en lumière les contraintes structurelles persistantes qui entravent la pleine efficacité et la pérennité de ces initiatives, malgré leur adéquation contextuelle.

Subventions nuisibles et disparités régionales : le casse-tête non résolu
Le diagnostic du Plan Bleu concernant les subventions nuisibles à l’environnement (SNE) est sans équivoque : «Alors que les pays développés ont déjà considérablement réduit leurs subventions nuisibles, celles-ci demeurent très élevées dans de nombreux pays en développement».

Pour le Maroc, cette réalité implique un double défi stratégique. D’une part, le pays doit simultanément réorienter les SNE – telles que les soutiens aux combustibles fossiles – et financer sa transition écologique, dans un contexte socio-économique marqué par des pressions sociales et une vulnérabilité climatique accrue, notamment la raréfaction hydrique et les stress agricoles.

D’autre part, le Maroc fait face à une contradiction régionale : bien qu’il soit cité parmi les États du Sud ayant «réussi à établir des cadres stables» selon le rapport, ses efforts sont entravés par l’absence d’harmonisation méditerranéenne, elle-même freinée par des «tensions géopolitiques et une gouvernance fragmentée». Une fracture qui limite l’efficacité collective des réformes nationales.

La gouvernance, clé de voûte invisible
L’efficacité des outils économiques verts au Maroc repose fondamentalement sur un paramètre central souligné par le rapport : «La mise en œuvre réussie dépend de la solidité des institutions, de l’implication des parties prenantes et d’une coordination efficace».

Or, le Plan Bleu identifie des lacunes critiques compromettant ce prérequis. Des capacités techniques insuffisantes limitent notamment le déploiement d’instruments complexes comme la tarification carbone ou les obligations vertes sophistiquées.

Parallèlement, des défis d’intégration horizontale persistent, se traduisant par des difficultés à articuler de manière cohérente les politiques énergétiques, hydriques et industrielles dans une logique d’économie circulaire. Des faiblesses structurelles qui constituent un frein majeur à la transformation systémique requise, malgré les avancées sectorielles observées.

Vers un leadership sud-méditerranéen ?
Le Volume II esquisse une voie prometteuse pour le Maroc en soulignant que «certains pays du Sud ont réussi à établir des cadres stables et à réaliser des progrès», ouvrant ainsi des opportunités stratégiques distinctes.

Premièrement, le pays peut se positionner comme un laboratoire d’innovation frugale en capitalisant activement sur ses succès démontrés en matière d’incitations ciblées, notamment pour étendre ces modèles à des secteurs clés tels que la gestion durable de l’eau, la valorisation des déchets et l’agroécologie.

Deuxièmement, le rapport suggère un rôle d’ambassadeur de la coopération décentralisée, permettant au Maroc de contourner les blocages géopolitiques régionaux par la construction d’alliances techniques Sud-Sud, illustrée par le partage ciblé d’expertises en éco-labellisation avec des partenaires comme la Tunisie.

Cette double perspective articule ainsi l’exploitation des acquis nationaux avec une diplomatie économique verte pragmatique, offrant une réponse adaptée aux fractures méditerranéennes tout en respectant les réalités institutionnelles locales.

Des avancées tangibles minées par des fragilités structurelles

Disons que le Maroc incarne la dialectique méditerranéenne : des avancées tangibles en matière d’outils économiques verts, minées par des fragilités structurelles et un environnement régional fracturé. Son avenir comme pionnier de la durabilité dépendra de sa capacité à transformer les incitations ciblées en stratégie systémique, tout en pesant pour une gouvernance méditerranéenne inclusive. C’est à juste titre que le Plan Bleu souligne que «pour accroître l’impact de ces initiatives, la région nécessite une vision commune, des capacités renforcées, du financement innovant et une coopération régionale».

Bilal Cherraj / Les Inspirations ÉCO


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