Maroc

E-learning: une nouvelle méthode plus adaptée, par Ismail Boukili

Expert en EdTech (technologies de l’éducation), Ismail Boukili ingénieur en informatique a enseigné pendant plus de 15 années au sein de son centre d’accompagnement scolaire à Casablanca. À la tête d’une startup spécialisée dans l’EdTech, il nous explique en quoi la classe inversée est la plus adaptée aux nouvelles générations d’élèves.

Après avoir lancé votre plateforme kiffelesmaths.com, vous êtes sur le point de déployer une nouvelle plateforme de e-learning basée sur le principe de la classe inversée. Pouvez-vous nous expliquer dans les grandes lignes en quoi consiste cette méthode pédagogique?

Si je devais résumer ce qu’est la classe inversée, je dirais que c’est «les cours à la maison et les devoirs en classe». On peut donc parler d’une inversion spatiale et temporelle de l’enseignement classique. Exit donc le cours magistral, classique, suivi des traditionnels devoirs d’application et d’approfondissement à la maison.

La classe inversée offre un tout autre modèle : il s’agit pour l’élève de prendre connaissance de son cours à la maison et d’effectuer les exercices d’application directe avant de venir en classe. On profite ensuite du temps passé en classe, des exercices d’application, qui permettent d’aller au fond des choses.


En d’autres termes, on libère du temps pour les élèves, pour privilégier un travail collaboratif en classe.

En quoi est-ce bénéfique pour les élèves ?

Cela semble assez évident. La classe inversée permet de se concentrer en classe sur des tâches d’apprentissage dites de haut niveau cognitif. En d’autres termes, les exercices qui nécessitent le plus de concentration sont réalisés en classe, avec l’assistance du professeur, ce qui permet de recentrer l’apprentissage autour de l’élève, dans un cadre collaboratif.

Ce faisant, le professeur change radicalement de rôle. Il n’est plus une personne qui débite son cours sans échange, et devient une sorte de guide. Cela change tout !

Et concrètement, comment vous y êtes-vous mis, sachant que ce n’est pas quelque chose de très répandu au Maroc?
J’ai commencé à pratiquer la classe inversée par pragmatisme, sans réellement en être conscient, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Mais cela ne vient pas de nulle part: en 2010, j’ai acheté un micro, une caméra, et j’ai fait des vidéos de cours de mathématiques, pour expliquer à mes élèves les cours que je ne cessais de ressasser au quotidien, année après année. J’ai diffusé plusieurs vidéos sur Youtube, et je les ai partagées avec mes élèves.

Et là, ça a été le choc, le nombre de vues de la chaîne kiffelesmaths a explosé, certaines vidéos affichant plus de 150.000 vues ! Face à ce succès, j’ai demandé à mes élèves de systématiquement visionner le cours sur Youtube avant le cours en présentiel, comme on dit depuis le confinement. L’idée, en partageant ces cours avec mes élèves, était de pouvoir gagner du temps en classe, pour se concentrer sur les exercices, échanger, s’adapter aux besoins individuels de chaque élève.

Et puis entre nous, le temps passé en classe est tellement plus agréable, autant pour les élèves que le professeur. Tout le monde y gagne!

En quoi le numérique est-il indispensable à la classe inversée?
Je ne sais pas s’il est indispensable, mais ce qui est sûr, c’est que la technologie offre de nouveaux horizons. Bien sûr qu’on peut continuer de travailler à l’ancienne, avec le manuel de cours et la bonne vieille photocopieuse. Mais grâce à la technologie, on peut produire et diffuser des vidéos, partager du contenu sous différents formats, particulièrement appréciées des nouvelles générations d’élèves.

En d’autres termes, on va là où notre audience est déjà présente, et on s’adapte à ses habitudes de consommation. Cela peut paraître étrange d’utiliser ce vocable pour l’éducation, mais il faut être pragmatique. Autre avantage que permet la technologie: les questionnaires en ligne, sur lesquels ils peuvent se tester et suivre leur progression en temps réel. C’est un formidable outil aussi bien pour les élèves que pour les professeurs.

Dans mon quotidien de professeur, grâce à ces tests, j’arrive à jauger le niveau de mes élèves, mais aussi le niveau de mon cours. De fait, si 80% de mes élèves répondent mal à une question, je peux légitimement me poser des questions et revoir mon cours en conséquence.

Pour les élèves, les quiz, qui offrent un retour immédiat, sont une excellente boussole, et ils les encouragent à refaire l’exercice plusieurs fois, jusqu’à obtenir une note satisfaisante. En termes d’autoévaluation, il n’y a rien de comparable… C’est une sorte de “gamification” de l’éducation.

Telle que vous la décrivez, la classe inversée semble être la panacée. Ce n’est pas un peu trop beau pour être vrai?
Quelle que soit la matière enseignée, la classe inversée fonctionne, je le vois au quotidien et la littérature scientifique le confirme.

En revanche, et c’est là qu’il faut être lucide, la classe inversée nécessite un investissement, en termes de temps, car il faut penser le contenu des cours en vidéo, le produire, anticiper et planifier les activités en cours, avec un réel parcours pédagogique.

Il faut aussi bien penser le déploiement, et éviter de chambouler le mode d’enseignement en cours d’année. À ce titre, je préconise de lancer la classe inversée en début d’année, pour ne pas déstabiliser les élèves… Mais au final, tout cela n’est pas insurmontable, bien au contraire. C’est pourquoi, je ne saurais trop conseiller à mes confrères d’essayer cette méthode

Carte de visite

En lançant la chaîne kiffelesmaths.com sur Youtube il y a une dizaine d’années, Ismail Boukili était loin de s’imaginer du succès qu’il allait rencontrer. Aujourd’hui, la chaîne affiche plusieurs millions de vues au compteur et cumule plus de 120.000 abonnés, répartis entre la France, l’Afrique subsaharienne et le Maghreb.

Fort de ce succès, ce quadragénaire casablancais a lancé il y a 8 ans une plateforme qui porte le même nom, avec un modèle freemium, et là encore, les élèves dévorent son contenu, et n’hésitent pas à recourir à la version payante des cours et exercices, qui leur permet d’approfondir leurs connaissances, suivre leur progression, et interagir avec d’autres professeurs.

Aujourd’hui, ce startuppeur s’apprête à lancer une plateforme pédagogique basée sur le modèle de la classe inversée, accessible aux établissements scolaires, aux professeurs et à tous les élèves. L’offre comprendra dans un premier temps tout l’éventail des matières scientifiques, en phase avec les spécificités du programme de l’enseignement marocain.

Reda Alami

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