Culture

« Hymne au climat »: la dernière expo de Mohamed Melehi

En marge de la COP 22, le peintre marocain célèbre les quatre saisons et porte sur notre monde mercantiliste un regard ironiquement désabusé. L’exposition est à voir, à Casablanca, jusqu’au 10 décembre.

Par Olivier Rachet

On associe volontiers Mohamed Melehi à ce courant de la peinture américaine apparu dans les années 50, le hard edge, pour la rigueur géométrique des formes souvent ondulatoires qu’il appose sur la toile, de façon tranchante. Pour une gamme chromatique nette et précise posée en aplat. On reconnaît cette touche au premier coup d’oeil, ne sachant jamais trop, comme le rappelle Moulim El Aroussi dans le catalogue de l’exposition, s’il s’agit de flammes ou de vagues. Sans doute des deux à la fois ou plus précisément des unes se transformant dans les autres comme semble le suggérer la présence du motif chinois représentant le yin et le yang, principes moteurs de la cosmologie taoïste.

En ces temps d’incantation climatique, où chacun rivalise, dans une expression devenue normative, de bons sentiments et d’appels à la conscience individuelle, peut-être n’est-il pas anodin de commencer par rappeler que les phénomènes de la nature nous échappent toujours plus ou moins. Que le peintre privilégie le motif des feuilles, emportées comme dans le poème de Verlaine, par le vent d’automne, n’est pas fortuit. On ne sait trop si ces feuilles, dont la forme rappelle parfois celle d’un cœur, retournent se fondre au sein de la terre-mère ou si elles s’envolent vers des cieux plus cléments. Force est de constater, cependant, qu’elles semblent le plus souvent comme englouties par les entrailles de la Terre qui s’ouvrent avec une certaine violence pour attirer à elle tout ce qui est voué à disparaître.


Une nature iconique

Le philosophe Spinoza opposait à la « Nature naturante », perçue comme substance et cause, la « Nature naturée », perçue de son côté comme effet et mode. La force agissante des éléments qui président aux phénomènes tels que les saisons ou les cataclysmes, est inséparable des variations climatiques et des conséquences qui en découlent. Alors, tout va-t-il disparaître sous l’effet du réchauffement climatique ou tout renaîtra-t-il de ses cendres ? La question est physique plus que métaphysique. Les peintres ont peut-être un début de réponse qu’aucun des chefs d’Etat réunis à Marrakech ne perçoit avec une telle sérénité.

La multiplication des codes-barres ou des passages pour piétons qui s’invitent dans les tableaux de Melehi nous rappelle à quel point la nature disparaît progressivement de nos environnements de plus en plus urbanisés. La spéculation financière est telle qu’elle formate aussi le vivant et ce que l’on appelle encore, non sans majesté, ses différents règnes. Et pourtant, la vivacité chromatique de la palette du peintre qui n’hésite pas à mêler sur un même motif plusieurs couleurs laisse encore des raisons de croire dans une régénération possible. Tel le Phénix, les flammes de Melehi, « flammes spirituelles de l’amour soufi » comme le suggère Moulim El Aroussi, renaîtront de leurs cendres, tant qu’il y aura des amateurs d’art.

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