Infrastructures : de grandes réalisations devenues la colonne vertébrale du Maroc moderne

Le Maroc a bâti une colonne vertébrale logistique et portuaire qui soutient sa transformation industrielle, renforce son intégration régionale et assoit son rôle de hub africain et méditerranéen. Grâce à la cohérence de cette vision, il ambitionne de consolider sa souveraineté économique et de devenir un pont stratégique entre les continents.
Depuis son accession au Trône en 1999, le Roi Mohammed VI a fait du développement des infrastructures une priorité stratégique, érigeant ce levier en moteur de transformation économique et sociale du Royaume. Cette vision, notamment traduite par une ambitieuse stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030, a permis au pays de s’imposer comme une puissance maritime régionale et un hub logistique majeur entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique.
Cette ambition se matérialise d’abord par le complexe portuaire Tanger Med, véritable figure de proue de la réussite marocaine. Mis en service en 2007, ce projet colossal a totalement changé la donne pour l’économie nationale. Installé sur une superficie de 1.000 hectares, Tanger Med regroupe trois ports : Tanger Med 1, le port passagers et rouliers, et Tanger Med 2.
Grâce à sa position stratégique sur le détroit de Gibraltar, l’un des passages maritimes les plus fréquentés au monde, Tanger Med a pu capter une part considérable du trafic mondial de conteneurs. Aujourd’hui, il se classe parmi les vingt premiers ports à conteneurs au monde, une performance qui place le Maroc au premier rang en Afrique et en Méditerranée.
Le port a franchi un cap historique en 2024 avec 10,24 millions de conteneurs EVP traités. Il confirme également son rôle comme plateforme de référence pour les importations et exportations nationales. On notera qu’il a atteint ses objectifs quatre ans avant l’échéance fixée.
Cette performance est d’autant plus remarquable qu’elle s’accompagne d’une connectivité maritime exceptionnelle vers 180 ports et 70 pays, ce qui en fait un maillon essentiel du commerce mondial. L’impact de Tanger Med ne se limite pas aux statistiques portuaires. Ce hub a généré des effets considérables en termes d’investissements directs étrangers. L’implantation de Renault, ainsi que l’émergence d’un écosystème industriel automobile et logistique, illustrent parfaitement la capacité du port à attirer des industriels de rang mondial.
Cette dynamique a entraîné la création de milliers d’emplois, transformant la région de Tanger en un véritable pôle industriel et logistique. Pour accompagner cette montée en puissance, Tanger Med Port Authority a engagé un nouveau programme d’investissement de 7 milliards de dirhams afin d’étendre la capacité du terminal passagers et camions et moderniser les installations. Ce projet, soutenu en partie par un prêt de la Banque mondiale, couvrira 63 hectares supplémentaires et permettra au complexe de dépasser le million de camions traités par an. La livraison est prévue pour fin 2026.
Quand Tanger Med «fait des petits»
Dans le sillage de Tanger Med, le Maroc déploie une stratégie portuaire équilibrée en lançant d’autres infrastructures majeures sur différentes façades maritimes. Le port Nador West Med s’inscrit ainsi comme le second pilier de ce dispositif.
Conçu pour libérer le potentiel économique de la région de l’Oriental, longtemps marginalisée, Nador West Med vise à attirer de nouveaux investisseurs et à ancrer durablement cette partie du territoire dans la dynamique nationale. Lancé en 2017 et prévu pour entrer en service fin 2026 pour sa première phase, ce complexe portuaire et industriel mobilise une enveloppe de 10 milliards de dirhams (MMDH). Il comprendra des zones industrielles et logistiques, un terminal à conteneurs d’une capacité initiale de 3,4 millions d’EVP, extensible à 5,4 millions, un terminal pétrolier et d’autres installations stratégiques. Le terminal Est sera opéré par Marsa Maroc, qui investira plus de 2 MMDH pour renforcer la compétitivité du site.
Au-delà de son rôle logistique, Nador West Med sera également au cœur de la stratégie énergétique du Maroc, grâce au projet de terminal gazier flottant prévu sur place. Fruit d’un protocole d’accord stratégique signé en 2024, ce terminal participera à sécuriser l’approvisionnement national en gaz naturel liquéfié et à diversifier les sources d’énergie. Il sera relié au Gazoduc Maghreb-Europe pour maximiser son impact sur le réseau gazier existant.
Le grand Sud comme nouvelle locomotive
Plus au sud, un troisième chantier phare incarne l’intégration progressive des provinces du Sahara marocain dans la dynamique nationale : le port de Dakhla Atlantique. Ce mégaprojet répond à une double ambition. Sur le plan économique, il vise à transformer la région en hub logistique et industriel majeur, capable de capter le cabotage vers l’Afrique de l’Ouest et de stimuler la filière halieutique locale.
Sur le plan géostratégique, il s’inscrit pleinement dans la vision royale de faire du Maroc un trait d’union entre l’Europe, l’Afrique et les pays enclavés du Sahel. Doté d’une enveloppe d’environ 12,6 MMDH, le port de Dakhla Atlantique comprend un bassin de commerce avec un poste pétrolier, un bassin pour la pêche côtière et hauturière capable de traiter près d’un million de tonnes de produits maritimes par an, ainsi qu’un bassin de réparation navale.
Sa capacité globale de traitement est estimée à 35 millions de tonnes, avec une extension prévue pour porter ce volume à 43 millions de tonnes. Outre le port lui-même, le projet inclut une nouvelle zone industrielle et logistique, ainsi qu’un parc dédié aux activités halieutiques, offrant aux acteurs locaux les meilleures conditions de compétitivité.
À ce jour, les travaux sont réalisés à hauteur de 39% et la livraison est prévue pour la fin de l’année 2028. Pour renforcer la connexion de ce port stratégique avec le reste du pays, une voie d’accès de 7 kilomètres le reliera à la route nationale n°1, tandis qu’un pont maritime et diverses infrastructures de soutien sont également prévus. La réussite des grands projets d’infrastructures portuaires est indissociable des efforts déployés pour développer les infrastructures terrestres.
À ce titre, la voie express Tiznit-Dakhla constitue un autre exemple emblématique de cette ambition. Longue de plus de 1.000 kilomètres, cette voie express vise à désenclaver les provinces du Sud, à fluidifier la circulation des biens et des personnes et à consolider l’intégration des régions sahariennes aux grands pôles économiques du pays. Mobilisant un budget de 10 MMDH, cette infrastructure est un catalyseur de croissance régionale et de cohésion nationale.
Ces réalisations ne sont pas isolées : elles s’inscrivent dans une démarche globale qui intègre la géomaritimité du Royaume dans sa diplomatie économique et régionale. Trois étapes jalonnent cette stratégie : la ratification en 2007 de la convention onusienne sur le droit de la mer, la délimitation en 2020 des espaces maritimes avec l’Espagne et l’initiative royale de 2023, invitant les pays du Sahel à s’ouvrir sur l’Atlantique grâce aux infrastructures marocaines. La finalité est de faire de la mer un facteur de richesse. C’est (déjà) en très bonne voie !
Ilyas Bellarbi / Les Inspirations ÉCO