OPINION DU WEB

Les citoyennes et citoyens marocains, cobayes éternels de la politique politicienne

Par Ahmed El Hattab

La politique au sens noble du terme a perdu ses lettres de noblesse et ne trouve plus ancrage dans notre société. Les partis politiques, au lieu de se considérer comme des institutions émanant du peuple et travaillant pour son intérêt, c’est-à-dire celui de la patrie ou de la nation, se comportent, jusqu’à nouvel ordre, comme un regroupement de personnes avides de pouvoir et de conquête de fauteuils au détriment de toutes considérations humaines et axiologiques. Il y a un grand écart, sinon un fossé entre leur littérature écrite et orale et leur pratique quotidienne sur le terrain.

Révolue l’époque où les vrais partis politiques étaient animés par une fibre patriotique avant et après l’indépendance (Années 40, 50, 60, 70 et relativement 80). L’abnégation, le sacrifice et l’amour du pays meublaient leurs discours et leurs actions. Le patriotisme envahissait leur cœur et leur raison. La patrie passait avant tout. Son développement, son progrès, son bien-être et son rayonnement dans le concert des nations étaient leurs leitmotivs.

Jusqu’à aujourd’hui, on peut dire, sans ambages, que la politique n’a pas atteint la maturité requise. Bien au contraire, on assiste à une dénaturation à dessein de ce concept noble, aggravée par une balkanisation à outrance de son paysage. Une balkanisation due non pas à une volonté de changer les mentalités et de servir l’intérêt général et le bien du pays, mais à des querelles intestines et à un manque de démocratie interne. Il suffit qu’une personne appartenant à une élite d’un parti politique ne partage pas les idées des autres ou du dirigeant de ce dernier pour qu’elle opte pour la création d’un nouveau parti. A quelle crédibilité pourrait prétendre un nouveau parti s’il est né de règlement de compte, de divergences de vues foncièrement personnelles ou de la non satisfaction d’ambitions louches?


Par ailleurs, souvent les leaders des nouveaux partis politiques n’ont pas le charisme et la notoriété sociale requis pour mener à bien leur fonction qui est celle d’un unificateur, d’un rassembleur, d’un sage, d’un théoricien, d’un bâtisseur, d’un entreprenant, … imbu de citoyenneté, de civisme, d’abnégation, d’intégrité, de probité, … S’il n’est pas né de convictions et de valeurs sincères partagées par un large spectre de personnes dévouées, désintéressées et animées par le désir de servir leur pays, un parti politique est, tôt ou tard, voué à l’échec voire à la disparition. Bien au contraire, il contribue à l’atomisation de la carte politique et aggrave la désaffection des citoyens à l’égard de cette dernière.

En outre, si un parti n’apporte pas de valeurs ajoutées à l’édifice politique, il n’a pas de raison d’exister. C’est en fait l’image qui s’offre aujourd’hui à l’observateur où un bon nombre de partis politiques sont des clones ressassant les mêmes discours, les mêmes idées et souvent sous forme de langue de bois qui écœure les plus optimistes des citoyens. Quand ces derniers sont de bonne volonté et croient au changement, à quel saint vont-ils se vouer ? Quand ils veulent aller jusqu’au bout, ils agissent sous l’effet du cœur et non de la raison. Mais dans la plupart des cas, c’est le désintéressement total vis-à-vis de la politique qui prend le dessus. Une large frange de la population marocaine s’inscrit dans cette catégorie en prenant de la distance à l’égard de la politique. Il est bien regrettable et malheureux que cette catégorie se compose essentiellement d’intellectuels, de compétences de haut niveau, de femmes et de jeunes. Il y a là un manque à gagner qui peut rendre à la politique ses lettres de noblesse (Heureusement qu’il y a d’autres manières, à travers lesquelles, ces citoyens rendent service à leur pays !).

Et même les citoyennes et citoyens marocains qui ont bien voulu accorder un certain crédit à des partis politiques en leur donnant leurs voix lors des élections territoriales ou législatives, sont systématiquement et régulièrement déçus. Leurs voix ont plutôt servi à ancrer davantage la politique politicienne et à la légitimer dans la société marocaine. Elles ont servi de tremplins à la satisfaction d’intérêts personnels qui n’ont rien à voir avec les principes et les valeurs vantés par beaucoup de partis politiques. Ce qui fait un parti politique, ce ne sont pas uniquement les principes et les valeurs et ce ne sont pas uniquement les personnes. Ce qui fait un parti politique, ce sont évidemment les principes et les valeurs et, surtout, les personnes qui en sont imbues.

Ce à quoi on assiste aujourd’hui, c’est la dextérité avec laquelle certains politiques politiciens se présentent comme des démocrates et des serviteurs du peuple mais dès qu’une opportunité qui répond à leurs intérêts personnels se pointe à l’horizon, ils appliquent les proverbes qui disent : Charité bien ordonnée commence par soi-même et après moi le déluge. Ils peuvent même renier ou dénigrer le parti politique auquel ils appartiennent.

Les citoyens ont besoin de changement qui a un impact positif sur leurs conditions quotidiennes de vie sur les plans économique, social et culturel. Si j’envoie mes enfants à l’école, c’est pour réussir et non pas pour être victimes de la défaillance du système éducatif. Si mes enfants tombent malades, je dois pouvoir les soigner sans tracasseries, sans interventions, sans corruption. Si mes enfants quittent l’école, ils doivent être suffisamment armés pour s’intégrer facilement dans la vie active et dans le marché du travail. Si je circule dans les rues de mon quartier, de mon village, de ma ville, je dois pouvoir le faire en toute sécurité. Si je compte comme contribuable, je dois pouvoir bénéficier équitablement des richesses de mon pays. Si je quitte mon travail, je dois avoir droit à une retraite confortable. Si j’ai besoin des services de l’administration publique, elle doit me traiter comme un citoyen à part entière. Si, pour une raison ou une autre, j’ai recours à la justice, elle doit me mettre sur le même pied d’égalité que X ou Y loin de tout favoritisme ou clientélisme, etc.

Voilà les préoccupations de tout un chacun en tant que citoyen marocain. Ce dernier en a marre des discours creux, fanfarons et qui ne servent que celui qui les produit. Il en a marre d’être utilisé comme un cobaye éternel de la politique politicienne. Il en a marre de servir comme tremplin à des ambitions malveillantes.

Au lieu de passer le plus clair de leur temps à se torpiller, à échanger des propos malsains et à vendre du rêve aux citoyens, les partis politiques feraient mieux d’encadrer ces derniers civiquement et politiquement (au sens noble du terme). Ils feraient mieux aussi de former les futurs hommes et femmes d’Etat qui, une fois choisis par le peuple, mettront leurs compétences, leur savoir, leur savoir-faire, leur charisme, leur sagesse, leur connaissance de la chose publique, leur perspicacité, etc. au service de la nation.

Au lieu de sombrer dans des situations avilissantes, ils feraient mieux de procéder à leur autocritique, de se rapprocher des citoyens, de chercher à s’implanter dans la société, d’être à l’écoute de leurs préoccupations, de se soucier de leurs problèmes, d’innover dans la solution de ces derniers, de se considérer comme des leviers du développement, bref, de changer carrément de paradigme.

En effet, le paradigme actuel sur la base duquel les partis politiques produisent des discours et agissent au sein de la société est devenu obsolète voire dérangeant. Ils doivent adopter un paradigme où l’ego doit s’effacer devant l’intérêt général et où l’abnégation, le désintéressement, la sincérité, l’intégrité, la probité, la démocratie interne et le changement doivent être les moteurs de leurs actions. Un parti politique doit avoir une vision claire de ce qu’il est et de ce qu’il est appelé à faire, d’abord sur le plan théorique et ensuite sur le plan pratique. La patrie, la nation, le pays et le citoyen doivent être au cœur de cette vision.

En dehors de ce paradigme, un parti politique n’est plus une institution mais un regroupement de personnes déconnectées des réalités sociales et dont les intérêts se confrontent. Un parti doit d’abord conquérir sa légitimité sociale. S’il n’est pas un produit de la société et si, en retour, il ne produit pas cette société, c’est un corps étranger non crédible et indésirable.

Nous, citoyennes et citoyens marocains, avons assez de la politique qui ne nous représente pas, qui n’incarne pas nos attentes et qui nous considère comme des cobayes éternels de son inefficacité et de son impopularité. Nous voulons une politique qui soit à la hauteur de nos aspirations, une politique qui prône le développement humain et social, une politique qui sait créer des richesses et veille à leur répartition équitable, une politique qui met en avant la justice sociale, l’égalité des chances, la dignité humaine, une politique qui combat la précarité, la vulnérabilité, la pauvreté, l’exclusion, une politique qui prêche la solidarité et la tolérance, etc. En un mot, nous voulons une politique porteuse d’un projet de société économiquement, socialement et culturellement prometteur et où se retrouvent toutes les citoyennes et tous les citoyens abstraction faite de leur appartenance sociale, religieuse ou ethnique.

 

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