Economie

Énergies renouvelables. Badr Ikken: “Les étoiles sont alignées et il faut garder notre longueur d’avance en 2024 !”

Badr Ikken
Managing Partner de Gi2, cabinet de conseil et d’ingénierie spécialisé en transition énergétique, président exécutif de Gi3, entreprise de fabrication de systèmes d’énergie solaire.

Badr Ikken partage son point de vue sur les avantages économiques de la réduction de la TVA sur les énergies renouvelables dans le cadre de la Loi de finances 2024, ainsi que sur les faits marquants de l’année 2023 et les principaux défis à relever en 2024 dans le secteur. 

La Loi de finances 2024 entérine la réduction de la TVA sur les énergies renouvelables de 14% à 12% à compter du 1er janvier 2024, puis à 10% en 2025. Quel est votre regard sur les avantages économiques de cette mesure ?
Comment les entreprises de votre écosystème envisagent-elles de l’exploiter ? Cette incitation fiscale envoie des signaux positifs concernant la volonté de décarbonation du gouvernement. Il s’agit d’une réduction progressive de la TVA sur la production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables. Cela incitera encore plus de grands consommateurs, notamment industriels, de produire leur propre électricité propre (auto-production) ou d’acheter de l’électricité de source renouvelable dans le cadre de la loi 13-09 (mode indépendant dans le marché ouvert).

Cette baisse encouragera également le déploiement de solutions de contrats de performance énergétique, ce qui facilitera la décarbonation de process électriques de centaines d’entreprises et contribuera à leur compétitivité. Toutefois, il est à noter que la réduction de la TVA sur l’électricité produite de source d’énergies renouvelables sera compensée par une augmentation de la TVA sur l’électricité.


Cette dernière aura comme objectif de combler le gap financier causé par la réduction de la TVA sur les énergies renouvelables. Malheureusement, elle impactera négativement une grande part du tissu industriel national (PME/PMI) et même les ménages. Il serait donc équitable de penser aussi aux ménages et aux PME/PMI en proposant d’autres incitations fiscales, notamment la baisse progressive de la TVA sur les systèmes complets d’énergie solaire à 10% pour les installations de moins 5 kW et à 15% pour les installations d’une capacité entre 5kW et 500 kW. Il est également très pertinent de revoir le pourcentage maximum d’injection de l’électricité dans le réseau à la hausse (40 à 50%minimum au lieu de 20%).

En termes d’énergies renouvelables, quel bilan faites-vous de 2023, et quels sont les faits marquants ?
J’ai noté avec beaucoup de satisfaction la préqualification des projets solaires Noor Midelt II et Noor Midelt III, donc une reprise conséquente des activités de mise en œuvre du Plan solaire. Le lancement du programme de décarbonation ambitieux du Groupe OCP constitue également une grande opportunité pour le déploiement de grands projets d’énergies renouvelables et l’émergence de filières annexes et connexes. Ces deux programmes d’envergure ouvrent la voie et motivent le tissu socio-économique national à s’engager encore plus dans la stratégie de décarbonation et d’utilisation des énergies renouvelables.

Il faut citer aussi que l’adoption de la nouvelle Charte nationale d’investissement, avec la priorisation du secteur des énergies renouvelables, constitue également une autre brique structurante. Je me réjouis aussi de la restructuration des départements de l’énergie et du développement durable du ministère en charge de la Transition énergétique qui se dote de nouveaux départements et responsables afin d’affronter plus efficacement le dossier.

Enfin, et surtout, l’élaboration de l’offre Maroc de l’hydrogène vert édifie également un tournant historique et attire des dizaines d’acteurs du secteur de l’énergie qui souhaitent faire du Royaume du Maroc leur hub industriel et énergétique pour la production et l’export d’hydrogène vert et ses dérivés fabriqués, grâce aux énergies renouvelables, notamment solaire et éolienne. Le marché du solaire photovoltaïque, par exemple, ne se limitera plus à quelques dizaines de MW de capacité installée annuellement, mais plusieurs milliers de MW. Cela est de bon augure et présage l’émergence d’une importante filière d’énergies renouvelables et d’hydrogène vert compétitive dans notre pays.

Quels vont être les principaux défis à relever en 2024 ?
L’année prochaine, il s’agira de rattraper le retard sur l’ouverture de la moyenne et basse tension et, par conséquent, adopter les lois et décrets le plus rapidement possible. Les facteurs clés concerneront l’entrée en vigueur des décrets relatifs aux procédures d’autorisation dans le cadre de la loi 13-09, à la détermination des conditions et modalités d’accès des installations de production d’énergie électrique à partir des énergies renouvelables et des décrets d’application de la loi 82-21 sur l’autoproduction de l’énergie électrique. La mise en œuvre de la Stratégie nationale bas carbone et la Stratégie nationale du développement durable permettra de toucher tous les secteurs et d’impliquer efficacement tous les acteurs concernés afin d’assurer plus de cohérences des politiques publiques et donc, de facto, plus d’efficience.

Ces stratégies permettront également d’amorcer une dynamique de décarbonation dans les secteurs difficilement ou non électrifiables tels que l’aviation, le maritime, la sidérurgie…, et de traiter toutes les filières et segments et pas seulement le secteur électrique. La filière de l’hydrogène vert y contribuera mais à moyen et long terme. L’année prochaine, il s’agira également d’opérationnaliser l’offre Maroc d’hydrogène vert. Notre pays dispose d’une feuille de route, de clusters dédiés, d’une commission nationale, une montée en puissance des compétences, une demande gigantesque qui se profile, ainsi qu’une offre en cours de préparation. Les étoiles sont donc alignées et il faut garder notre longueur d’avance et attirer les meilleurs acteurs et partenaires : investisseurs, développeurs, industriels… en leur garantissant un environnement propice afin de consolider les filières renouvelables et faire émerger une filière hydrogène vert compétitive et capter le maximum de valeur ajoutée. La vision est claire et il existe une prise de conscience et un engagement du côté public et privé. Il faudra donc profiter de ce momentum. A mon humble avis, nous assisterons au lancement de grands projets d’énergies renouvelables et d’hydrogène vert structurants, mais également à encore plus de projets industriels d’envergure dans ces secteurs qui constitueront des catalyseurs pour les écosystèmes de demain.

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO

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