Economie : une trajectoire de transformation structurante

L’économie marocaine, longtemps dépendante de filières traditionnelles, a opéré un redéploiement spectaculaire grâce à une politique volontariste, une ouverture maîtrisée et une vision industrielle et énergétique cohérente. De l’automobile à l’aéronautique, du solaire à l’hydrogène vert, du rail aux ports, le Maroc se positionne comme une plateforme compétitive, résiliente et résolument tournée vers l’avenir.
En à peine 26 ans de règne du Roi Mohammed VI, soit un peu plus d’un quart de siècle, l’économie marocaine a opéré une véritable mue. Jadis centrée sur l’agriculture, le textile et les phosphates, elle s’est progressivement diversifiée et structurée autour de nouvelles filières industrielles et technologiques, soutenues par une vision royale qui a fait du Maroc une plateforme industrielle et énergétique de référence sur le continent africain. L’exemple le plus emblématique est sans doute celui de l’industrie automobile. Inexistante ou embryonnaire à la fin des années 90, elle s’est hissée au premier rang des secteurs exportateurs du Royaume.
À la faveur d’investissements colossaux et de partenariats stratégiques, le Maroc est devenu en 2024 le premier constructeur automobile du continent africain, détrônant ainsi l’Afrique du Sud de sa position historique de leader. Selon le cabinet BMI, filiale de Fitch Solutions, le Royaume devrait produire près de 614.000 véhicules cette année, contre 591.000 pour Pretoria. Objectif très proche : 1 million de véhicules d’ici 2030. Cet exploit industriel doit beaucoup à la vision stratégique du Roi Mohammed VI. Celle-ci s’est traduite par des projets majeurs, comme l’inauguration de l’usine Renault Tanger en 2012, devenue aujourd’hui l’une des plus grandes plateformes de montage de véhicules entrée de gamme du groupe Renault.
L’installation du groupe PSA (aujourd’hui Stellantis) à Kénitra, en 2019, a parachevé l’édifice. Ensemble, ces deux poids lourds représentent le moteur de l’industrie automobile marocaine, dont la quasi-totalité est exportée, principalement vers l’Europe. Stellantis a d’ailleurs annoncé un plan d’extension de son usine pour doubler sa capacité à 450.000 unités au bas mot par an et renforcer le taux d’intégration locale à 75% d’ici 2030.
Au-delà des constructeurs, ce sont plus d’une centaine d’équipementiers internationaux, de Lear Corporation à Faurecia en passant par Sumitomo et Denso, qui ont implanté leurs unités de production dans des zones industrielles intégrées comme Atlantic Free Zone ou Tanger Automotive City. Ces écosystèmes bénéficient d’avantages fiscaux, de soutiens via le Fonds Hassan II et d’infrastructures logistiques de classe mondiale comme le port Tanger Med, véritable hub maritime en Méditerranée.
L’industrie automobile génère aujourd’hui plus de 140 milliards de dirhams d’exportations, soit un tiers des exportations totales du pays, et emploie près de 220.000 personnes. Cette dynamique est appelée à s’intensifier avec l’essor de nouvelles filières. L’émergence de gigafactories de batteries pour véhicules électriques, portées par des investisseurs chinois, coréens ou canadiens, atteste de l’attractivité de l’écosystème marocain pour les technologies de la mobilité durable.
L’aéronautique, une autre success-story Made in Morocco
À l’image de l’automobile, l’industrie aéronautique marocaine incarne la diversification réussie de l’économie nationale. Partie de zéro au tournant des années 2000, la filière aéronautique compte aujourd’hui plus de 140 entreprises, génère environ 26 milliards de dirhams de chiffre d’affaires à l’export et affiche un taux d’intégration locale de 40%.
L’une des pierres fondatrices de cette ascension a été la création, en 2007, du Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (GIMAS), suivie en 2011 de l’inauguration de la zone franche Midparc à Nouaceur, dédiée aux activités aéronautiques.
L’installation de centres de formation spécialisés, comme l’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) ou l’Institut spécialisé dans les métiers de l’aéronautique et de la logistique aéroportuaire (ISMALA), a permis de doter le secteur d’une main-d’œuvre qualifiée, compétitive et adaptée aux exigences de grands donneurs d’ordre internationaux. Les majors de l’industrie mondiale, comme Boeing, Airbus ou Safran, ont fait du Maroc une base industrielle stratégique.
Le protocole signé entre Boeing et le gouvernement, en 2016, a permis de créer un écosystème réunissant plus de 120 fournisseurs. Airbus, via sa filiale Airbus Atlantic Maroc Composites, ne cesse de monter en puissance à Casablanca, tandis qu’Airbus Helicopters a ouvert une nouvelle filiale pour servir de centre régional pour l’Afrique de l’Ouest. Des équipementiers canadiens, espagnols ou suédois, tels que Pratt & Whitney, Shimco, Aciturri ou Trelleborg, complètent cet écosystème. L’ambition est désormais de franchir un cap supplémentaire : le Royaume vise la conception d’un avion «100% marocain» d’ici 2030, une étape symbolique qui consacrerait la montée en gamme de la filière aéronautique nationale.
Une souveraineté énergétique ancrée dans le renouvelable
Autre volet majeur de la transformation économique marocaine : la transition énergétique. Longtemps tributaire des importations d’énergies fossiles, le Maroc a pris le pari du renouvelable dès 2009 avec le lancement, à Ouarzazate, du complexe solaire Noor.
Ce projet colossal, aujourd’hui l’un des plus grands au monde, alimente près de 2 millions de Marocains en électricité et évite chaque année l’émission d’un million de tonnes de CO₂. Cette trajectoire a permis au Royaume de faire passer la part des énergies renouvelables à 45% de sa capacité électrique installée en 2024, avec un mix combinant solaire, éolien et hydraulique.
D’ici 2030, le Maroc ambitionne de porter cette part à plus de 52%. La mise en service de nouveaux parcs éoliens à Tanger et Essaouira, ainsi que l’extension du complexe Noor à Midelt et le projet Noor Atlas, devraient soutenir cet objectif. Dans le prolongement de cette stratégie verte, le Royaume se positionne comme un futur hub de l’hydrogène vert. Des projets titanesques, comme celui de CWP Global à Guelmim (15 GW) ou celui de Green Capital à Dakhla (8 GW), illustrent cette ambition.
Le groupe OCP, premier exportateur mondial de phosphates, investit également massivement dans l’hydrogène pour produire de l’ammoniac vert à grande échelle. En parallèle, le Maroc met en place une feuille de route gazière pour diversifier son mix et renforcer ses infrastructures de transport et de stockage, en misant sur le gaz naturel liquéfié et le mégaprojet de gazoduc Nigéria-Maroc.
La connectivité au service de la compétitivité
Les performances industrielles et énergétiques du Maroc ne seraient pas possibles sans des infrastructures modernes. Sous l’impulsion du Souverain, le réseau autoroutier est passé à presque 2.000 km et devrait atteindre 3.000 km d’ici 2030, reliant toutes les grandes villes du Royaume. Des projets structurants comme la voie express Tiznit-Dakhla dynamisent les provinces du Sud et renforcent la cohésion territoriale. Le rail n’est pas en reste.
Depuis l’inauguration, en 2018, de la première ligne à grande vitesse d’Afrique, reliant Tanger à Casablanca, le secteur ferroviaire poursuit sa modernisation. L’ONCF est en cours d’acquisition de 168 nouveaux trains et l’extension de la LGV jusqu’à Marrakech, avec l’objectif de relier demain Agadir. Le plan inclut aussi le développement de réseaux RER pour désengorger Casablanca, Rabat et Marrakech. Dans le ciel, l’accord Open Sky signé avec l’UE a transformé l’espace aérien marocain.
Avec plus de 150 destinations internationales et un projet d’expansion de la flotte de Royal Air Maroc à 200 appareils d’ici 2037, le pays veut faire de Casablanca un hub intercontinental majeur. Les aéroports sont également modernisés pour porter la capacité nationale à 80 millions de passagers en 2030. Le secteur maritime, enfin, amorce un virage stratégique avec la volonté royale de doter le Maroc d’une flotte de marine marchande compétitive, à la hauteur de son rôle de carrefour logistique entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques.
La perspective de la CAN 2025 et de la Coupe du monde 2030 constitue un puissant catalyseur. Le Royaume multiplie les investissements pour accueillir ces événements : modernisation des stades, extension du réseau de transport, rénovation des infrastructures hôtelières et adaptation de l’offre touristique aux nouvelles tendances (Airbnb, riads, maisons d’hôtes).
Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO