Chroniques

Malek Chebel nous a quittés. L’hommage de Jalil Bennani

Psychanalyste et anthropologue, il avait laissé la pratique clinique pour se consacrer à l’étude de l’islam et des hadiths. Il écrivait et communiquait beaucoup.
Je l’ai rencontré à Paris dans les années 80. Nous avions en commun l’intérêt pour la migration. C’est à ce titre que je l’ai invité à Rabat quelques années plus tard. Il était brillant. Une pensée ouverte. S’appuyant sur Sénèque, il défendait l’idée que chacun se trouve chez soi là où il élit domicile. Ses travaux sur les rituels comme la circoncision font référence. Prolixe, il s’est essayé à une interprétation des Mille et Une Nuits.
En 2013, j’ai eu le plaisir de le retrouver en sa qualité de président du prix grand Atlas. À propos du vote des jeunes, il a dit cette phrase simple, porteuse d’espoir: « Le vote du prix des étudiants c’est l’avenir ! » Il était réaliste, pragmatique.
Il dénonçait le fanatisme et appelait à se sentir libre. En valorisant la civilisation islamique, il s’est consacré à une lecture ouverte de l’islam, invitant à n’en retenir que les aspects positifs. Il prônait le dialogue entre religions, entre civilisations. Il croyait à leurs influences réciproques. Il a mis en exergue la question du désir au féminin, luttant contre l’exclusion de la femme et contre toute forme de machisme, en rappelant l’importance de l’amour et de la libido féminine. Il appelait les jeunes qui se sentaient exclus à connaître leur culture. Il opérait la transmission d’un héritage.
D’autres grands penseurs nous ont quittés. Je ne citerai que Abdelwahab Meddeb et Mohammed Arkoun. Par ces temps obscurs où l’islam n’est souvent pas celui des Lumières comme le souhaitait Malek Chebel, mais celui des obscurantistes et des ignorants, sa parole va nous manquer. Mais le meilleur hommage à lui rendre c’est de faire vivre sa pensée. La « critique de la raison islamique » pour reprendre la thèse de Mohammed Arkoun est en marche avec de nouveaux penseurs comme Rachid Benzine, Fethi Benslama, Ghaleb Bencheikh, Abdennour Bidar… lls ne se situent pas dans le même discours, ne parlent pas du même lieu, mais contribuent à ouvrir le débat sur l’islam aujourd’hui et sa nécessaire contextualisation.
Adieu l’ami Malek ! Tes idées ont fait du chemin, par delà les différences et les controverses ! Et ce n’est pas fini !
Jalil Bennani, psychiatre et psychanalyste 


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