Prix du poulet : pourquoi ça flambe autant ?

Le prix de la volaille ne suit pas la baisse des cours du maïs et du soja. Ces aliments font partie de ceux qui contribuent à 70% dans le coût de production du poulet à la ferme. Outre les coups de chaleur, les professionnels avancent d’autres facteurs pour tenter d’expliquer l’envolée de la viande blanche au Maroc.  

La viande blanche devient, de plus en plus, inaccessible. Aujourd’hui, dans certains marchés à Casablanca, le prix de la volaille se situe entre 18 et 19 DH/Kg, et atteint même parfois 20 DH. Il y a encore quelques semaines, les producteurs expliquaient cette hausse par l’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie sur le marché local et mondial. Un «argument» qui n’est plus valable, dans la mesure où ces prix sont en baisse et que l’énergie est de moins en moins chère, estiment les consuméristes.

Or, pour Chaouki Jerrari, secrétaire général de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole au Maroc (FISA), «les raisons de la hausse des prix du poulet sont plus complexes qu’on ne le pense». L’impact de la baisse des prix des aliments, qui représentent 70% du coût de production, «n’est pas assez significatif», explique-t-il. Avant le conflit opposant la Russie à l’Ukraine, principal élément déclencheur de l’envolée des prix du maïs et du soja, le coût de production était de 11 à 11,50 DH le kilo au niveau de la ferme.

Aujourd’hui, pour produire un kilo de poulet, il faut dépenser plus de 16 DH, détaille Chaouki, qui indique que les marges des éleveurs n’ont jamais été aussi faibles. Car, précise-t-il, en plus des aliments, il faut aussi intégrer, dans le coût de production de la volaille, les soins vétérinaires, la main-d’œuvre et le gasoil. Concernant ce dernier facteur, notre interlocuteur insiste sur le fait que la baisse du prix à la pompe, «qui est de 1 DH seulement, n’a eu qu’un impact marginal dans le coût global de production». En gros, résume -t-il, «même s’il y a une hausse du prix de la volaille au Maroc, cela ne profite pas aux producteurs». Ce qui relève presque du paradoxe quand on sait que les éleveurs sont, en ce moment, dans leur meilleure période de l’année.

Coups de chaleur et forte demande
La demande n’a jamais été aussi importante au cours des derniers mois avec, notamment, la reprise de l’activité touristique et l’habituelle saison des cérémonies de mariages. Si la filière est passée d’une production hebdomadaire de 10 millions de poussins avant la crise de la Covid à 8 millions actuellement (-20%,) la demande reste néanmoins supérieure à l’offre.

Cette tendance s’explique aussi par les coups de chaleur qui impactent négativement la production nationale. Très sensibles à la hausse des températures, les volailles s’hyperventilent et, si la chaleur persiste ou s’accroît, l’issue est souvent fatale. Et les risques de pertes augmentent pour les éleveurs d’autant plus que les poussins mettront plus de temps pour prendre du poids. En temps normal, ils gagnent jusqu’à 2 kg au bout de 40 jours d’élevage. Avec les vagues de chaleur que nous connaissons, leur poids peut redescendre à 1,8 kg ou même moins sur la même durée, indique le professionnel.

Aujourd’hui, plusieurs éleveurs ont équipé leurs fermes de systèmes de ventilation mais dans les villes où la température peut grimper jusqu’à 45°, il n’est pas rare que des fermiers se retrouvent dans l’obligation de suspendre leurs activités, nous dit-on. Ceci n’est pas sans conséquence sur la production, souligne Chaouki. Toutefois, assure-t-il, les professionnels ont toujours les capacités pour couvrir largement la demande en poulets du marché national en dépit de l’incertitude qui plane sur la filière, et sachant que beaucoup d’investissements ont été gelés.

«Nous sommes dans une période de forte demande mais celle-ci n’est pas durable. Une fois la saison terminée, la demande se tassera de nouveau.», prévient le SG de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole au Maroc.

Mais qu’est-ce qui empêcherait maintenant les éleveurs d’augmenter leur volume de production afin de générer des revenus plus conséquents ? «Nous ne sommes pas dans une usine où il suffit d’appuyer sur un bouton pour augmenter le volume de production, qui, dans notre cas, suit un cycle de huit mois au minimum pour se réguler“, rappelait Jerrari dans une de nos précédente édition.

Khadim Mbaye / avec Les Inspirations ÉCO